Zimbabwe : Vive indignation face à la procédure accélérée des réformes du travail

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Le gouvernement du Zimbabwe a fait l’objet de vives critiques de la part des syndicats et de groupes d’entreprises qui reprochent à la procédure accélérée des réformes du travail de ne pas tenir compte du rôle des partenaires sociaux du Zimbabwe.

Les entreprises, aussi bien que les travailleurs, font remarquer que les principes approuvés au cours des cinq dernières années au Forum de négociation tripartite – le lieu d’échange sur le dialogue social au Zimbabwe – étaient sensiblement différents du projet de loi qui a finalement été déposé au Parlement.

D’après les observateurs, les amendements de la loi sur le travail ont été apportés précipitamment au Parlement suite à une décision de la Cour suprême rendue en juillet, qui permettait aux employeurs de mettre fin aux contrats avec un préavis de trois mois seulement, sans avoir à verser d’indemnités de licenciement.

Auparavant, tout employeur qui voulait licencier cinq travailleurs ou plus devait tout d’abord négocier avec le Conseil national pour l’emploi et obtenir un accord sur les conditions de licenciement. Si aucun accord n’était conclu, les employeurs étaient obligés de parvenir à un accord négocié avec le Conseil national des licenciements.

D’après les estimations, une perte colossale de 20.000 à 30.000 emplois est à déplorer suite à la décision de la Cour suprême prise en juillet dernier ; les dirigeants d’entreprises ont en effet profité de l’absence de restrictions pour licencier des travailleurs, dans l’espoir de diminuer leurs frais.

Ces pertes d’emploi vont précipiter encore plus de travailleurs dans l’économie informelle, à un moment où le gouvernement vient de lancer une grande offensive contre les vendeurs ambulants.

La nouvelle loi sur le travail amendée devait protéger les travailleurs de nouvelles suppressions d’emploi, mais les employeurs se plaignent parce qu’ils estiment que la loi dédommage trop les employés qui ont été licenciés pour des raisons disciplinaires.

Les employeurs doivent désormais indemniser les travailleurs licenciés au titre de la décision de la Cour suprême en leur versant deux semaines de salaire par année de service. Les dirigeants d’entreprise considèrent que cette disposition est « ruineuse ».

Face aux critiques, le président Robert Mugabe a laissé entendre que la loi sur le travail subirait d’autres amendements, mais les syndicats du pays ont accusé le gouvernement de vouloir flatter les patrons.

« Nous savons que le gouvernement tient à régler certaines questions spécifiques pour répondre aux préoccupations des entreprises, alors qu’il y a de nombreux autres problèmes qu’il n’est pas pressé de résoudre », confie à Equal Times Japhet Moyo, le secrétaire général de la confédération syndicale nationale Zimbabwe Congress of Trade Unions (ZCTU).

Le dirigeant du ZCTU craint que les employeurs retardent délibérément le versement des indemnités obligatoires de licenciement en espérant l’adoption d’un autre amendement de la loi sur le travail, qui serait cette fois favorable aux entreprises.

« Les employeurs n’appliquent pas la loi amendée, dans l’espoir que le gouvernement modifiera de nouveau la loi et qu’ils échapperont au paiement des indemnités. Cette position générera des manifestations, parce que 30.000 travailleurs attendent toujours d’être payés, et nous devrons sans doute nous mobiliser une nouvelle fois », explique-t-il.

 

Contradictions

John Mufukare, le directeur exécutif de la confédération des employeurs Employers’ Confederation of Zimbabwe (EMCOZ), précise que les partenaires sociaux participent depuis cinq ans aux réformes de la loi sur le travail dans le but de rendre le pays plus attrayant pour les investisseurs et de stimuler l’économie, mais que certaines dispositions de la loi sont contraires à cet objectif.

« Nous espérons sincèrement que d’autres amendements seront apportés au plus vite », déclare Mufukare, expliquant que le statut des travailleurs saisonniers, dont les contrats souvent renouvelés semblent permanents, est particulièrement problématique pour les employeurs, alors que les syndicats voient dans cette mesure une grande victoire parce qu’elle protège les travailleurs de la précarité.

« Nous ne sommes pas satisfaits en raison des contradictions que présente la nouvelle loi », ajoute-t-il.

Godfrey Kanyenze, le directeur de l’Institut du Zimbabwe pour la recherche sur le travail et l’économie, indique à Equal Times que, même si la loi sur le travail amendée s’est révélée utile, en donnant aux employeurs et aux travailleurs le même droit de préavis de trois mois, elle n’a pas répondu aux attentes des entreprises ni des travailleurs.

D’après lui, l’approche du gouvernement est « arbitraire » et « unilatérale », et il exhorte le gouvernement à revenir au Forum de négociation tripartite pour reprendre les discussions au sujet de la loi sur le travail.

« La nouvelle loi doit prendre en compte la sécurité des travailleurs tout en essayant en même temps de trouver un équilibre avec la flexibilité que souhaitent les entreprises, pour nous permettre d’aboutir à un document négocié qui traite tous les partenaires à pied d’égalité », annonce-t-il.

En attendant, l’EMCOZ a contesté, depuis, la constitutionnalité des amendements de la loi sur le travail auprès de la Haute Cour, au motif qu’ils bafouent les droits des employeurs. Le ZCTU a toutefois suggéré qu’il s’opposerait à ce recours, afin de protéger les intérêts des travailleurs du Zimbabwe.

 

Cet article a été traduit de l’anglais.

Cet article a été traduit de l'anglais.