COP20 : Un texte sans ambitions pour rallier tous les pays

Actualité

Après deux semaines de négociations et plus de 30 heures de prolongations à Lima, au Pérou, la COP20 a accouché d’un texte limité.

Le sentiment qui prédominait à la sortie de l’ultime séance dans la nuit de samedi à dimanche est en effet celui d’un accord consensuel.

« Il a été vidé de sa substance afin que chaque pays soit prêt à le signer », soulignait ainsi un délégué.

Une illustration de la litanie répétée par de nombreux intervenants en séance plénière : « Nous ne pouvons pas repartir les mains vides ».

C’est donc un à un que les éléments clés du texte ont été retirés par Manuel Pulgar Vidal, le président de la COP20 et ministre de l’Environnement péruvien.

Faute d’échéancier clair, c’est une course contre la montre qui commence maintenant pour les différents pays.

Chacun d’entre eux devra présenter avant novembre prochain ses « intended nationally-determined contributions » (INDC), les contributions qu’il fera afin de limiter l’émission de gaz à effet de serre.

Mais ni le périmètre, ni le contenu ou le mode d’évaluation de ces projets n’ont été définis.

Aucune idée non plus d’où viendront les financements pour les 100 milliards de dollars d’aide annuelle prévus à partir de 2020 pour les pays du Sud.

Seuls dix milliards ont été confirmés pour cet engagement qui date de 2009 à Copenhague.

Seul point positif, la réaffirmation d’une « responsabilité commune mais différenciée ». Les pays développés reconnaissant ainsi leur responsabilité historique dans le changement climatique.

À un an de la conférence de Paris, l’obtention d’un accord qui réussirait à limiter la hausse des températures à deux degrés Celsius, seuil jugé dangereux par les scientifiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat), paraît aujourd’hui un véritable challenge.

 

Poids prépondérant des multinationales

Interrogée par Equal Times à Lima, Ségolène Royal, ministre française de l’Environnement, du Développement durable et de l’Énergie, a annoncé vouloir mettre « la société civile au cœur des débats à travers de nombreux évènements. »

Un projet confirmé lors de l’ultime conférence de presse du sommet qui réunissait notamment Manuel Pulgar Vidal et Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères.

À trois reprises, ce dernier a répété qu’il faudra une mobilisation « des villes, régions, entreprises et organisations non gouvernementales ».

Mais selon les organisations de la société civile, c’est surtout les entreprises qui ont voix au chapitre.

Pascoe Sabido, chercheur au Corporate Europe Observatory, détaille ainsi pour Equal Times : « Ces négociations ne sont pas pour les gens. Ils n’ont aucune voix, au contraire des multinationales qui sont ici chez elles ».

Pour illustrer ce propos, il a organisé une protestation contre l’organisation par Chevron d’une conférence au sein de la COP20. Évènement où intervenait aussi un porte-parole de Shell.

« Ce sont deux entreprises qui ont un lourd passif en termes de pollution. Ils n’ont rien à faire ici. Nous devons monter un pare-feu entre eux et nos gouvernants », estime encore Sabido.

Une situation qui n’épargne pas non plus l’Union européenne, comme l’a révélé Libération : « La réunion organisée par l’Union européenne intitulée « Comment financer un accord climat ? » est édifiante. Un technocrate, un banquier, un financier d’un fonds suédois et un vice-président d’une firme (Alstom) discourent ainsi de l’importance des mécanismes de marché et des investissements dans l’énergie décarbonée, pour la mitigation ».

 

Mobilisation citoyenne

« Je ne me sens pas représenté par la COP20. J’ai besoin de faire entendre ma voix. De défendre mon peuple, mon territoire, mon mode de vie ».

Sixto, membre de la communauté des « Paltas » en Équateur, s’époumone pendant la manifestation organisée le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme, par la Cumbre de los Pueblos.

Comme lui, entre 15.000 et 20.000 personnes avaient fait le déplacement afin de faire bouger les négociations qui semblaient vouées à l’échec.

Ruth Buendia, la cheffe de la Centrale Ashaninka del Rio Ene, qui a reçu le prix Goldman pour l’environnement cette année, ne peut cacher sa déception : « Nous n’avons quasiment pas pu participer aux débats. Ce n’était pas pour nous et nous n’avons pas d’espoir que quelque chose de positif en sorte pour les peuples indigènes ».

Seule satisfaction pour elle, avoir pu « exprimer les demandes et les besoins des communautés natives ».

Ce constat d’un bilan bien maigre est partagé par les syndicats.

« Nous avons fait un travail de fond pendant plusieurs mois avec les centrales qui nous sont affiliées mais aussi avec les autres. Les syndicats péruviens ont vraiment réussi à mobiliser leurs troupes », souligne Iván González, le coordinateur politique de la Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques (CSA), après son passage sur le podium de l’événement où se sont succédé leaders indigènes, syndicaux, étudiants et d’organisations non gouvernementales.

Selon Anabella Rosemberg, responsable environnementale au sein de la Confédération syndicale internationale (CSI) : «  On ne se faisait pas d’ambitions pour Lima, mais le texte manque tout de même d’ambitions non seulement environnementales mais aussi sociales. Il y a une absence d’engagement de la part des États sur l’idée d’une transition juste que le mouvement syndical porte depuis longtemps. »

Stéphane Aguitton, membre fondateur de l’organisation altermondialiste Attac, conclut :

« À Paris, nous espérons des centaines de milliers de personnes dans la rue. C’est le seul moyen de réussir à faire pression sur les gouvernants et de leur faire comprendre que ce n’est pas que le climat qu’il faut changer. C’est la société. »