La migration n’est pas un crime !

Nous avons besoin d’une politique d’immigration qui repose sur les droits humains, les droits civils et les droits du travail, tout en tenant compte des raisons qui poussent les personnes à migrer.

Nous devons également réfléchir à la manière de mettre fin à la criminalisation des migrants.

Il faut commencer par étudier les racines de la migration – les raisons pour lesquelles les personnes viennent aux États-Unis.

La liberté de mouvement est un droit humain, mais nous vivons dans un monde où, bien souvent, la migration n’est pas volontaire mais dictée par la pauvreté et les prétendues réformes économiques.

La politique commerciale des États-Unis et les « réformes » économiques imposées à des pays tels que le Mexique, El Salvador ou les Philippines aggravent la pauvreté.

Or, l’appauvrissement des travailleurs/euses et la diminution des salaires offrent des conditions favorables à l’investissement des entreprises américaines.

C’est ce qui motive notre politique commerciale. Mais le coût humain est extrêmement élevé.

L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a autorisé les sociétés américaines à écouler le maïs à bas prix au Mexique pour s’emparer du marché avec les importations américaines.

Aujourd’hui, Smithfield Foods vend presque un tiers de la totalité du porc consommé par les Mexicains.

Ce dumping du maïs et cette mainmise américaine sur le marché ont fait chuter les prix à tel point que des millions d’agriculteurs/trices mexicains ne parvenaient même plus à survivre. Ils ont dû quitter leurs terres.

Depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA, le nombre de personnes nées au Mexique et vivant aux États-Unis est passé de 4,5 millions à 12,67 millions.

Actuellement, environ 11 pour cent de tous les Mexicains vivent aux États-Unis. Autour de 5,7 millions ont pu obtenir un visa, mais 7 millions d’entre eux n’en ont pas eu la possibilité mais sont tout de même venus aux États-Unis. Ils n’avaient pas vraiment le choix, c’était une question de survie pour leur famille.

Les lois américaines de l’immigration criminalisent les migrants et le travail des personnes sans papiers.

Nous avons besoin d’une politique d’immigration qui cesse de pousser les gens à partir de chez eux et qui ne les traite pas comme des criminels lorsqu’ils quittent leur pays.

La loi sur le commerce, Trade Act, soutenue par le mouvement syndical, souhaite mettre en place des auditions pour comprendre comment les accords commerciaux contraignent les personnes à migrer, aux États-Unis et dans d’autres pays.

Ensuite, il conviendrait de renégocier ces accords afin d’éliminer les causes de la migration. Les nouveaux accords commerciaux, tels que le Partenariat transpacifique, vont intensifier la migration et accentuer la baisse des niveaux de vie.

Il faudrait interdire ce partenariat ainsi que les nouveaux accords de ce type.

Les États-Unis recourent à l’intervention militaire et aux programmes d’aide pour soutenir les accords commerciaux et les réformes économiques du marché.

Il faut également mettre un terme à cette pratique et, à la place, ratifier la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le fait que les différentes administrations américaines n’aient pas fait ratifier cette convention illustre bien une autre vérité désagréable qui jalonne notre politique d’immigration.

Des millions de migrants sont criminalisés faute d’avoir un statut d’immigrant, en particulier lorsqu’ils travaillent.

Depuis 1986, le droit américain prévoit des sanctions à l’égard des employeurs qui engagent des travailleurs/euses sans papiers.

Les défenseurs de ces lois affirment que si le travail devient illégal, la migration de travailleurs/euses sans papiers cessera.

Mais les sanctions contre les employeurs ont clairement manqué, puisque la migration a rencontré malgré tout une croissance spectaculaire.

La criminalisation de l’emploi ne dissuade pas les personnes de chercher du travail pour assurer la survie de leur famille restée dans le pays d’origine.

Ces sanctions se sont révélées néfastes pour le travail, dans la mesure où elles affectent systématiquement les travailleurs/euses, et non les employeurs. Nous devons absolument abroger cette loi.

 

Base de données E-verify, travailleurs terrorisés

À chaque nouvelle légalisation, des millions de personnes seront refoulées car les conditions requises seront trop rigoureuses, les frais trop élevés et les décennies d’attente trop éprouvantes.

Et au lendemain de chaque nouvelle réforme adoptée, des millions d’autres migrants traverseront la frontière, en particulier si de nouvelles mesures relatives à l’immigration ne jugent pas utile de renégocier les accords commerciaux ni d’éliminer le déplacement des populations.

Ces futurs migrants viendront des mêmes villes et ils ont déjà des liens dans les quartiers des villes américaines où se sont installés d’autres migrants avant eux.

Ils travailleront sur les mêmes lieux de travail que nous, participeront à nos campagnes de syndicalisation, et adhéreront à nos syndicats.

Mais d’après la loi et les sanctions qui l’accompagnent, ces futurs migrants seront en infraction s’ils travaillent.

Parmi les méthodes destinées à faire appliquer les sanctions, un employeur peut par exemple sélectionner les travailleurs/euses qu’il va embaucher en utilisant la base de données E-verify.

