Menace sur le droit à l’eau au Chili

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Au Chili, la pollution et la privatisation de l’eau n’ont cessé de progresser, sous la protection de l’État et dans le cadre du capitalisme dérégulé.

Les organisations dynamiques du pays veulent mettre un terme à cette situation.

Tout a commencé sous la dictature d’Augusto Pinochet le 13 août 1981, lorsque le Code des eaux (DFL 1122) a été modifié pour remettre de manière illimitée, gratuite et perpétuelle cet élément vital entre les mains du secteur privé.

Plus tard, sous les gouvernements de coalition et de l’administration de Sebastian Piñera, les entreprises sanitaires telles qu’Aguas Andinas ou Esval, entre autres, ont connu le même sort sous le slogan de la « golden share » ; l’État n’en conservant que cinq malheureux pour cent.

Au Chili, les droits sur l’eau sont répartis en droits de consommation et en droits de non-consommation. Les premiers permettent de consommer toute l’eau pour une activité tandis que les seconds obligent à restituer au fleuve l’eau non utilisée.

Les activités qui pompent l’eau sont, au nord, les industries extractives ; au centre, l’agriculture ; et, au sud, les monocultures forestières, parallèlement à une série de projets hydroélectriques.

Dans le nord du pays, le manque d’eau est extrême, de même que la qualité des eaux destinées à la consommation humaine puisque, d’après des études de la Superintendance des services sanitaires (SISS), on y a détecté de fortes concentrations d’arsenic.

Alors que cet élément mortel ne doit pas dépasser, selon la norme chilienne, 0,01 milligramme maximum par litre d’eau, il atteint 0,0113 à Arica et 0,0307 à Pozo Almonte, deux villes du nord du pays.

Au lieu d’investir dans des technologies d’extraction non chimique ou de désalinisation de l’eau de mer pour leurs processus, les entreprises minières nationales et transnationales externalisent tous les coûts vers l’environnement et les communautés voisines.

Au centre du pays, le responsable est le secteur exportateur de produits agricoles : les monocultures d’avocats, qui demandent énormément d’eau, ou les commissions d’irrigation, qui stockent l’eau dans les secteurs plus élevés au détriment des plaines…

Le cycle naturel de l’eau est ainsi détourné au profit de quelques-uns et au préjudice du plus grand nombre.

D’anciens ministres du gouvernement et d’autres responsables publics ont été dénoncés par les organisations citoyennes qui sont lésées par les mesures d’usurpation consacrées par l’article hérité d’une dictature.

 

Marchandisation de la nature

C’est ce qui se passe avec le lac Los Ángeles sur l’affluent du fleuve Ligua, dans la province de Petorca, que l’ex-ministre Pérez Yoma a exploité avec profit ; dénonciation pour laquelle le dirigeant municipal et ingénieur agronome Rodrigo Mundaca est aujourd’hui poursuivi et encourt une peine de prison.

Plus au sud, les responsables sont les monocultures de pins et d’eucalyptus, qui assèchent les nappes phréatiques. Pourtant, le gouvernement continue de soutenir leur plantation et leur modèle de développement forestier.

Pour trouver de l’eau là où l’on en trouvait auparavant en creusant à un ou deux mètres, il faut aujourd’hui creuser en profondeur jusqu’à 50 mètres ou plus pour obtenir cette ressource stratégique du 21e siècle.

L’Association d’ingénieurs forestiers pour la forêt indigène (AIFBN) a dénoncé le fait que « la spoliation croissante de paysans, d’agriculteurs et de peuples autochtones en termes d’accès à l’eau génère chaque jour plus de conflits locaux qui ont, à différents niveaux, des répercussions négatives sur la qualité de vie de la population rurale. Ces conflits sont dans leur grande majorité occultés ».

Entre-temps, la marchandisation de la nature est à l’ordre du jour au Chili. Si l’on se rappelle que 97 % de l’eau du globe est salée et que l’eau douce ne représente que 3 %, cette dernière est donc un bien rare que les spéculateurs ont transformé en un bien économique plutôt qu’en un droit humain.

Dans un compte-rendu d’un rapport de la Banque mondiale de 2011, le centre de recherche Ciper a révélé que, de 2005 à 2008, près de 25 000 transactions d’achat et de vente de droits sur l’eau ont été réalisées dans le pays entre des entreprises privées, pour une valeur annuelle approchant les 1200 millions USD.

Un marché juteux auquel la députée du PPD, Cristina Girardi, veut mettre un terme. « Le plus préoccupant dans le secteur de l’Alliance, c’est que cette situation perdure et fasse partie du marché. Si, comme le veut l’Alliance, c’est le marché qui contrôle, cela cesse d’être un droit humain  », a-t-elle expliqué.

Comme l’a indiqué de son côté l’AIFBN, « la Commission des ressources en eau de la Chambre des députés a ouvert le débat sur un projet de loi qui modifie le Code des eaux ; mais il ne suffit pas de déclarer que l’eau est un bien national d’utilité publique car, si l’on ne modifie pas le mécanisme permettant de concéder et de céder les droits d’exploitation de ce bien commun au secteur privé, on continue d’autoriser qu’il soit transformé en un bien économique pouvant faire l’objet de transactions sur le marché », a-t-elle précisé.

En attendant, la société civile organisée poursuit différentes actions en faveur de la récupération de l’eau, la ressource stratégique du 21e siècle, comme étant un droit humain.

L’une d’elles est la Campagne citoyenne pour la dérogation au Code des eaux, (« Campaña Ciudadana Por La Derogación Del Código De Aguas ») ; une autre, conduite par l’AIFBN, a dressé une carte faisant apparaître les principaux conflits de l’eau au Chili.

Cet article a été traduit de l'anglais.