Au centre de l’Inde, l’exploitation minière accable les tribus

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De l’or à profusion et du charbon pour tous. C’est, en quelques mots, ce que promet Raman Singh, le ministre en chef de l’État du Chhattisgarh – centre de l’Inde – à ses habitants, et surtout, aux compagnies minières et aux investisseurs attirés par cette région luxuriante, débordant de forêts, de cours d’eaux et de collines richissimes en minerais : fer, bauxite, calcaire, étain, dolomite, or ...

Majoritairement rural et peuplé de tribus ou de basses castes à plus de 50 %, le Chhattisgarh est aussi considéré comme l’un des États les plus pauvres d’Inde.

Dans un entretien récemment accordé au journal Business Standard, Raman Singh se flattait pourtant de sa politique « pro-pauvres » et d’une croissance du PIB régional de plus de 7 % pour l’exercice 2015-2016. Il souhaite désormais mettre l’accent sur l’exploration et l’extraction aurifère qui suscitera des « emplois » et « ravivera la joaillerie et l’orfèvrerie ».

Cette annonce accompagnait la victoire, en février, de la holding Vedanta Resources lors d’une enchère sur l’extraction de la plus importante mine d’or indienne, à 140 km de Raipur, la capitale de l’État.

L’Inde importe actuellement environ 1000 tonnes d’or par an, ce qui en fait un important secteur d’importation. Cette mise aux enchères d’une mine d’or, une première nationale, s’aligne dans la volonté gouvernementale visant à monétiser et à remettre en circulation le précieux métal afin d’en limiter les importations. L’or en Inde est surtout thésaurisé chez les particuliers ou dans les temples, soit près de 20.000 tonnes selon les estimations du gouvernement.

Cette annonce a retenti comme une brillante promesse pour la région du Chhattisgarh et ses foyers miniers. Cet État du centre de l’Inde, déjà connu pour l’exploitation de charbon, pourrait ainsi se diversifier dans l’exploration aurifère.

Les organisations non gouvernementales, comme le Center for Science and Environment, un centre d’études environnementales en Inde, sont elles plutôt sceptiques.

« Est-ce que l’extraction minière augmente la pauvreté ? La plupart des gens vivant dans ces États riches en minerais le disent, et les statistiques macro-économiques appuient cet argument. Les États comme le Jharkhand, le Chhattisgarh et l’Orissa, ayant accumulé une grande dépendance aux ressources minières montrent de très bas revenus par habitant, plus de pauvreté, des taux importants de malnutrition et de mortalité » indique un livre du Center for Science and Environment de 2008 sur la corrélation entre l’exploitation minière et la misère des tribus.

Une autre organisation, Survival International, avait déjà alerté l’opinion mondiale sur l’accaparement des terres des tribus Dongria Kondh, dans l’État voisin de l’Orissa, dont la lutte contre le même groupe Vedanta a repris début mars.

Développement forcé

Au Chhattisgarh, cependant, la lutte semble compromise. L’exploitation du charbon a déjà gagné du terrain. Le 8 janvier, le gouvernement central a retiré aux tribus du district de Surguja la possibilité d’exercer leur droit ancestral sur leurs terres, pourtant garanti par le Forest Right Act, qui les rend décisionnaires prioritaires sur toute entreprise exploitant les forêts.

Le retrait de cet acte a été justifié par un vice de procédure. En réalité, selon la journaliste Raksha Kumar, il s’agit de l’illustration d’un processus de « développement forcé » renforcé par la campagne « faire plus facilement du business » lancée par le gouvernement qui a construit les infrastructures nécessaires à une vaste entreprise de déforestation et d’exploitation minière.

Elle permet ainsi à une entreprise publique, Rajasthan Vidyut Utpadan Nigam Limited (RVUNL), et privée, Adani Minerals Private Limited, d’exploiter des mines de charbon de la région rapporte le journal The Wire. Pourtant, depuis plusieurs années, les tribus de Surguja luttent contre ces projets.

« Nous nous opposons fermement à l’exploitation à tort et à travers des ressources, » soutient Himanshu Kumar, un activiste local, dans un entretien avec Equal Times.

« Le problème c’est qu’au Chhattisgarh, dès que vous remettez en cause un projet de développement, vous êtes accusés de collaboration avec les militants armés maoïstes ».

Le Chhattisgarh, comme d’autres États centraux, appartient à la tristement célèbre « ceinture rouge » de l’Inde où continue de sévir une guérilla d’obédience maoïste, plus connue sous le nom de « naxalite ».

Au nom de l’anti-terrorisme, le gouvernement s’est longuement appuyé sur des milices, recrutant de force femmes et enfants, et se livrant aux pires exactions – tout comme les Naxalites – contre la population locale, prise en tenailles dans le plus grand mépris des droits humains.

« Le gouvernement est déterminé à acquérir des terres et ne va pas se priver d’utiliser ce type de méthodes pour briser tout activisme. J’ai peur du futur quand on voit l’escalade de violences actuelles » explique Kumar, qui prépare une campagne de sensibilisation aux droits humains et contre l’exploitation minière abusive dans la région en juin.

Depuis la fin 2015, il semblerait que les persécutions à l’encontre des journalistes, associations, avocats et militants des droits humains se soient accélérées.

Soni Sori, une militante tribale, membre de l’Aam Admi Party, connue pour avoir subi des violences inouïes après avoir dénoncé les actions de l’État en 2011, a été brûlée au visage fin février et sa sœur kidnappée début mars.

Pourtant, pour Raman Singh qui s’exprimait le 18 février dans The Economic Times, la situation semble des plus normales, la menace naxalite est désormais minimale et le Chhattisgarh deviendra bientôt un État où proliféreront les entreprises.

This article has been translated from French.