UNESCO : le nouveau règlement sur l’internet pourrait « menacer la liberté d’expression »

 

Pour l’UNESCO, les nouvelles règles controversées sur les télécommunications, proposées par les Nations Unies, mettent en péril la liberté d’expression électronique en général et pourraient bafouer la Déclaration des droits de l’homme.

Le projet de règlement, dont 193 nations discuteront lors de la Conférence mondiale sur les télécommunications internationales (CMTI) de Dubaï le mois prochain, fait l’objet d’attaques virulentes de la part d’une série d’organisations, de sociétés multinationales des technologies à des groupes de défense de droits civils en passant par des organisations syndicales.

C’est désormais au Directeur de la Division pour la liberté d’expression et le développement des médias de l’UNESCO, le Professeur Guy Berger, de s’en prendre aux nouvelles règles lors d’une intervention sans précédent et de prévenir « qu’elles ne menacent pas seulement la liberté d’expression », mais qu’elles pourraient aussi déclencher de « nombreuses critiques de la part du public, ce qui pourrait avoir des conséquences pour les Nations Unies en général ».

La dernière révision du Règlement des télécommunications internationales a été effectuée lors d’un sommet à Melbourne (Australie) en 1988.

Le projet établit un nouveau cadre en vue de placer l’internet, de même que les messages vidéo et audio et le trafic de données, sous le contrôle des Nations Unies.

Les traités sont gérés par l’Union internationale des télécommunications (UIT), une institution des Nations Unies créée en 1865 pour régir la technologie télégraphique balbutiante.

Pour l’UIT, une réforme s’impose pour suivre la révolution des communications que l’internet a provoquée.

 

Liberté d’expression

D’après le communiqué du Professeur Berger, « dans la mesure où le Règlement des télécommunications internationales aborde aujourd’hui le monde convergeant des technologies de l’information et de la communication, il faut veiller à ne pas nuire à l’exercice des droits humains à l’ère du numérique, y compris à la liberté d’expression, à l’accès aux informations et à la liberté de la presse.

Si le Règlement menace la liberté d’expression, il s’attirera de nombreuses critiques de la part du public, ce qui pourrait avoir des conséquences pour les Nations Unies en général, pas uniquement pour l’IUT. »

L’UNESCO rejoint ainsi un nombre croissant de détracteurs virulents parmi lesquels on retrouve des groupes de défense des droits civils, des organisations syndicales, mais aussi de grandes sociétés de télécommunications et des entreprises comme Google, qui craignent que le nouveau règlement, de même que les propositions soumises par des pays comme la Chine et l’Inde autorisent de vastes interventions étatiques et politiques dans le monde de la communication en ligne sous couvert de la sécurité nationale et internationale.

Cette semaine, Janis Karklins, le Sous-directeur général pour la communication et l’information, a fait savoir à Equal Times que l’UNESCO ne disposait pas d’un mandat englobant les télécommunications et n’aurait qu’un statut d’observateur lors de la conférence du mois prochain.

« En revanche, le travail de l’UNESCO porte sur la liberté des médias, y compris les nouveaux médias, et en ce sens nous sommes très intéressés par l’issue de la conférence et espérons que ses conclusions protégeront et encourageront la liberté d’expression », a déclaré M. Karklins.

Dans la lettre qu’il a adressée au Secrétaire général de l’UIT, le Docteur Hamadoun Touré, le Professeur Berger a fait référence à l’article 5A.4 du nouveau Règlement qui stipule que tous les États Membres doivent garantir « un accès public sans restriction aux services internationaux de télécommunication et l’utilisation sans restriction des télécommunications internationales, sauf en cas d’utilisation des services internationaux de télécommunication dans le but de s’immiscer dans les affaires intérieures ou de nuire à la souveraineté, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale et à la sécurité publique d’autres États, ou de divulguer des informations à caractère sensible ».

 

Inquiétudes

Le Professeur Berger explique dans son courrier que les termes ‘informations à caractère sensible’ inquiètent l’UNESCO dans la mesure où ils désignent un nouveau critère de limitation de l’accès à des services que l’ancien règlement ne reconnaissait pas.

« Cette disposition autorise les États Membres à limiter le droit de liberté d’expression en ligne, ce qui aurait des répercussions sur l’accès du public aux informations disponibles sur l’internet.

Cette restriction pourrait aussi avoir une incidence sur les limites dans lesquelles les médias opèrent de façon indépendante », peut-on lire dans la lettre.

« Plus spécifiquement, la phrase n’est pas conforme aux normes internationales acceptées telles qu’énoncées […] dans le texte contraignant issu de l’article 19 de la Déclaration des droits de l’homme. »

 Le Professeur Berger a encore écrit que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, largement reconnu en tant que texte issu de l’article 19 de la Déclaration des droits de l’homme, ne prévoit aucune limitation sur base du ‘caractère sensible’.

 « La conséquence de l’ajout de ce motif de restriction pourrait être d’augmenter les cas de limitation de la liberté d’expression, ce qui va à l’encontre du principe général selon lequel le droit doit être respecté et les limitations doivent être minimales.

Du reste, nous aimerions souligner que, du point de vue du mandat de l’UNESCO, le terme ‘sensible’ a un sens non spécifique et potentiellement subjectif, et ne satisfait pas aux exigences de cohérence ou de prévision pour le public.

L’ambiguïté de la formulation proposée pourrait donc aboutir à l’autorisation de mesures aussi vastes que des violations de facto, plutôt que des limitations légitimes, du droit de liberté d’expression. »

 

Pour signer notre pétition Halte à la mainmise sur l’internet : http://www.change.org/haltealamainmisesurlinternet

 

 

Cet article a été traduit de l'anglais.