Les retraités zimbabwéens vont-ils enfin obtenir leur dû ?

 

Il pourrait y avoir une lumière au bout du tunnel pour des dizaines de milliers de retraités zimbabwéens engagés dans une confrontation amère avec des sociétés d’assurance concernant le paiement de leurs prestations.

Depuis l’adoption, en 2009, par le Zimbabwe d’un système à devises multiples, les sociétés d’assurances sont entrées en conflit avec les retraités et les assurés qui sont mécontents des piètres prestations qui leur sont accordées.

Les assureurs soutiennent que les contributions se sont volatilisées sous l’effet de l’inflation galopante à l’époque du dollar zimbabwéen, qui à plafonné au taux ahurissant de 213 millions pour cent en 2008.

Certains retraités qui ont consacré jusqu’à cinquante années de leur vie au travail et sont titulaires de polices d’assurances ne touchent pas plus de 10 dollars par mois.

Du reste, des milliers d’autres retraités ne reçoivent pas un sou pour cause d’irrégularités liées aux fonds de pension.

L’ancien ministre des Finances du Zimbabwe, Tendai Biti, auquel a succédé Patrick Chinamasa (qui fut lui-même brièvement ministre des Finances par intérim en 2009) il y a quelques semaines, a récemment interpellé la Commission des assurances et des retraites (Insurance and Pensions Commission, IPEC) – instance chargée de la réglementation des assurances – pour lui demander des explications concernant les prestations misérables offertes.

« J’espère très sincèrement que le nouveau ministre des Finances assurera le suivi nécessaire auprès de l’IPEC concernant le niveau inacceptable des prestations de retraite.

« Beaucoup de gens ont perdu leurs contributions et, par-là, leurs épargnes en plaçant leur argent dans les fonds de pension et les sociétés d’assurances. L’IPEC doit répondre aux allégations qui sont portées à son encontre », a déclaré Biti à Equal Times.

Il a aussi fait remarquer que les contributions retraite et assurances constituaient des contrats légalement contraignants qui devaient obligatoirement être honorés.

« Les sociétés d’assurances affirment que les contributions ont été annulées par l’inflation or, ce faisant, elles négligent de prendre en considération la valeur réelle des cotisations et des actifs préalablement à la période d’hyperinflation. »

Biti indique, par ailleurs, qu’il fait, lui-même, partie des titulaires affectés. Il a souscrit une police d’assurance en 1994 pour un montant de 50 millions de dollars zimbabwéens (environ 20000 dollars US au taux de l’époque) mais n’a, à ce jour, pas touché le moindre sou.

 

Hyperinflation

Le programme de réforme agraire très controversé du président Robert Mugabe a eu un impact désastreux sur l’économie du Zimbabwe.

En 2009, le Zimbabwe, dont la performance économique a été décrite comme l’une des pires du monde, a abandonné le dollar zimbabwéen en faveur du dollar US, du rand sud-africain et de la livre sterling, qui ont toujours cours aujourd’hui.

Martin Tarusenga, directeur général de l’ONG Zimbabwe Pensions and Insurance Rights a indiqué à Equal Times que face à l’impasse et la sourde oreille de l’IPEC, il avait dû faire appel à l’intervention du gouvernement.

Selon Tarusenga, il appartient à la commission d’exercer de toute urgence son rôle de régulateur pour protéger les usagers des services de pension et d’assurances, une obligation qu’elle n’a pas rempli à ce jour.

« Le problème est que les sociétés d’assurances refusent d’accepter les demandes d’indemnisation de nos membres alors que d’autres offrent de régler en dollars zimbabwéens, ce qui est inacceptable. »

Il a aussi signalé que certaines failles présentes dans les textes de loi qui régulent le secteur des retraites portent préjudice aux clients et réclament une réforme urgente.

« Nous avons depuis lors recommandé la mise sur pied d’une nouveau conseil de l’IPEC, aux fins d’apporter des réponses à ces questions extrêmement pressantes », a dit Tarusenga.

« Le conseil actuel compte un grand nombre d’exécutifs du secteur des assurances, ce qui provoque un conflit d’intérêts à l’heure de répondre à nos griefs. »

Il a réitéré l’importance d’une gestion avisée des fonds de pension, pour mettre les travailleurs à l’abri de l’exploitation et a indiqué que les sociétés d’assurances doivent être tenues responsables du paiement des retraites et prestations dues aux assurés.

« Le fait est qu’il s’agit d’un contrat entre les travailleurs et les sociétés, où ces dernières s’engagent à veiller sur leurs placements avec diligence », a souligné Tarusenga.

« Ce n’est pas seulement délétère mais criminel de la part des sociétés de se soustraire à leur obligation de verser des prestations d’une valeur proportionnelle aux contributions effectuées. »

 

Infractions

Pour Jacob Waerera, syndicaliste basé à Harare, il est inconcevable que pas une seule société d’assurances au Zimbabwe n’ait jamais été appelée à répondre d’irrégularités dans la gestion des fonds de pension.

« Que des sociétés d’assurances invoquent l’inflation ne suffit pas car il s’agissait d’un processus – qu’ils ont vu venir – et non d’un événement imprévu », signale Waerera.

Selon lui, le risque d’inflation aurait pu être géré à travers un processus d’indexation, une méthode utilisée pour ajuster les versements de revenus au moyen d’un indice des prix, de manière à maintenir le pouvoir d’achat après inflation.

Une position avec laquelle concorde Japhet Moyo, secrétaire général du Zimbabwe Congress of Trade Unions (ZCTU), qui a indiqué à Equal Times que le ZCTU a été le premier à déposer plainte auprès de Biti concernant les prestations de retraite.

« Les sociétés d’assurance et les fonds de pension affirment que les contributions des travailleurs ont été balayées par l’hyperinflation or elles ont investi cet argent dans des propriétés qui, elles, ne se sont jamais dépréciées », a indiqué Moyo.

Il lance un appel en faveur d’une réforme de la loi sur les retraites et la prévoyance, pour que les travailleuses et travailleurs aient davantage leur mot à dire quant à la manière dont leur argent est géré par les fonds de pension et les sociétés d’assurances.

Moyo a aussi appelé à une refonte du conseil de l’IPEC, qu’il accuse de ne pas tenir compte des griefs des retraités.

Wellington Chibebe, qui est actuellement secrétaire général adjoint de la Confédération syndicale internationale (CSI) mais qui occupait le poste de secrétaire général du ZCTU à l’époque de l’instauration du système à devises multiples est critique à l’égard de l’intervention tardive du gouvernement.

« Biti fut nommé ministre des Finances en mars 2009 mais n’a rien fait pour remédier à ce problème. Nous [le ZCTU] l’avons interpellé à ce moment-là mais il est resté intransigeant sur le fait qu’il n’y avait aucun plan pour indemniser les personnes qui ont perdu leur argent, non seulement des suites de l’hyperinflation mais aussi de la dollarisation. »

Selon Chibebe, il est « de notoriété générale » qu’approximativement 75 pour cent de la propriété immobilière commerciale au Zimbabwe appartient aux fonds de pension et aux sociétés d’assurances.

« Et tout cela avec pour toile de fond la pauvreté atterrante qui afflige les titulaires d’assurances et les retraites », a-t-il déclaré.

Aussi appelle-t-il instamment Biti et Chinamasa à « assumer leurs actes et proposer une solution au lieu de verser des larmes de crocodile. »

 

Cet article a été traduit de l'anglais.