« Les intérêts économiques priment sur les droits humains » dans l’accord de l’Union européenne

 

Des militants reconnus en faveur des droits humains et syndicaux ont fait part de leur consternation lorsque le Parlement européen a décidé d’autoriser un accord commercial qui ne tient pas compte des violences antisyndicales qui ont cours en Colombie et au Pérou.

Les membres du Comité du commerce international ont accepté, à 80 pour cent, que le Parlement européen approuve l’accord qui libéralise le commerce entre l’Union européenne et les deux pays andins en supprimant les droits à l’exportation et à l’importation pour les produits et les services.

Pourtant, selon une enquête de la Confédération syndicale internationale (CSI), la Colombie est le pays le plus dangereux au monde pour les syndicalistes.

Le Pérou a aussi été fréquemment accusé de bafouer les normes internationales relatives à la liberté syndicale, mais aussi aux droits environnementaux et autochtones.

C’est pour ces raisons que les deux gouvernements avaient dû présenter des feuilles de route sur les droits humains et la protection de l’environnement.

Pour certains opposants, les documents fournis par le Pérou et la Colombie n’étaient que « du vent ».

« En fin de compte, ce que nous avons obtenu des deux pays ne s’apparente en rien à une feuille de route et ne contenait aucun objectif mesurable et vérifiable, a expliqué Ska Keller, une élue allemande du Parlement européen, membre du groupe des Verts, l’un des quelques partis opposés à l’accord.

Il est très décevant que nos collègues du Comité du commerce international n’aient pas entendu nos préoccupations. »

 

Feuilles de route

Les syndicats se sont aussi plaints qu’ils n’avaient jamais été consultés au cours du processus de rédaction des feuilles de route.

« En Colombie, les confédérations nationales n’ont pas été invitées à discuter de la proposition et il en est de même au Pérou. Le texte fait référence à un accord national auquel les syndicats et les organisations de la société civile n’ont pas participé », a expliqué Isabelle Hoferlin, la coordinatrice régionale pour l’Asie/Pacifique et les Amériques au sein de la CSI.

Mais les entreprises européennes ne partagent pas cet avis et estiment que le document contient des normes claires en matière de respect des droits fondamentaux.

« Cet accord de libre-échange comportera des avantages significatifs, tant pour le marché du travail européen que pour le programme de croissance, qui justifient entièrement sa ratification », a déclaré Business Europe, un groupe de pression qui représente des fédérations industrielles et des organisations d’employeurs de 35 pays.

L’accord « facilitera par ailleurs le commerce, surtout en levant des barrières non tarifaires, notamment dans des secteurs où l’Union européenne est grandement compétitive, mais gênée par des normes et des réglementations techniques étrangères », peut-on lire sur un site web créé par Proexport, une agence gouvernementale colombienne.

Plus tôt en 2011, la Colombie a ratifié un accord similaire avec les États-Unis qui comportait des engagements bien plus poussés à éradiquer la violence contre les défenseurs des droits au travail. La situation ne s’est toutefois pas améliorée.

Depuis que l’accord est entré en vigueur, 34 syndicalistes ont perdu la vie et 485 autres ont été menacés de mort pour avoir défendu les droits au travail en Colombie.

Pour Ska Keller, il est facile de déterminer quels seront les gagnants et les perdants de cette nouvelle alliance :

« Mes collègues (parlementaires) ont jugé extrêmement important de tenir compte des avantages pour l’Union européenne, a-t-elle expliqué.

Par exemple, l’exportation de lait est, pour eux, un élément primordial puisque ça soulagera le marché sous pressions. L’intérêt économique prévaut sur les droits humains. »

Le vote final au Parlement européen aura lieu le 11 décembre.

Les militants pour les droits humains et syndicaux pensent que ce sera la dernière possibilité de postposer l’accord.

Si un vote positif a lieu en séance plénière, les mesures préliminaires entreront automatiquement en vigueur.

 

Cet article a été traduit de l'anglais.