Au moins 60.000 morts dans les prisons syriennes, selon une nouvelle étude

Plus de 60.000 personnes ont perdu la vie dans les prisons syriennes depuis 2011, après avoir été torturées ou par manque de nourriture ou d’assistance médiale, selon le groupe de veille de l’Observatoire syrien des droits humains.

« Depuis mars 2011, au moins 60.000 personnes sont mortes sous la torture ou dans des conditions atroce, notamment à cause du manque de médicaments ou de nourriture, dans les centres de détention du régime syrien », a déclaré la semaine dernière à l’AFP Rami Abdelrahman, directeur du groupe de veille basé au Royaume-Uni.

Ce chiffre est supérieur aux données précédemment communiquées par divers militants syriens et groupes de veille, bien que le directeur de l’Observatoire affirme que les données ont été recueillies par des personnes en contact avec des sources du régime dans les centres de détention syriens.

L’Observatoire a lui-même enregistré plus de 14.450 décès en détention, dont 110 enfants, depuis mars 2011, c’est-à-dire au moment où les manifestations contre le gouvernement de Bachar el-Assad ont commencé, dans la ville méridionale de Deraa.

D’un autre côté, le Centre de documentation sur les violations, qui gère une base de données consultable très complète sur les personnes tuées, arrêtées ou disparues en Syrie, a signalé un peu plus de 64.500 emprisonnements et 10.411 décès résultant des tortures infligées aux détenus, selon le directeur exécutif du Centre de documentation sur les violations, Husam al-Katlaby.

Amnesty International avait déjà révélé que plus de 65.000 personnes – dont 58.148 civils – avaient disparu ou avaient été arrêtées de force par les services de sécurité syriens depuis le début du soulèvement.

Les arrestations ont « eu lieu dans le cadre d’une attaque organisée à grande échelle contre la population civile, et de manière systématique, ce qui constitue un crime contre l’humanité », souligne Amnesty.

De nombreuses personnes craignent que le nombre de morts dans les prisons syriennes soit bien plus élevé, mais compte tenu du manque total de transparence, il est difficile de vérifier les chiffres.

Toutefois, la dernière déclaration de l’Observatoire a été prononcée au moment où les négociateurs de l’opposition essayaient d’attirer l’attention sur les milliers de détenus qui dépérissent dans les prisons du pays administrées par le gouvernement syrien, les militaires, ou divers groupes de sécurité.

Ces déclarations marquées d’un nouveau dynamisme font peut-être suite à la confrontation tendue entre les services de sécurité syriens et les détenus de la prison centrale de Hama, au nord-est de Damas.

Après une semaine de tensions, alors que les détenus contrôlaient certaines parties de la prison et que les forces de sécurité se préparaient à reprendre les commandes par la force, les représentants des prisonniers ont rencontré des dirigeants syriens et ont consenti à mettre un terme à l’agitation en échange d’une amélioration des conditions de détention et de la libération échelonnée de prisonniers.

Dans un courrier adressé au Groupe international de soutien à la Syrie (GISS) le 16 mai dernier, le président de la Coalition nationale des forces de l’opposition écrit que le mouvement de protestation de Hama « a replacé la question des détenus au premier plan de l’attention médiatique et internationale ».

Le président de la Coalition, Anas Abdah, a par ailleurs ajouté que Hama n’était que « la partie émergée de l’iceberg ».

 
Pression sur le gouvernement d’Assad

Les négociateurs du Haut Comité des négociations, qui constituent un ensemble représentatif des groupes armés et des forces politiques opposés à Bachar el-Assad, appellent à exercer davantage de pression contre le gouvernement d’Assad pour autoriser les inspections internationales des infrastructures syriennes et mettre un terme aux exécutions.

Abdah a également précisé que toute solution politique future devrait prévoir des « garanties visant à rendre comptables de leurs actes les personnes responsables de graves violations des droits humains, de torture systématique et d’exécutions ».

Cet appel a aussi été suivi par des militants indépendants. Dans le cadre d’une nouvelle initiative lancée par des activistes, des journalistes et des acteurs syriens en Europe, #Les détenus d’abord (المعتقلون أولاً), une déclaration a récemment été publiée, soulignant qu’il est « de notre devoir humain et moral d’aider les dizaines de milliers de Syriens et de Syriennes, retenus prisonniers ou pris en otages par des forces maléfiques toujours plus nombreuses, dont chacune viole la liberté et la dignité des Syriens autant que leur position de force sur le terrain leur permet de le faire ».

Sakher Idrees, journaliste et militant syrien, a contribué à l’élaboration de cette campagne. « Dans les centres de détention, on retrouve toute la société syrienne, affirme-t-il. Il y a des artistes, des docteurs et des journalistes, des musulmans, des chrétiens, des Druzes et des Alawites… des Arabes et des Kurdes ».

D’après Idrees, pour l’instant, les négociations n’ont pas donné la priorité à la question des détenus – en partie à cause de la réticence de la communauté internationale, mais aussi parce que la Syrie et ses alliés y ont fait obstruction, car « le dossier des prisonniers révèlerait, avec des preuves et des noms, que le régime syrien a commis de graves crimes de guerre », commente Idrees.

Autour de la table des négociations, les représentants du gouvernement ont déjà vivement critiqué les chiffres fournis par l’opposition concernant le nombre de détenus. En même temps, il n’est pas possible de vérifier le nombre de civils et de combattants pro-régime incarcérés dans les prisons et centres de détention contrôlés par l’opposition.

D’autre part, pour Katlaby, le directeur du Centre de documentation sur les violations, la question des prisonniers va bien au-delà des chiffres.

« Le problème, ce n’est pas seulement le nombre de prisonniers, dit-il. C’est le sort qui leur est réservé ».

« La grande majorité de ces détenus ont disparu. Leur famille n’a plus de nouvelles. C’est comme une plaie ouverte qui ne se referme pas ».