Reprise du travail dans un port égyptien à l’issue d’une grève victorieuse

 

Les près de 2 000 travailleurs d’un des plus grands ports d’Égypte viennent de mettre fin à une grève de 12 jours après avoir obtenu de la direction la réintégration de leurs collègues licenciés.

Les dockers du port d’Aïn Sokhna se sont mis en grève le 13 octobre.

D’après Ashraf Issa, secrétaire général du syndicat des travailleurs portuaires, l’appel à la grève faisait suite au « licenciement illégal par la direction de huit de nos collègues », au motif qu’ils auraient tenté de constituer un syndicat indépendant afin d’exiger de meilleures conditions de travail.

L’opérateur portuaire DP World a soutenu que ces licenciements ne contrevenaient pas au Code unifié du travail égyptien (décembre 2003).

Cette allégation est contestée par les travailleurs licenciés et leurs avocats.

« Ces licenciements ont été prononcés arbitrairement et sans notification préalable », a précisé Issa.

 

Activités antisyndicales

Mohamed Abdel Ghany, l’un des huit travailleurs licenciés a confié à un journaliste du Egyptian Independent que ces licenciements faisaient partie de la tactique antisyndicale déployée par la direction.

« DP World a affirmé nous avoir renvoyés pour incompétence professionnelle.

Mais que signifie cette soudaine incompétence ? Le fait est qu’ils n’ont aucun autre prétexte justifiant ces renvois et qu’ils ne veulent pas admettre que la véritable raison est notre participation à l’organisation d’un syndicat indépendant dans l’entreprise et notre soutien aux grévistes lors des précédents conflits. »

DP World estime à 120 millions de livres égyptiennes (environ 19 632 500 dollars US) les pertes subies au bout de seulement huit jours de grève, pour un coût moyen de 15 millions de livres égyptiennes par jour de grève (environ 2 450 000 dollars US).

L’opérateur soutient également que la grève a coûté plusieurs millions de livres au gouvernement égyptien, allégation que le gouvernement lui-même a tempérée en précisant que le réacheminement des navires vers les ports de Suez et de Port Saïd avait limité les dégâts.

La direction de DP World a appelé le président Mohammed Morsi à intervenir directement pour mettre fin à la grève.

Elle a également tenté de casser la grève en menaçant de ne pas verser les salaires des travailleurs.

Mais Issa confirme que seuls les employés des postes administratifs réprouvaient la grève.

 

Revendications des travailleurs

Situé à quelques kilomètres au sud du Canal de Suez, le port d’Aïn Sokhna est la principale voie d’accès de l’Égypte à l’Extrême Orient.

Il est administré par DP World, troisième opérateur portuaire mondial.

En octobre 2007, aux termes d’un accord conclu avec le Premier ministre égyptien de l’époque, Ahmed Nazif, DP World a obtenu les droits exclusifs d’exploitation des terminaux jusqu’en 2032.

Mais depuis le soulèvement égyptien, les relations entre la direction et les travailleurs sont tendues.

À plusieurs occasions, les travailleurs ont débrayé pour réclamer la sécurité de l’emploi, des contrats de travail à temps plein correspondant aux horaires effectués, des primes périodiques, des indemnités de risques et de meilleures conditions de travail.

Pendant la grève, Issa a confié à Equal Times que la direction de DP World n’avait pas respecté ses engagements antérieurs.

« Nous n’avons plus confiance en la direction depuis qu’elle a rompu les conventions passées lors de la précédente grève.

Nous ne commencerons à négocier sur les autres revendications qu’une fois nos collègues réintégrés. »

Au moment où nous écrivons, sept des huit travailleurs licenciés étaient en voie de réintégration mais devaient préalablement être entendus en audition disciplinaire concernant leur rôle dans le déclenchement de la grève ; le huitième travailleur a accepté de mettre fin à son contrat en échange d’indemnités de départ.

Une réunion s’est tenue tout de suite après la grève entre Mohamed Fouad Jadallah (conseiller juridique du président Morsi), Nahed al-Ashri (secrétaire chargé du règlement des différends au sein du ministère du travail) et les représentants des travailleurs et de la direction, afin de parvenir à un accord.

Une commission a été constituée pour examiner les autres revendications des travailleurs.

D’après Fatma Ramadan, membre fondatrice de la Fédération égyptienne des syndicats indépendants, la caractéristique marquante de cette grève a été la solidarité entre les travailleurs ainsi que leur détermination à poursuivre la grève jusqu’à la réintégration de leurs collègues licenciés.

« Cette grève marque un tournant très positif du mouvement des travailleurs.

Leur action a pris une nouvelle dimension après une année entière de luttes. »

« Ils ont pris conscience de l’importance de la solidarité entre les travailleurs et sont désormais prêts à lancer une grève pour ce motif, au-delà des revendications directes », a-t-elle ajouté.

 

 

Cet article a été traduit de l'anglais.