Jesús Malverde, le saint des pauvres et des narcotrafiquants

Jesús Malverde, le saint des pauvres et des narcotrafiquants
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Pour certains, ce saint a derrière lui un passé de bandit bienveillant. Les plus exclus voient en lui un saint permissif et proche, un compagnon de route avec qui affronter le quotidien dans les zones de violence. Il est aussi considéré comme le protecteur des narcotrafiquants. Pour d’autres, il est simplement un personnage qui n’a jamais existé.

La légende urbaine élève la figure de Jesús Malverde au rang d’un Robin Hood mexicain. Selon cette légende, qui le situe à la fin du XIXe siècle, il volait aux caciques fortunés de l’État de Sinaloa (nord du Mexique) pour ensuite répartir son butin parmi les plus pauvres. Ses larcins étaient si nombreux que le gouverneur local offrit une récompense pour sa capture. Lors d’une de ses attaques, Malverde fut blessé par balle et se rendit

Il fut exécuté par pendaison le 3 mai 1909. Interdit de sépulture, son cadavre fut laissé suspendu à l’arbre à la vue de tous pour servir d’exemple. Au bout d’un temps, ses restes ont commencé à tomber au sol et les habitants des environs ont petit à petit commencé à les recouvrir avec des pierres. À partir de ce moment, Jesús Malverde commença à être surnommé le bandit des pauvres.

L’élévation de Jesús Malverde au rang de saint des narcotrafiquants se doit à son lieu d’origine : Sinaloa, un État qui fut aussi le berceau de plusieurs cartels de drogue parmi les plus notoires du Mexique. Mais ce n’est pas tout. Elle se doit aussi en partie à l’histoire de Raymundo Escalante.

L’histoire de Julio Escalante et de son fils Raymundo est bien connue des habitants de l’État de Sinaloa et se situe dans les années 1970. Quand le narcotrafiquant Julio Escalante apprit que son fils menait des affaires avec une bande rivale, il envoya des sicaires à ses trousses. Les sicaires le blessèrent par balle avant de le jeter à la mer. Mais Raymundo implora Malverde de lui sauver la vie. Et dans ce qui est désormais considéré comme une œuvre et un miracle du saint, les prières du jeune Escalante furent entendues et il fut sauvé par un pêcheur.

À partir de ce jour, les narcotrafiquants de tous bords n’ont cessé de défiler à la chapelle de Malverde pour demander la protection du saint. N’ont pas manqué au rendez-vous des barons du narcotrafic comme Rafael Caro Quintero et Amado Carrillo, alias Señor de los Cielos (Seigneur des cieux), ni les partisans de Joaquín Archivaldo Guzmán Loera dit « El Chapo ».

À l’heure actuelle, Jesús Malverde compte une armée d’adorateurs et une infinité d’autels plus ostentatoires les uns que les autres, répartis sur tout le territoire mexicain. Il a aussi traversé les frontières : On trouve aujourd’hui des autels érigés en son honneur à Los Angeles (Californie, États-Unis) et à Cali (Colombie), notamment.

 

Photo: Consuelo Pagaza, 09/2016

Le quartier de Colonia Doctores, à Mexico, abrite une modeste chapelle dédiée à Santo Jesús Malverde. En se promenant le long de la Calle Doctor Vértiz et du trottoir sur lequel est érigée la chapelle, le regard du passant sera immédiatement attiré par une vitrine éclairée jour et nuit contenant des statues à échelle humaine de Jesús Malverde et de la Sainte Mort.

 

Photo: Consuelo Pagaza, 09/2016

Pour toutes celles et tous ceux qui vivent dans un contexte de survie quotidienne, vu le climat de violence et de pauvreté auquel ils sont soumis, un personnage comme Jesús Malverde est perçu comme quelqu’un à la fois de proche et de permissif, à la différence des saints de l’Église catholique. Que la chapelle soit ouverte ou fermée, tous les jours dans la Calle Doctor Vértiz, un flot ininterrompu de personnes au volant d’automobiles tape-à-l’œil ou à pied s’arrêtent devant la statue de Jesús Malverde pour converser avec lui ou lui laisser des offrandes.

 

Photo: Consuelo Pagaza, 09/2016

C’est le troisième jour du mois. Il est presque huit heures du soir quand Alicia Pulido, responsable de la chapelle, installe sur le trottoir deux mannequins imposants, hauts de 1,80m. Il s’agit de Jesús Malverde, vêtu de pantalons noirs ajustés et d’une chemise blanche de vacher, portant une moustache effilée et son sombrero norteño (un style encore présent chez une partie des habitants de l’État de Sinaloa).

 

Photo: Consuelo Pagaza, 09/2016

Quand la chapelle est ouverte et que l’on y pénètre, la première chose qui retient l’attention est l’odeur de tabac. Sur les tables, les murs et les autels, des scapulaires, des icônes, des illustrations et des « milagros » (objets de foi employés par l’Église catholique pour ses saints mais qui sont ici frappés d’un sceau particulier : La représentation de Malverde ou de la Sainte Mort). Ses adorateurs y déposent, en guise d’offrande, des bouquets de fleurs et des fruits, mais aussi des cadres, des cigares, des cigarettes, des bouteilles de tequila ou de whisky et de l’argent. Ils demandent en échange l’abondance pour leur foyer et leurs affaires.

 

Photo: Consuelo Pagaza, 09/2016

Des personnes de tout âge se réunissent dans la chapelle. Certaines d’entre elles portent des effigies du saint Jesús Malverde en guise d’offrande, pour le remercier ou lui demander des miracles. Les fidèles de la Sainte Mort prononcent une messe en son honneur le premier et le 25e jour de chaque mois. Le troisième et le dix-septième jour de chaque mois est consacré à Jesús Malverde. Les fidèles se réunissent alors pour prier, lui adresser des demandes ou lui exprimer leur gratitude pour tout ce qu’ils attribuent à sa main miraculeuse.

 

Photo: Consuelo Pagaza, 09/2016

Armée d’hardiesse et de sérieux, Alicia se place à côté du saint, installe un haut-parleur lumineux et annonce le début de la messe.
S’ensuivent des prières entremêlées d’incantations récitées en chœur par les fidèles (évoquant le rosaire catholique). Entre chaque prière, ils entonnent : « Jesús Malverde, prie pour nous ; Jesús Malverde, écoute-nous. »

 

Photo: Consuelo Pagaza, 09/2016

À la fin de la messe, certains fidèles s’approchent du saint pour lui soumettre des demandes en tout genre, y compris des miracles. En file devant l’effigie de Jesús Malverde, des hommes et des femmes de tout âge font le signe de la croix et profitent de l’instant pour converser avec leur saint en le tutoyant et en lui prenant la main.

 

Cet article a été traduit de l'espagnol.