Sierra Leone : les mineurs se préparent à la catastrophe

La Sierra Leone pourrait perdre plus de 7000 emplois dans les mines, suite à la décision de la plus grande société minière du pays de congédier temporairement les travailleurs.

Bien que les travailleurs d’African Minerals – non seulement le plus gros producteur de minerai de fer de la Sierra Leone mais aussi le principal contributeur au PIB du pays – aient été renvoyés chez eux avec leur salaire intégral début novembre, les travailleurs et les syndicats craignent que cette situation ne devienne permanente.

Les dirigeants de cette société cotée à la bourse de Londres invoquent la chute du cours du minerai de fer pour expliquer « la fermeture contrôlée de l’exploitation » de la mine phare de Tonkolili, qui appartient à 25 % à la société chinoise Shandong Iron and Steel Group.

African Minerals, qui a récemment racheté son plus grand concurrent, London Mining, a besoin de 102 millions USD pour rouvrir la mine et retrouver sa place au sein des entreprises de l’indice boursier britannique FTSE 100.

Ezekiel Dyke, le secrétaire général du syndicat de mineurs United Mineworkers Union of Sierra Leone confie à Equal Times qu’il est « préoccupé » par le « nombre colossal de travailleurs concernés par la fermeture de la mine ».

« Avec les négociations entre le gouvernement, la direction de l’entreprise et d’autres partenaires, nous espérons que le problème sera réglé et que l’exploitation de la mine reprendra ».

En octobre, London Mining a été déclarée en faillite avant d’être rachetée par le magnat de l’industrie minière australo-roumain Frank Timiș, président exécutif d’African Minerals.

Il y a peu de temps encore, les deux entreprises représentaient 16 % du PIB de la Sierra Leone ; African Minerals exportait alors 15,7 millions de tonnes de minerai de fer pour une valeur de 549,5 millions USD en 2014, selon les données disponibles à la banque centrale du pays.

Mais l’industrie minière de la Sierra Leone a été durement éprouvée par le virus Ebola, qui a coûté la vie à plus de 3100 personnes (à la date du 26 janvier 2015).

La fermeture de la mine de Tonkolili serait extrêmement grave.
« Il serait dangereux, et tout à fait catastrophique, que le gouvernement décide de laisser disparaître African Minerals. Il y a déjà trop de chômeurs dans ce pays, surtout parmi les jeunes », déclare à Equal Times Moses Gbondo, le secrétaire général du syndicat de mineurs Mining and Allied Services Employees Union.

« Le gouvernement doit intervenir pour protéger les emplois et prélever des impôts ».

En Sierra Leone, dont la population avoisine les six millions d’habitants, le taux de chômage s’élève à 60 % – une situation que l’épidémie d’Ebola n’a fait qu’aggraver.

Les analystes ont fait part de leur préoccupation à l’égard de la fermeture définitive du principal employeur du pays, qui provoquerait selon eux l’effondrement de l’économie.

« Si l’on examine le taux de croissance économique de notre pays au cours des quatre dernières années, on constate qu’il était vraiment très bon et que 50 % de ce taux provenait du secteur minier », explique Abdulai Brima, maître de conférence à Fourah Bay College, l’université de la Sierra Leone.

« Alors si le secteur minier s’effondre, cela aura de graves conséquences pour le pays parce que ce secteur était capable d’absorber la majeure partie de notre main-d’œuvre non qualifiée », précise-t-il à Equal Times.

« En cas de pertes d’emplois massives organisées dans le secteur minier, nous allons voir dans les rues de nombreux travailleurs non qualifiés au chômage, et cela risque de créer des tensions sociales dans le pays  », ajoute Brima.

Cette petite nation d’Afrique de l’Ouest est encore en train de se rétablir d’une violente guerre civile qui a duré une dizaine d’années (1991-2002), provoquant plus de 50.000 morts et laissant des centaines de milliers de personnes blessées, mutilées et déplacées.

Un grave problème d’inégalité et de corruption, ainsi qu’un niveau élevé de chômage et une pauvreté endémique sont autant de facteurs qui ont contribué à déclencher le conflit meurtrier dans ce pays riche en ressources – auxquels s’ajoutent l’exploitation minière et le commerce des « diamants de sang  ».

Les citoyens de la Sierra Leone veulent absolument éviter tout accroc dans le fragile tissu social du pays, de peur d’un retour des hostilités, et c’est pour cette raison que le sort des mineurs de Tonkolili revêt une telle importance.

Une équipe du ministère des Mines et des Ressources naturelles a rejoint African Minerals et Shandong à la table des négociations pour essayer de trouver un moyen de faire revivre la mine de Tonkolili, mais en attendant qu’un accord soit conclu, les travailleurs de la Sierra Leone, qui souffrent depuis si longtemps, retiennent leur souffle.

 

Cet article a été traduit de l'anglais.