Royaume-Uni : Le programme workfare décrié comme du « travail forcé non rémunéré »

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Une campagne des organisations du secteur bénévole britannique contre le « bénévolat forcé » a retardé le lancement prévu de la politique sociale phare du gouvernement britannique, selon les militants.

L’accord prévoyait que le programme Community Work Placement (CWP) deviendrait opérationnel dès le 2 juin au plus tard. Toutefois, à en croire les représentants de la campagne Keep Volunteering Voluntary, le CWP semblait avoir « du mal à décoller » en raison de l’opposition générale qu’il suscite.

Jusqu’ici, plus de 350 organisations de bienfaisance ont souscrit à l’engagement Keep Volunteering Voluntary (pour un bénévolat bénévole) et ont refusé de participer au CWP en raison de craintes que le travail obligatoire non rémunéré contribue à la précarité alimentaire et au sans-abrisme, tout en ayant une incidence adverse sur la valeur du bénévolat librement choisi.

La liste inclut des organisations emblématiques comme Oxfam, Christian Aid, Shelter et Scope.

Pour pouvoir fonctionner, le programme CWP, qui imposerait aux personnes sans emploi des placements de travail non rémunéré obligatoires d’une durée de six mois, requerrait la participation des organisations caritatives et des conseils municipaux.

Selon les ministres, ce programme aurait pour but d’aider les chômeurs à se réintégrer dans l’emploi. Selon ses détracteurs, toutefois, c’est « ni plus ni moins que du travail forcé non payé ».

Le lancement de l’initiative était prévu pour le 28 avril mais a été reporté à mai, puis à juin.

Andy Benson, fondateur de la National Coalition for Independent Action, un des signataires de la pétition, a déclaré à Equal Times que les retards successifs dans le lancement du CWP constituaient « une preuve de plus que ce programme punitif, bâclé et mal conçu est destiné à être mis au rebut de l’histoire. »

« Des centaines d’associations bénévoles ont déjà fait savoir qu’elles ne voulaient rien avoir à voir avec celui-ci et leur nombre ne cesse de croître de jour en jour », a-t-il ajouté.

« Le gouvernement devrait demander la suspension immédiate de ce programme et éviter de cette façon de gaspiller 237 millions de livres sterling ( 398 millions USD) provenant des poches des contribuables. »

Dans le cadre du programme CWP, les personnes qui bénéficient de l’allocation de demandeur d’emploi (jobseeker’s allowance, JSA) sont tenues d’effectuer un placement de six mois de travail non rémunéré, au risque de voir annuler leurs allocations conformément aux nouvelles règles de sanction (suppression des aides sociales).

Le CWP s’inscrit dans la lignée d’une série de programmes d’activation de l’emploi ou workfare du gouvernement qui prévoient la suppression des prestations sociales, comme notamment le Work Programme et le Mandatory Work Activity qui sont d’ores et déjà opérationnels.

Une multiplication exponentielle du nombre de sanctions sous l’actuel gouvernement – les chiffres les plus élevés depuis l’introduction du JSA en 1996 - a été invoquée comme la cause d’une augmentation des cas d’urgence alimentaire dans 83% des banques alimentaires gérées par The Trussell Trust, responsable de la coordination d’un réseau national de centres d’aide alimentaire d’urgence.

L’organisation de bienfaisance signale, par ailleurs, que le nombre de personnes contraintes de recourir aux banques alimentaires en Grande-Bretagne a doublé au cours de l’année écoulée.

 

« Bâclé et abusif »

Une quinzaine de conseils municipaux britanniques se sont également engagés à s’abstenir de prendre part au programme CWP. La plupart d’entre eux ont souscrit à la campagne par le biais du syndicat UNITE, la principale confédération syndicale du pays.

Le syndicat soutient le groupe d’organisations bénévoles qui se trouve derrière la campagne Keep Volunteering Voluntary.

Dans un communiqué, Steve Turner, secrétaire général adjoint de UNITE, a qualifié le CWP de « bâclé » et « abusif » et accusé le gouvernement de « vouloir stigmatiser les demandeurs d’emploi en les forçant à travailler pour rien ».

« Ce programme équivaut ni plus ni moins qu’à du travail forcé non rémunéré et absolument rien ne permet de prouver que de tels programmes workfare contribuent à une réintégration à long terme dans l’emploi rémunéré », a-t-il souligné.

« Cela va entraîner un déplacement des travailleurs existants et réduire les demandeurs d’emploi à l’état d’esclave ou simplement les contraindre à faire la file devant la banque alimentaire. »

« Le nombre d’heures exigées dans le cadre du workfare dépasse le temps de travail communautaire imposé dans le cas d’une condamnation au pénal, par exemple si on donne un coup de poing a un passant dans la rue – c’est ahurissant. »

Les représentants UNITE dans le secteur bénévole ont lancé un appel aux dirigeants de 200.000 organisations de bienfaisance enregistrées en Grande-Bretagne leur demandant de refuser de souscrire au programme CWP (placement en travail communautaire), une initiative soutenue par Iain Duncan Smith, secrétaire d’État au Travail et aux Retraites (DWP).

« Le gouvernement voit les organisations caritatives comme une cible facile pour un programme aussi inique », a dit Turner.

« C’est une déformation du véritable esprit de bénévolat et cela va contraindre le public à voir d’un nouvel œil les œuvres caritatives avec lesquelles elles étaient naguère fières d’être associées. »

Pour sa part, Martin Kyndt, Directeur de Strategy and People Management auprès de Christian Aid a déclaré à Equal Times: « L’esprit et l’intention du bénévolat est que les gens contribuent gratuitement de leur temps. Le bénévolat est profondément ancré dans l’histoire, le crédo et les valeurs de Christian Aid. Il fournit une expérience de travail inestimable et nombre de nos anciens bénévoles sont passés à des emplois rémunérés. »

Diverses organisations caritatives britanniques ont retiré leur participation à d’autres programmes workfare du gouvernement.

La participation des œuvres de bienfaisance aux initiatives workfare pourrait se voir compromettre encore davantage si le DWP se voyait contraint de divulguer les noms des organisations qui accueillent des placements workfare, ce qui risque d’arriver s’il perd son appel le 12 juin.

Le gouvernement refuse de publier les noms des organisations qui ont actuellement recours au workfare et a interjeté appel contre la décision du Commissaire à l’information qui demande que ces noms soient rendus publics.

Dans un document confidentiel concernant la procédure d’appel divulgué à la suite d’une fuite, les avocats du gouvernement ont écrit : « Pour dire les choses simplement, la divulgation [des noms] aurait probablement conduit à l’effondrement du programme de travail obligatoire MWA [Mandatory Work Activity]. »