La Grèce invoque des lois d’ « urgence » pour mettre fin aux grèves

 

Les marins grecs ont été forcés de reprendre le travail hier matin au terme d’une grève de six jours, après que le gouvernement ait invoqué des mesures d’exception normalement réservées aux situations d’urgence pour mettre fin à l’action collective.

Les marins réclament des arriérés correspondant à plusieurs mois de salaires impayés, une convention collective salariale et la fin du recours à la main-d’œuvre sans papiers et non assurée.

Ils sont, par ailleurs, opposés aux coupes budgétaires, ainsi qu’à une nouvelle proposition de loi qui affaiblirait leur centrale syndicale, la Fédération panhéllenique des marins (PNO).

 

La proposition de loi, qui prévoit l’introduction d’un nouveau contrat d’emploi entre les armateurs et les équipages, suscite au sein de la PNO la crainte d’un chômage accru parmi les personnels de la marine marchande grecque.

« La nouvelle loi fait table rase de la marine en tant que profession, ainsi que de toutes les règles qui la sous-tendent », a déclaré la PNO.

La grève lancée jeudi dernier avait commencé à provoquer des pénuries sur les étals des épiceries dans les îles grecques et entravait les exportations agricoles vers les Balkans et au-delà, d’après un communiqué de l’Association du marché aux légumes central d’Athènes.

Également au début de cette semaine, la chambre de commerce du complexe insulaire des îles Cyclades a averti que la grève empêchait le traitement de cas médicaux graves et paralysait également les transports funéraires.

« Nous ne sommes pas prêts à céder face aux mesquineries politiques alors que les pénuries vont croissant et que la santé publique est menacée », a proclamé le ministre de la Marine marchande Costas Mousouroulis.

« Ma porte est toujours ouverte pour les marins, afin que les deux parties puissent amorcer un dialogue constructif dès aujourd’hui s’il le faut », a-t-il ajouté.

Dès la mise en application par la coalition gouvernementale tripartite de l’ordre de mobilisation civile –le troisième ordre de ce type en l’espace de deux semaines – hier matin à 6h00, des milliers de manifestants issus des rangs du syndicat PAME affilié au Parti communiste grec (KKE) se sont rassemblés dans le port du Pirée.

Les manifestants se sont ensuite rendus au ministère de la Navigation et des Affaires maritimes pour se rallier aux marins en grève et opposer l’ordre.

La PNO a annoncé la poursuite de l’action collective en dépit des ordres du gouvernement.

Entre-temps, les deux principaux syndicats grecs GSSE et ADEDY se sont, eux aussi, ralliés au mouvement de grève hier à Athènes pour exprimer leur solidarité avec les marins.

La grève a affecté l’ensemble des services publics et a inclus un arrêt de travail de quatre heures par les personnels des transports publics.

Les ordres de mobilisation civile sont considérés comme un ultime recours en Grèce et n’ont été invoqués qu’à dix occasions depuis la chute de la dictature militaire en 1974.

Quatre d’entre eux ont été décrétés depuis le début de la crise de la dette grecque en 2009.

« La démocratie est menacée », a affirmé Panayiotis Lafazanis, membre du parti de gauche Syriza qui a publiquement critiqué le gouvernement socialiste antérieur du PASOK pour avoir signé l’accord de sauvetage avec la troïka FMI/BCE/UE.

« Le peuple souffre, il est saigné à blanc, et l’austérité colportée par le gouvernement manque de convaincre », a dit Lafazanis.

« Le gouvernement agit au mépris des règles de la démocratie. Il se prévaut d’une forme perverse de dictature démocratique », a-t-il ajouté.

Dans un communiqué publié hier soir, la PNO a aussi accusé le gouvernement de « violence sans précédent et de terrorisme », cependant que les adhérents ont voté en faveur d’une grève générale convoquée par le GSEE et l’ADEDY pour le 20 février prochain.

La coalition à trois partis a, pour la dernière fois, invoqué l’ordre –toute infraction est passible d’arrestation et d’une peine d’internement pouvant aller jusqu’à cinq ans – pour mettre fin à une grève des personnels de métro en janvier, qui avait duré huit jours.

« Le gouvernement doit savoir que le non-respect des lois syndicales et du travail constitue une violation de la constitution nationale et des conventions internationales et européennes qui protègent les droits des travailleurs », a signalé le syndicat des employés de la fonction publique ADEDY dans son communiqué.

Celui-ci a décrié la mesure comme une « pratique antidémocratique consistant à pénaliser les actions syndicales et les grèves. »

Cette semaine a été particulièrement difficile pour la Grèce, où les agriculteurs bloquent les rues avec leurs tracteurs depuis le 25 janvier, en protestation contre les nouvelles réglementations fiscales et les coupes budgétaires.

Dans le cadre de leur dernière vague de protestations, les agriculteurs et éleveurs grecs ont une fois de plus exprimé leur colère concernant la réduction des bonifications de trop-perçu et des subventions aux combustibles et la hausse des taux de contribution à la sécurité sociale qu’ils doivent payer.

Les agriculteurs menacent, par ailleurs, de bloquer les rues indéfiniment.

« Nous n’avons pas d’autre choix que de continuer, nous sommes au bord du désespoir » a déclaré un fermier à la chaîne de télévision NET.

Le gouvernement grec maintient un dialogue avec les manifestants mais refuse d’accéder à toute demande susceptible de nuire à ses mesures de réduction du déficit, qui constituent une condition d’accès aux programmes de sauvetage et à la réduction de la dette par l’Union européenne et le Fonds monétaire international.

La litanie de programmes d’austérité et de mesures déflationnistes doublées de l’incertitude politique ont entraîné une hausse sans précédent du chômage, actuellement estimé à près de 27 pour cent, poussant une fois de plus l’agitation sociale à son paroxysme.

 

Cet article a été traduit de l'anglais.