Les syndicats américains condamnent les expulsions de familles d’Amérique centrale

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Des groupes de défense des droits des immigrants et des syndicats ont dénoncé l’intention imminente de l’administration Obama d’expulser massivement des familles d’Amérique centrale sans papiers, arrivées aux États-Unis ces deux dernières années.

Richard L. Trumka, président de l’American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO) a expliqué que, dès le départ, les syndicats avaient demandé que ces familles reçoivent le statut de réfugié et soient autorisées à rester dans le pays.

« À la place, la réponse honteuse de notre gouvernement a été d’affaiblir les garanties de l’application régulière de la loi en accélérant les procédures judiciaires et en enfermant des familles dans des centres de détention isolés, compliquant ainsi leurs contacts avec un avocat », a-t-il dénoncé dans une déclaration.

« Aujourd’hui, dans une escalade inexcusable et sans aucune transparence, le département de la Sécurité intérieure a lancé des descentes armées dans des maisons pour renvoyer des femmes et des enfants vulnérables vers certains des pays les plus dangereux de la planète. »

En décembre 2015, après le premier week-end du programme de détention,121 personnes avaient été arrêtées pour être expulsées. Défendant l’action, le secrétaire de la Sécurité intérieure, Jeh Johnson, avait déclaré : « C’est n’est en rien une surprise. J’ai publiquement déclaré depuis des mois que les personnes qui constituaient des priorités en matière d’application, y compris des familles et des mineurs non accompagnés, seraient renvoyées. »

Les critiques et les déceptions de Richard L. Trumka envers une administration, à l’élection de laquelle les syndicats ont participé en 2008 et ensuite en 2012, ne portent pas uniquement sur cette action, mais reflètent un désaccord plus large à l’égard des politiques officielles relatives à la fois à l’immigration et au commerce, ainsi qu’une reconnaissance de plus en plus évidente au sein du mouvement syndical que la migration aux États-Unis est liée au déplacement de personnes dans leur pays d’origine.

Ces déplacements sont eux-mêmes grandement liés aux positions économiques, politiques et militaires des États-Unis.

La décision d’expulsion survient alors que l’administration prépare son offensive finale pour obtenir à la ratification du Partenariat transpacifique (PTP) par le Congrès. Ce traité est le dernier d’une longue série d’accords commerciaux soutenus par les deux partis politiques, en commençant par l’Accord de libre-échange nord-américain, ratifié en 1993 sous la présidence démocrate de Bill Clinton, et ensuite par l’Accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada, ratifié sous la présidence républicaine de George Bush quelques années plus tard.

Dans son discours sur l’union de 2016, le président Barack Obama a prétendu que le PTP, auquel 12 pays du bassin Pacifique participent, permettrait « d’ouvrir des marchés, de protéger le personnel et l’environnement, et d’accroître la suprématie des États-Unis en Asie » et qu’il « réduirait les taxes sur 18.000 produits fabriqués en Amérique et soutiendrait la création de bons emplois... Vous voulez prouver notre puissance dans ce siècle ? Approuvez cet accord. »

Pourtant, les syndicats nord-américains s’opposent plus fermement au Partenariat transpacifique qu’aux autres accords commerciaux négociés ces 20 dernières années, en partie parce que les militants estiment que les accords déplacent des communautés à l’étranger et qu’une fois arrivés aux États-Unis en tant que migrants, ces personnes sont traitées comme des criminels ou exploitées en tant main-d’œuvre faiblement rémunérée ne bénéficiant que de droits réduits.

 

Honduras

Cet argument a été largement développé dans le rapport d’une délégation de dirigeants syndicaux, menée par le vice-président de l’AFL-CIO, Tefere Gebre, qui s’était rendue au Honduras pour enquêter sur les sources de la vague de migrants qui ont commencé à traverser les frontières américaines avec le Mexique il y a deux ans.

Le rapport, Trade, Violence and Migration : The Broken Promises to Honduran Workers, était inhabituellement critique envers les politiques étrangères et d’immigration nord-américaines. Il faisait remarquer que les nombreuses interventions militaires au Honduras et en Amérique centrale avaient été favorables aux élites riches et à leurs partenaires commerciaux aux États-Unis.

