Les eurosceptiques sont une menace pour les droits des travailleurs

Avant-même qu’elles ne débutent, les élections européennes du 25 mai étaient déjà inscrites dans les annales.

Le continent n’avait pas connu une crise économique, sociale, politique et existentielle d’une telle ampleur depuis la Seconde Guerre Mondiale.

Le projet européen est sérieusement remis en cause par les politiques d’austérité de la Troïka, qui font passer les intérêts des milieux d’affaires avant ceux des citoyens européens.

Dans ce contexte, les partis politiques « eurosceptiques » et xénophobes sont en progression dans l’ensemble du continent, de la Grèce à la France, en passant par la Grande-Bretagne.

Les programmes électoraux des partis de droite et d’extrême-droite en lice pour ces européennes varient considérablement, depuis ceux qui prônent le protectionnisme aux hérauts de l’économie de marché.

Certes, tous les eurosceptiques ne sont pas d’extrême-droite : Le Mouvement 5 étoiles (MoVimento 5 Stelle ou M5S) en Italie, notamment, est dépourvu des attributs ouvertement xénophobes qui caractérisent des formations comme le Front National en France ou le Parti pour la liberté, de Geert Wilders, aux Pays-Bas, préférant se revendiquer d’un courant davantage contestataire.

Beppe Grillo, leader du M5S, a clairement tenu à prendre ses distances avec des figures comme Marine Le Pen et certains sénateurs au sein du M5S se sont même publiquement opposés à la ligne dure adoptée par Grillo concernant les migrants sans papiers.

Nigel Farage du UK Independence Party (UKIP) a su se vendre, non sans succès, comme le « champion du peuple », même si d’autres éléments au sein du parti ont été moins convaincants à l’heure de dissimuler leur allégeance à l’extrême-droite.

Sous la nouvelle direction de son secrétaire fédéral Matteo Salvini, la Ligue du Nord (Lega Nord), xénophobe, a vu ses résultats progresser dans une Italie empreinte d’un sentiment europhobe grandissant, en dépeignant la monnaie unique comme la source de tous les maux dans le bel paese.

En France, le Front National de Le Pen s’est engouffré dans la brèche politique laissée par le très impopulaire François Hollande et son Parti Socialiste, à gauche, et les néogaullistes de l’UMP au centre-droit.

Mais s’il y a bien une chose que tous ces partis –et beaucoup d’autres encore – ont en commun, c’est qu’ils ne se cachent aucunement de leur volonté de porter atteinte à l’UE sous son statut actuel.

 

Impraticable pour les travailleurs

Les partis eurosceptiques prétendent placer les citoyens européens au centre de leurs politiques, à la différence des partis traditionnels au Parlement européen.

Or leurs promesses électorales populistes – de quitter la zone euro par exemple – risquent d’être totalement impraticables s’ils sont élus au parlement.

Qui plus est, ces formations sont dénuées de la force de cohésion politique nécessaire pour leur permettre de créer une famille politique européenne fonctionnelle.

Il n’en demeure pas moins que le rôle des forces anti-UE ne peut être sous-estimé tant qu’elles représentent un bloc politique de poids, et ce malgré leurs différences.

Mais ces forces sont-elles à même de contrecarrer la menace très réelle posée aux droits des travailleurs et aux services publics par le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) ?

Le TTIP vise à la création d’un marché commun de libre-échange entre l’UE et les États-Unis à travers la réduction des tarifs douaniers, une protection accrue pour les investisseurs internationaux et l’harmonisation des barrières réglementaires aux échanges commerciaux entre les deux rives de l’Atlantique.

L’un de problèmes majeurs de cet accord est qu’il accordera des pouvoirs inédits aux multinationales, leur permettant d’attaquer des États par le recours au mécanisme de Règlement des différends investisseurs-États (ISDS).

Un exemple concret de l’ISDS nous est donné dans le cas de l’Égypte, où la multinationale française Veolia a engagé une action contre le gouvernement égyptien pour avoir augmenté le salaire minimum.

Parmi les autres risques, on pense avant tout aux pertes d’emplois massives, malgré les promesses de croissance économique, comme ce fut le cas par le passé avec des accords comme l’ALENA.

 

La ligne du parti sur le TTIP

Les confédérations syndicales de part et d’autre de l’Atlantique travaillent d’arrache-pied pour l’inclusion de clauses sociales dans l’accord et pour empêcher une course vers le bas en matière de droits des travailleurs.

Mais quel est véritablement le rôle des partis politiques européens dans ce traité charnière mais secret ?

En règle générale, le TTIP suscite les éloges du Parti populaire européen, ne reçoit pas beaucoup d’attention de la part du Parti socialiste européen et est ostracisé par les Verts et le Parti de la Gauche européenne.

Le coût du TTIP se répercutera le plus probablement sur les employés et les consommateurs sous forme de réglementations affaiblies et de salaires réduits.

L’affaiblissement des réglementations aura une incidence sur les consommateurs en termes de sécurité alimentaire et du recours aux Organismes Génétiquement Modifiés (OGM).

Les forces politiques de l’extrême-droite et les eurosceptiques invoquent la monnaie unique dans la zone euro et la migration comme la cause de toutes les difficultés qu’affrontent les travailleurs européens.

Or le fait est que ces partis n’auront jamais la capacité organisationnelle ni la fiabilité requises pour exercer une vigilance effective sur des accords comme le TTIP.

Les ONG européennes, les syndicats et les employés n’ont que faire d’un Parlement affaibli, entravé par des forces eurosceptiques qui s’affichent comme les champions du peuple alors qu’en réalité, elles consacrent une grosse partie de leur énergie à des enjeux secondaires (quoique générateurs de manchettes).

Les élections européennes sont extrêmement importantes et le grand public doit être conscient des menaces qui pèsent sur ses droits ; ceux-là mêmes que les forces politiques de gauche et les syndicats luttent d’arrache-pied pour protéger.

La xénophobie, l’isolationnisme et les promesses irréalistes seront toujours utilisées comme armes en temps de crise – a fortiori quand une partie des partis traditionnels ont été incapables de communiquer clairement avec l’opinion publique.

Aussi devons-nous rester vigilants face à ce qui risque d’être le Parlement européen le plus eurosceptique de l’histoire et au traitement que celui-ci donnera à des accords de libre-échange comme le TTIP.

Faute de quoi les conséquences pourraient être énormes.

Cet article a été traduit de l'anglais.