Pour une plus forte présence des femmes au sein des conseils d’administration en Europe

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La disparité entre hommes et femmes au sein des conseils d’administration en Europe se hisse aujourd’hui au sommet de l’ordre du jour politique, déclenchant une lutte des pouvoirs entre les plus puissantes institutions de l’Union européenne.

La commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, veut obliger les sociétés cotées en bourse à se doter d’une présence de minimum 40 pour-cent de femmes au sein de leurs conseils non-exécutifs d’ici 2020. Les lobbys industriels et plusieurs gouvernements nationaux entendent faire capoter ses propositions.

 

Entre temps, le Parlement européen a différé la nomination très en vue du luxembourgeois Yves Mersch au conseil exécutif exclusivement masculin de la Banque centrale européenne, au motif qu’il est inacceptable qu’aucune candidature féminine n’ait été envisagée pour ce poste.

« À l’heure actuelle, aucune femme ne siège au conseil principal de ce qu’est l’une

des institutions les plus puissantes et importantes de l’UE », a indiqué Sharon Bowles, présidente de la Commission des affaires économiques et monétaires au Parlement européen.

« Les conséquences symboliques et pratiques de cette absence ne passent pas inaperçues. Il existe, semble-t-il, un problème culturel systémique auquel il faille s’attaquer, comme dans le cas des sociétés. »

Les femmes occupent seulement 14 pour cent des sièges aux conseils des principales sociétés européennes, d’après les chiffres de l’UE. Si l’on considère les pays membres de l’UE individuellement, ce taux oscille entre 27 pour cent en Finlande et à peine trois pour cent à Malte.

Reding a présenté son plan à la Commission européenne la semaine dernière, après avoir convenu de l’échec de sa dernière initiative, qui invitait les entreprises à souscrire un engagement volontaire à augmenter la représentation des femmes.

Seul 24 sociétés ont souscrit à l’engagement.

« L’autoréglementation a, jusqu’ici, manqué de produire des résultats satisfaisants », a déclaré Reding récemment. « Je ne raffole pas des quotas. Mais j’apprécie les résultats qui en découlent. »

 

Les syndicalistes européens ont, depuis longtemps, soutenu que des mesures juridiquement contraignantes étaient nécessaires pour garantir un meilleur équilibre hommes-femmes au sein des directions d’entreprises.

« Nous concordons largement avec la proposition de la Commission », affirme Claudia Menne, secrétaire confédérale à la Confédération européenne des syndicats chargée de la diversité et de l’égalité hommes-femmes.

« Nous appuyons les proposition législatives car nous sommes conscients que le secteur privé n’adhère qu’en paroles aux mesures non contraignantes. »

Plusieurs pays membres de l’UE, dont la France, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et l’Espagne ont d’ores et déjà pris des dispositions en vue de l’introduction de quotas propres.

Ailleurs, toutefois, comme dans le cas de la Grande-Bretagne, l’Allemagne et Malte, notamment, les hauts responsables ont exprimé leur opposition au plan Reding.

« Il serait néfaste pour l’UE d’œuvrer à l’élaboration de mesures législatives en termes de quotas juridiquement contraignants », a déclaré le ministre de la Justice de Malte, Chris Said, au portail d’informations MaltaToday ce lundi.

« Malte le perçoit essentiellement comme un changement culturel et des solutions expéditives ne s’avéreront pas nécessairement les plus efficaces sur le long terme. »

Reding insiste sur le fait que le « plafond de verre » qui empêche l’ascension des femmes au sommet de la hiérarchie entrepreneuriale nuit à la performance économique de l’Europe.

« Dans le monde des affaires, les équipes mixtes hommes-femmes produisent de meilleurs résultats que les entreprises exclusivement masculines », a-t-elle déclaré lors d’une conférence à Munich cet été.

« Pour parler franchement : Dans le contexte actuel, un groupe d’hommes d’affaires d’âge mur en costume cravate n’a pas la moindre chance de percer. »

Une décision de la Commission européenne concernant la proposition Reding est attendue avant la fin de l’année – pour pouvoir entrer en vigueur, elle devra ensuite être approuvée par une majorité des gouvernements des pays membres de l’UE et le Parlement européen.

Son plan ne devrait s’appliquer qu’aux grandes entreprises cotées en bourse et aux conseils de surveillance plutôt qu’aux membres exécutifs.

Les sociétés publiques seront, quant à elles, soumises à des règles plus strictes, avec un objectif de 40% à atteindre à l’horizon 2018, selon des responsables de l’UE.

En Norvège, où des quotas ont été introduits en 2005, les femmes occupent aujourd’hui 42 pour cent des places aux conseils d’administration.

Une étude réalisée en 2011 par la firme d’audit Deloitte a montré que les femmes occupaient 12 pour cent des places aux conseils exécutifs des principales sociétés des États-Unis, d’Australie et du Canada ; 8,5 pour cent en Chine, 7,8 pour cent en Malaisie et 4,7 pour cent en Inde.