Après le coup d’État le plus récent contre le président élu Manuel Zelaya, « de nombreux syndicalistes et militants communautaires ayant participé à la résistance ont été tués, torturés, menacés ou jetés en prison ».

Le rapport explique également que l’Accord de libre-échange en Amérique centrale a accentué la pauvreté au Honduras. « Aujourd’hui, le Honduras est le pays le plus inégalitaire d’Amérique latine », peut-on y lire. La pauvreté y a augmenté de 60 à 64,5 % de 2006 à 2013.

Rien qu’en 2014, plus de 18.000 enfants honduriens sont arrivés aux États-Unis, alors que le nombre de Honduriens vivant à l’étranger atteignait 523.000.

« Aujourd’hui, pour de nombreuses familles, la migration est un moyen d’échapper à la violence, de chercher un emploi ou de réunir une famille, alors que pour le gouvernement, le rapatriement de salaires est une source de revenus importante », expliquent les auteurs dans leur rapport.

Enfin, ils concluent que le gouvernement des États-Unis doit abandonner des politiques qui « criminalisent des enfants migrants et leur famille, tout en conservant des accords commerciaux qui simultanément déplacent des personnes vivant de l’agriculture vivrière, diminuent les salaires et les normes d’autres secteurs, et éliminent de bons emplois, accentuant ainsi les conditions économiques poussant à la migration ».

 

Des centres de détentions « déplorables »

Mais, à l’inverse, l’administration Obama a poursuivi la construction de deux centres de détention au Texas, conçus pour accueillir 1500 femmes et enfants d’Amérique centrale, tout en continuant de négocier le PTP.

En juillet 2015, la juge du district central de Californie, Dollie Gee, a qualifié le traitement réservé aux détenus de « déplorable ». Elle a estimé que les détentions allaient à l’encontre d’une décision préalable – Flores, 1997 – en vertu de laquelle les autorités étaient priées d’éviter de détenir des enfants et de les relâcher lorsque cela était possible. Elle a ordonné la libération des femmes et des enfants détenus dans les centres.

Pour défendre leur décision de les maintenir en détention, les avocats de l’administration ont prétendu que l’emprisonnement évitait « une autre vague de migration de familles d’Amérique centrale par les frontières du sud-ouest » et ont accusé les mères de voyager avec leurs enfants « afin d’éviter d’être détenues pour rejoindre l’intérieur des États-Unis ». La juge Gee a rejeté l’argument, le jugeant « alarmiste ».

Sa compassion envers les migrants s’explique par son histoire familiale, sa mère ayant travaillé comme couturière migrante dans des ateliers clandestins de Los Angeles. Elle a été avocate et coordinatrice pour le syndicat Teamsters lors de campagnes d’organisation et est devenue la première Sino-Américaine à accéder au poste de juge fédéral.

Les promesses du gouvernement des États-Unis que les arrestations et les expulsions mettraient un terme à la migration se sont révélées vides de sens dans la mesure où, à l’automne dernier, le nombre de familles d’Amérique centrale traversant la frontière mexico-américaine s’est remis à augmenter.

Les gardes-frontières américains ont annoncé avoir arrêté 12.500 « unités familiales » en octobre et novembre, une augmentation importante par rapport aux 4600 familles arrêtées au cours des mêmes mois de l’année précédente. Le nombre de mineurs qui voyagent sans leurs parents a aussi augmenté de 5100 en octobre et novembre 2014 à 10.600 pour la même période en 2015.

Toutefois, l’expulsion de ces familles va aussi trop loin pour les candidats démocrates en campagne pour une nomination : Bernie Sanders, Hillary Clinton et Martin O’Malley ont tous condamné les rapatriements. « Quel pays sommes-nous donc devenus pour arrêter, à Noël, des femmes et des enfants fuyant des gangs de criminels », a fustigé le gouverneur du Maryland, Martin O’Malley.

 

Cet article a été traduit de l’anglais.

Cet article a été traduit de l'anglais.