COP21 à Paris : comment mobiliser après les attentats ?

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Comment mobiliser les citoyens et faire pression sur les négociateurs sans manifester ? C’est le casse-tête de la Coalition Climat 21 depuis l’annonce, le 17 novembre, de l’interdiction des deux grandes mobilisations à Paris le 29 novembre et le 12 décembre qui devaient réunir plusieurs centaines de milliers de personnes.

La décision officielle fait suite aux attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis. En cause : les risques d’autres attaques terroristes, mais aussi la crainte de mouvements de panique ou de débordements.

« Le gouvernement a décidé de ne pas autoriser les marches pour le climat prévues sur la voie publique », a fait savoir Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères qui préside la COP21.

La Coalition Climat 21, qui regroupe 130 ONG, syndicats et associations, maintient ses appels à « une mobilisation internationale », mais a dû chercher un plan B.

« On a reformulé nos modes d’action mais la préfecture a refusé toutes nos propositions. Toutes les actions en extérieur sont interdites », regrette, déçue, Juliette Rousseau, coordinatrice du mouvement.

La coalition a pourtant décidé de maintenir la mobilisation du 29 novembre en contournant les interdictions : « On prévoit une chaîne humaine sur le tracé de la marche », dit-elle à Equal Times.

Elle appelle aussi à « se rassembler autrement : en terrasses de café, dans les boulangeries, les coins de rue, les balcons et les fenêtres, et même sur les vêtements, un symbole commun sera proposé pour exprimer son engagement pour le climat. »

« Il faut continuer à mobiliser car le réchauffement climatique est un des facteurs qui explique les attentats, pense Juliette Rousseau. On sait que les conflits comme celui en Syrie sont liés à des enjeux énergétiques. Donc notre mouvement de justice climatique ne défend pas seulement les ours polaires, mais pointe le fait qu’à mesure que la crise climatique s’aggravera, les conflits s’intensifieront ».

Sur le parcours de la marche, l’ONG Avaaz prépare des installations artistiques, visuelles et sonores, pour « habiller, décorer, occuper le parcours ».

Avaaz a aussi imaginé une action place de la République à Paris. « Nous allons recouvrir la place et les rues avoisinantes de chaussures, qui symboliseront chacun de nos pas. Des milliers et des milliers de "chaussures en marche" ».

Concrètement, l’organisation propose à chacun de prendre une paire de chaussures, d’écrire son nom dessus, de la décorer ou d’y insérer un « message d’espoir pour notre aveni r », puis de l’envoyer au siège d’Avaaz France, à Montreuil. »

 
Une mobilisation qui passe largement par Internet

La mobilisation va aussi largement se faire via Internet pour « une marche virtuelle ».

« Un site - march4me.org - met en contact des personnes qui marcheront le 29 novembre et qui endosseront l’image d’un Français qui ne pourra pas manifester », dit Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot.

L’idée ? « On entre son nom et sa photo sur le site et quelqu’un dans le monde marchera pour vous, précise-t-il. Ce n’est pas ce que l’on avait imaginé au départ mais cela nous permet de continuer nos actions car 140 chefs d’État seront à Paris, c’est la première fois qu’ils se retrouvent depuis les attentats donc ils sont dans l’obligation d’être à la hauteur et d’avoir un message ambitieux ».

Plus de 50 grandes marches sont organisées dans le monde, notamment à Londres, Berlin, São Paulo ou New Delhi. En France, certains événements sont maintenus.

Pendant toute la durée de la COP21, Internet permet aussi de signer «  Osons », l’appel aux chefs d’État lancé en octobre par Nicolas Hulot sur le site de sa Fondation et qui a déjà recueilli près de 625.000 signatures. La pétition sera ensuite remise symboliquement à François Hollande.

Le scénario pour le 12 décembre, au lendemain de la clôture de la COP21, a lui aussi évolué.

« Nous avons prévu une mobilisation de masse par petits groupes qui partiront de plusieurs endroits de Paris », explique Juliette Rousseau.

Ce même jour, 350.org appelle à « des actions de désobéissance civile non violentes pour montrer les lignes rouges qui ont été franchies », indique Eros Sana, responsable de l’organisation qui a dû aussi adapter ses modes d’action.

« Depuis les attentats, le gouvernement dit aux Français de ne pas changer leur mode de vie, mais il ne les laisse pas s’exprimer, pointe Eros Sana à Equal Times. Les mesures de sécurité prises sont normales mais on ne peut pas dire aux gens qui veulent marcher qu’ils prennent un plus grand risque que s’ils vont sur le marché de Noël ou à un match de foot ».

Les autres manifestations ne changent pas. Du 26 au 28 novembre, la Conférence des jeunes (COY) devait ouvrir le bal des rassemblements avec 5.000 personnes attendues pour deux jours au Parc des expositions de Villepinte.

Les 5 et 6 décembre à Montreuil, devraient se tenir le Village mondial des alternatives organisé par Alternatiba, le marché paysan des Amis de la Confédération paysanne et le Forum climat de la Coalition Climat 21. La Zone d’action climat, du 7 au 11 décembre au CentQuatre, dans le 19e arrondissement de Paris, sera un rendez-vous quotidien.

Les syndicats seront également présents en nombre via un « Forum syndical climat et emploi », durant lequel ils tenteront de mettre en avant leur demande pour une « transition juste ».

Le climat sécuritaire n’est cependant pas au goût de tous. Dans un communiqué, le collectif Les désobéissants a appelé à braver l’interdiction du gouvernement.

« Nous appelons chacun et chacune à venir, dans le calme, sans haine et sans violence, conscients des risques certes, mais présents parce que le risque est plus grand pour nous de ne pas manifester ».

Déjà 4.500 personnes se sont inscrites à cette marche sur la page Facebook de l’événement.

Cet article a été traduit de l'anglais.