Un hôtel tendance de Vienne géré par des réfugiés fête son premier anniversaire

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Un hôtel branché situé à deux pas du Prater, célèbre place de la fête foraine à Vienne, s’est converti en hôte inattendu d’un programme novateur d’accueil des réfugiés. Le magdas HOTEL, inauguré dans la capitale autrichienne en février 2015 par l’œuvre de bienfaisance Caritas, a pour vocation de former les réfugiés à l’hospitalité et aux services à la clientèle, pour faciliter leur insertion dans le marché de l’emploi.

Le magdas, hôtel de 88 chambres qui fêtera son premier anniversaire ce 13 février, compte actuellement un effectif de 30 employés, dont deux tiers ont des antécédents de demandeurs d’asile. Quant au tiers restant, il s’agit d’experts de l’hôtellerie et du secteur de l’accueil ; ensemble, les membres du personnel parlent plus de 20 langues.

Le directeur de l’hôtel, Gerhard Zwettler, a expliqué lors d’un entretien avec Equal Times que l’objectif premier de l’hôtel est de fournir un soutien aux réfugiés et qu’en dehors d’un financement participatif (crowdfunding) et d’un prêt d’1,5 million USD de Caritas, il ne reçoit pas de dons et fonctionne selon le principe de l’autonomie financière.

« C’est une entreprise, certes, mais la maximisation du profit n’est pas l’idée fondamentale », dit-il. « L’idée est d’aider les réfugiés à accéder à l’emploi. Trouver le juste équilibre entre les deux, c’est là que réside le défi. »

Les demandeurs d’asile n’étant pas autorisés à travailler en Autriche, les employés du magdas ont tous préalablement obtenu le statut de réfugié. Beaucoup d’entre eux se trouvent en Autriche depuis des années, voire des décennies et attendent une décision concernant leur demande d’asile. Certains d’entre eux travaillent au noir.

Et lorsqu’ils obtiennent finalement leur permis de travail, le manque d’expérience, la faible estime de soi ou la réticence de certains employeurs sont autant d’obstacles qui peuvent rendre difficile leur accès à l’emploi.

Et c’est là que le magdas – de l’allemand « Ich mag das » ou « j’aime ça » - intervient. « Nous voulons les former, les amener à un niveau qui leur assure une voie d’accès rapide à l’emploi », explique Zwettler. Bien que les employés soient rémunérés aux taux standards de l’industrie, « quelques-uns d’entre eux ont déjà décroché de « meilleures » places. C’est vraiment ça le but, d’assurer leur insertion sur le marché de l’emploi. »

Nicholas Isikhueme, 37 ans et originaire du Nigeria a commencé à travailler à l’hôtel en juillet. Au bout de 13 années passées en Autriche, il s’est finalement inscrit à la police avec l’aide de l’équipe du magdas et a ensuite commencé à travailler au bar de l’hôtel après avoir obtenu son permis de travail l’année dernière.

« La plupart d’entre nous – les réfugiés – avons démarré sans expérience professionnelle préalable. C’est ici que nous avons été formés, à comment préparer un café, comment accueillir les clients et s’adresser à eux, comment leur offrir des explications », confie-t-il à Equal Times, ajoutant en riant : « Les patrons ont beaucoup de patience. »

Il explique que certains employés ont déjà quitté pour aller travailler ailleurs. «  Une de ces personnes a trouvé du travail dans un autre hôtel. Avec les compétences qu’il a acquises ici, il a tout pour réussir », dit-il. « J’aimerais rester mais ça dépend de ce que dira le patron. Je serais triste de partir mais j’emporterais avec moi la confiance que le magdas a construite en moi. »

 
L’intégration est la clé

L’intégration entre la population locale et les employés constitue un facteur fondamental dans la philosophie qui sous-tend ce projet. Outre ses 88 chambres, son restaurant, sa bibliothèque et son bar, l’hôtel organise régulièrement des événements culturels et musicaux et collabore avec des crèches et des universités locales, y compris par la mise à disposition d’un kot pour un étudiant qui suit des cours à l’université des arts appliqués située à proximité.

« Nous voulons créer un espace où les gens puissent se rencontrer  », explique Zwettler.

Pour contribuer à augmenter les chances des réfugiés de trouver un emploi ailleurs le magdas organise en outre des cours d’allemand et d’informatique. Le mois dernier, une partie des employés ont eu la possibilité de travailler durant trois jours dans des restaurants du quartier touristique de Vienne. Cette initiative avait pour but de générer un retour d’information des professionnels du secteur qui sont susceptibles de devenir un jour leurs employeurs.

« C’était tellement bien », dit Isikhueme, qui était au nombre des participants du programme. « J’ai reçu des avis favorables. »

Bien que l’hôtel soit largement reconnu pour son action en aide à l’insertion professionnelle des réfugiés, la directrice de marketing Sarah Barci explique qu’environ 50% des clients de l’hôtel ignorent la philosophie du magdas au moment de réserver leur chambre sur les sites web de comparaison des prix hôteliers.

« Et c’est très bien, car ça prouve que l’hôtel est un endroit où il fait bon séjourner », dit-elle en présentant quelques-unes des chambres kitch et dépareillées décorées à l’aide de meubles restaurés récupérés de la maison de retraite qu’abritait l’immeuble auparavant.

Combiné aux œuvres d’étudiants de l’école d’art locale, le résultat est un hôtel de charme branché avec pour unique indice de la nature de l’initiative, des portraits des employés accrochés aux murs de la réception.

Avec un taux d’occupation de 60% en moyenne l’an dernier, qui atteignait 80% à la fin de l’année, madame Barci est prudemment optimiste quant à l’avenir de l’hôtel. « C’est bien vu le budget limité dont nous disposions pour le marketing », dit-elle. Avant d’ajouter : « Mais ça ne suffit pas. Il faudra que ça continue à augmenter cette année. »

Au cours des cinq prochaines années, il faudra impérativement prouver que le concept fonctionne dès lors que la durée prévue du projet magdas HOTEL est de seulement cinq ans. Selon Zwettler, ce temps doit servir à encourager d’autres hôtels à explorer des pistes similaires.

« Nous aimerions promouvoir l’hôtel en ’open source’  », explique-t-il. « Nous avons une super équipe chargée de mettre en valeur le projet et d’examiner comment il pourrait être mis en œuvre ailleurs. Nous voulons montrer aux autres hôtels qu’ils peuvent, eux aussi, donner la possibilité aux réfugiés de s’intégrer. »

 
Cet article a été traduit de l’anglais.

Cet article a été traduit de l'anglais.