Cette base de données, qui a été conçue par le gouvernement américain, comporte de nombreuses erreurs.

Le Congrès et l’administration demandent que son utilisation soit obligatoire. Si les personnes qui travaillent sans papiers perdent leur emploi, il sera beaucoup plus difficile de trouver d’autres sans papiers parce qu’ils auront peur d’adhérer à un syndicat ou de contester leurs conditions de travail illégales.

Les employeurs recourent également à E-Verify pour vérifier le statut d’immigrant de leurs employé(e)s actuels, ce qui est contraire à la loi. Ils cherchent à licencier les travailleurs/euses qui ont accumulé des avantages et des augmentations au cours de leurs années de service pour les remplacer par de nouvelles recrues à qui ils donnent un salaire moins élevé.

C’est ce qui est arrivé à des membres d’International Longshore et de Warehouse Union. Les employeurs utilisent aussi cet instrument pour terroriser les travailleurs/euses qui se syndicalisent, comme ceux qui soutiennent les employé(e)s de United Food et de Commercial Workers.

Il existe une autre tactique, dans le cadre de laquelle les agents de l’immigration comparent les données relatives au personnel d’un employeur avec la base de données E-Verify, afin de rechercher les travailleurs/euses qui n’ont pas de statut juridique.

Le service américain d’immigration et des douanes, Immigration and Customs Enforcement (ICE), dresse ensuite une liste et dit à l’employeur de licencier ces travailleurs/euses, comme cela s’est produit l’année dernière à Pacific Steel Castings, en Californie. Ainsi, 214 employé(e)s ont été licenciés.

Au cours des quatre années passées, des centaines de milliers de travailleurs/euses ont perdu leur emploi suite à ces mesures ; c’est le cas de milliers de gardiens de Californie, de l’État de Washington et du Minnesota, de nombreuses personnes employées à l’emballage de la viande dans l’ensemble du pays, d’ouvriers agricoles ou du bâtiment et bien d’autres encore.

Il a été demandé à tous les employeurs de verser des amendes, peu élevées, et bon nombre d’entre eux ont bénéficié d’une immunité les protégeant de toute condamnation, pour avoir coopéré au licenciement de leurs propres employé(e)s.

 

Une perspective à long terme

La criminalisation du travail est utilisée pour lister les gens dans la catégorie des travailleurs/euses étrangers, ce qui permet de les renvoyer dans leur pays s’ils perdent leur emploi.

Les sanctions appliquées dans le but de rendre les travailleurs/euses plus vulnérables aux diverses pressions, de diviser les syndicats ou de ficher les gens comme travailleurs/euses étrangers, permettent en réalité de contraindre les travailleurs/euses d’accepter des emplois faiblement rémunérés et dépourvus de droits.

Il s’agit en fait d’une subvention aux employeurs qui fait baisser le salaire de tout le monde. Dans l’intérêt des syndicats et des travailleurs/euses, nous devons abroger la loi et ses sanctions et supprimer cette base de données E-Verify.

Il faut au contraire une application plus stricte des normes du travail et des droits des travailleurs/euses.

Ce qu’il faut criminaliser, ce sont les menaces des employeurs qui invoquent le statut d’immigrant pour empêcher les employé(e)s de constituer des syndicats ou de protester contre leurs conditions de travail illégales.

Nous devrions interdire l’application de mesures relatives à l’immigration pendant les conflits de travail ou lorsque des employé(e)s se plaignent de leurs conditions de travail illégales.

Aujourd’hui, la sécurité sociale américaine escroque littéralement les travailleurs/euses sans papiers.

Ils travaillent sous de faux numéros, cotisent mais ne bénéficient d’aucune prestation. Les numéros sont devenus un véritable outil pour l’immigration.

Tout le monde devrait pouvoir disposer d’un numéro de sécurité sociale, indépendamment du statut d’immigrant. Il serait souhaitable que chacun contribue au système et puisse recevoir les prestations auxquelles donnent droit les cotisations.

Pour finir, nous avons besoin d’une politique d’immigration qui rapproche les personnes au lieu d’opposer les travailleurs/euses.

En période de crise économique, il est encore plus important de réduire la concurrence entre les emplois en établissant des programmes d’emploi destinés aux travailleurs/euses au chômage, tout en offrant un statut juridique aux travailleurs/euses sans papiers.

Une politique d’immigration qui profite aux migrants, à leurs communautés dans leur pays d’origine et aux personnes qui travaillent aux États-Unis doit avoir une perspective à long terme.

Nous devons nous demander où nous allons et ce qui permettra réellement de résoudre nos problèmes.

Nous avons besoin d’un système qui procure de la sécurité, et non de l’insécurité, qui privilégie l’égalité et les droits et, enfin, qui réduise la concurrence entre les emplois.

Comme il est peu probable que les entreprises soutiennent un tel programme, il appartient aux responsables politiques qui nous représentent de choisir de quel côté ils se situent.

Cet article a été traduit de l'anglais.