Les derniers campements des FARC

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Suite à la signature de la paix entre le gouvernement colombien et les FARC, survenue le 26 septembre à Carthagène des Indes (Colombie), à laquelle le peuple colombien devrait (vraisemblablement) donner son aval lors du référendum qui se tiendra ce dimanche 2 octobre (ndlr : cet article a été publié avant le référendum en question qui, à la surprise générale, a donné la victoire aux opposants à l’accord de paix dans sa forme actuelle) , la guérilla abandonnera ses camps en vue de démarrer le processus de démobilisation et de désarmement.

La trêve convenue et respectée au cours des derniers mois a donné un répit aux 35 membres de l’unité centrale du Bloque Magdalena Medio, dans la jungle du département d’Antioquia au centre du pays. Il y a peu, cette unité vivait au rythme du nomadisme pour échapper aux bombardements.

La routine désormais se poursuit dans la tranquillité, même si certaines habitudes inhérentes à uns structure militaire sont conservées : héritage de la guérilla la plus ancienne d’Amérique latine et d’un conflit qui a duré plus d’un demi-siècle et provoqué la mort de près de 220.000 personnes (dont 81 % de victimes civiles) et près de 6 millions de déplacements forcés (comme suite des actions menées par les groupes paramilitaires, les guérillas, les forces de l’ordre publiques et des groupes armés non identifiés).

Le journaliste et reporter-photographe Aitor Sáez s’est plongé dans la forêt vierge colombienne pour découvrir les attentes et les craintes des recrues des FARC face à l’avenir qui s’esquisse dans la vie civile et concernant le nouveau parti politique qui sera la nouvelle émanation des FARC dès le mois de mai (dont le nom n’a pas encore été dévoilé).

Dimanche, les colombiens voteront « oui » ou « non » au sujet de l’accord de paix, complexe, qui a déjà reçu l’aval de la communauté internationale, après avoir été signé par le gouvernement colombien et les FARC. Un « oui » permettra d’assurer la transition.

 

Photo: Aitor Sáez, 09/2016

Adrián (prénom modifié), 19 ans, est entré dans les FARC il y a trois ans. Comme tant de ses camarades, il était alors mineur ; le conflit a façonné sa vie. Dans son cas, il porte les cicatrices de la violence. La tache noire qui recouvre son visage est une séquelle des nombreux coups de pieds donnés par les paramilitaires à sa mère lorsqu’elle était enceinte.

 

Photo: Aitor Sáez, 09/2016

La répartition des tâches quotidiennes suit un roulement égalitaire, sans distinction entre hommes et femmes, qu’il s’agisse de nettoyer l’enclos des cochons, de planter des semences, de chercher du bois ou, comme dans cette image, de balayer les feuilles omniprésentes dans la forêt vierge.

Le camp est vu par les recrues comme un véritable foyer, et leurs camarades, comme des membres de leur famille. Si auparavant l’uniforme était indispensable en vue de ne pas se faire repérer par l’armée au moyen des surveillances aériennes, désormais ils sont souvent en civil.

 

Photo: Aitor Sáez, 09/2016

Carlos, seul médecin du camp, et d’autres recrues nettoient leur fusil. Malgré la trêve et l’approche du référendum, les guérilleros portent toujours leurs AK47, R15 ou M16. En revanche, suite aux ordres reçus de leur commandant depuis La Havane, ils ne sont plus armés lorsqu’ils vont dans les villages habités par une population civile proches de leurs camps.

 

Photo: Aitor Sáez, 09/2016

Malgré la réticence des FARC face au référendum, des combattants préparent des affiches et des panneaux avec des messages de soutien à la paix. « Empruntons des chemins différents pour une même conviction : la paix est notre espoir », ou bien « Ton rêve devient réalité », voilà certains des appels composés au spray et aux pochoirs.

Les derniers sondages donnent un avantage de de plus de 20 points au « oui », et pourtant d’aucuns craignent que survienne un « Brexit créole », c’est-à-dire un retournement de situation lors des résultats finaux en raison du haut taux d’abstention prévu.

 

Photo: Aitor Sáez, 09/2016

Les cicatrices de César Augusto Sandino (nom d’emprunt d’un guérillero âgé de 56 ans) correspondent à des balles reçues lors de divers affrontements avec des organisations paramilitaires. Justement, un des sujets de préoccupation des FARC après la signature de la paix est justement la possibilité que des groupes paramilitaires, qui étaient au départ des factions d’extrême droite créées pour combattre la guérilla des FARC, ne se transforment désormais en des clans liés au narcotrafic.

Pour leur part, certains experts signalent la possibilité que ce soient plutôt des dissidents guérilleros irréductibles qui finissent rejoindre les réseaux du trafic de stupéfiants.

 

Photo: Aitor Sáez, 09/2016

Avant la formation des rangs pour l’appel quotidien, au bord d’un ruisseau, la toilette des guérilleros à l’aide de bassines et de blocs de savon est aussi l’occasion de faire un peu de lessive. Hommes et femmes en sous-vêtements partagent cette salle de bain improvisée au bord du même affluent auquel ils remplissent leurs bidons lorsque la pompe à eau tombe en panne.

 

Photo: Aitor Sáez, 09/2016

La journée se termine avec « l’heure de la culture », où les guérilleros se retrouvent devant le seul poste du camp pour regarder les informations du soir de Caracol TV. Seule exception à cette habitude : les « dimanches guérilleros », jour de la semaine où des loisirs sont organisés avec de la musique et de la danse. Il y a un an, ce type de célébration aurait été impensable de crainte d’indiquer à l’armée précisément où bombarder.

 

Cet article a été traduit de l'espagnol.