L’État péruvien en mal de protéger les communautés indigènes

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Le 1 septembre, Edwin Chota, chef reconnu de la communauté Ashaninka d’Alto Tamaya-Saweto, dans la région d’Ucayali, est assassiné avec trois de ses compagnons.

Ils se rendaient à une réunion organisée avec plusieurs autres responsables de la communauté pour lutter contre la déforestation. C’est alors qu’ils ont été tués par des bûcherons illégaux, selon plusieurs associations Ashaninkas.

Cela faisait deux ans que Chota tentait d’avertir les autorités sur la déforestation des terres de leur communauté à travers de nombreuses plaintes.

Il avait réussi à rassembler des photos et des noms de plusieurs bûcherons illégaux. Des informations qui lui avaient valu des menaces de mort.

Le 6 juin dernier, beaucoup espéraient enfin que les choses allaient pouvoir évoluer. Lui et plusieurs autres représentants de la communauté avait rencontré des membres de plusieurs ministères et organismes. Culture, Défense, Intérieur, Environnement Agriculture Relations Extérieures mais aussi OSINFOR (organisme qui gère les ressources forestières du pays) et police nationale, le tour de table était large.

Quatre mois plus tard, la réunion n’a rien donné et Chota et ses compagnons sont morts.

La Defensoria del pueblo, l’organisme autonome de protection des citoyens a l’origine de la réunion de juin a très vite réagi.

« Ce qui est grave c’est que les dirigeants assassinés dénonçaient depuis plusieurs années la faiblesse de l’État dans cette zone et leur situation de vulnérabilité.

« Ils demandaient depuis longtemps, la protection de leurs droits fondamentaux » souligne le communiqué.

Depuis cette rencontre, seule l’OSINFOR est allé sur le terrain lors d’une inspection en août. Cependant, rien n’a été fait pour l’instant dans la lutte contre la taille illégale et l’absence des services de l’État.

 

l’absence des services de l’État

C’est pourtant ce dernier point qui est au cœur du problème.

La zone où vit la communauté de Chota est située à la frontière avec le Brésil. Loin, très loin de tout représentant de l’État péruvien.

« Depuis Iquitos, la capitale régionale, il faut trois jours en canoë pour y arriver. C’est trop loin pour que l’on s’y intéresse. Il n’y a pas de contrôles du ministère public, c’est une zone de non-droit ! » explique Milagros Paz Zegarra, dirigeante nationale en charge du changement climatique au sein de la Central Autónoma de Trabajadores del Perú (Centrale Autonome de Travailleurs du Pérou), syndicat dont étaient membres les quatre indigènes.

« Il faut une véritable investigation sur cette affaire pour mettre en prison les responsables. Il faut aussi que l’on mette davantage l’accent sur la protection de la nature et des indigènes.

« Beaucoup de communautés vivent de la forêt qui les entoure. Pourtant, du point de vue de l’État, ils n’en ont même pas la propriété. »

La propriété c’est l’autre point de désaccord entre officiels et communautés. Beaucoup d’entre elles, luttent depuis plusieurs années pour que le pays reconnaisse que les terres autour du village lui appartiennent.

Une situation aggravée par le vote en juin du « paquetazo »  : un ensemble de loi destiné à relancer l’activité économique mais lourd de conséquences environnementales.

Le Pacto de Unidad Indigena (Pacte d’unité des organisations indigènes), a ainsi dénoncé un « viol des droits des indigènes » et réclamé « le respect du droit à la possession et à la propriété de nos terres ancestrales ».

Le dernier chapitre d’un processus au dénouement encore incertain tant les intérêts économiques semblent peser.

Toutefois, la visibilité donnée aux problématiques indigènes avec cette tragédie pourrait avoir pour effet de faire avancer leur cause.

Sous réserve, que la peur ne prenne pas le dessus.

C’est le scénario catastrophe évoqué par Julia Urrunaga, directrice des programmes péruviens de l’Agence d’investigation environnementale (EIA) lors d’une conférence avec la presse étrangère.

« Quand une personne connue comme Edwin est tuée sans que l’État ne fasse rien, les autres savent ce qui risque de leur arriver. Le message est clair : tais-toi, cela n’intéresse personne, si tu dis quelque chose on te tuera ».

Washington Bolivar, dirigeant de la communauté indigène de Mariscal Caceres, dénonce lui aussi le trafic illégal de bois.

Lors d’une réunion organisée à Lima le 15 septembre, il a pointé avec d’autres dirigeants son manque de confiance dans les autorités locales.

La Defensoria del Pueblo a donc immédiatement demandé qu’il soit protégé. Pour éviter que l’histoire ne se répète.