Les Syriens confrontés à une coupure de l’internet sans précédent

 

Le gouvernement syrien a vraisemblablement coupé l’accès à son réseau des télécommunications, bloquant tant le trafic entrant que sortant sur l’internet et isolant effectivement le pays – et sa sanglante guerre civile – du reste du monde.

La coupure, suivie chaque seconde par CloudFlare, une entreprise de sécurité et de performance du web établie en Californie, a eu lieu entre 10h26 et 10h29 GMT jeudi, et au moment de la rédaction du présent article, aucune demande d’espace IP syrien n’a été soumise.

Observée dans le monde entier, la coupure est intervenue quelques jours à peine avant que les Nations unies ne débattent d’un plan controversé visant à permettre à l’échelle nationale des contrôles de l’internet, durant la Conférence mondiale sur les télécommunications internationales qui se tiendra à Dubaï.

Les organisations de défense des droits humains et de la société civile se sont jointes aux organisations syndicales internationales ainsi qu’à des sociétés mondiales telles que Google pour condamner le plan, en dénonçant le fait que des régimes autoritaires, notamment la Syrie et l’Arabie saoudite, recourront à une réglementation sanctionnée par l’ONU pour paralyser le cyberespace et entraver la libre circulation de l’information.

 

Coupure

Selon le PDG de CloudFlare, Matthew Prince, les connexions à l’internet en Syrie ont été interrompues « littéralement l’une à la suite de l’autre » en moins de trois minutes.

Lors d’un entretien avec le service mondial de la BBC, vendredi, Matthew Prince a déclaré qu’il existe quatre lignes principales d’entrée et de sortie de Syrie mais qu’elles sont toutes contrôlées par l’autorité syrienne des télécommunications qui appartient à l’État.

« Cette campagne systématique avait pour but de veiller à ce qu’aucune de ces lignes ne transmette d’information à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.

Aujourd’hui, presque 21 heures plus tard, aucun paquet d’information n’est transmis en Syrie ni à l’extérieur », a-t-il déclaré.

« Selon certaines allégations, la coupure de l’internet serait due à une certaine forme d’activité terroriste ou à une activité ayant coupé l’une de ces lignes ».

« Nous doutons très fort que cela puisse être la cause – il est bien plus probable que l’autorité des télécommunications qui contrôle toutes les lignes au sein et à l’extérieur du pays ait retiré les dénommées routes BGP ».

Matthew Prince a indiqué que les routes BGP sont les lignes qui relient le réseau syrien au reste de l’internet et que, lorsque celles-ci ont été retirées, « aucun paquet d’information », à savoir l’échange de données sur l’internet, ne pouvait trouver le chemin pour entrer ou sortir du pays.

« Il ne s’agit pas seulement de démolir les ponts reliant l’île au reste du monde, mais également de supprimer les plans expliquant où se situaient ces ponts ».

Les ingénieurs de CloudFlare ont suivi le retrait des services au fur et à mesure de l’avancement, en soulignant que la Syrie dispose de quatre câbles la connectant au reste de l’internet.

Trois d’entre eux sont des câbles sous-marins qui arrivent dans la ville de Tartous en Syrie.

Le quatrième est un câble terrestre qui traverse la Turquie.

Les analystes ont souligné que, pour procéder à une coupure dans tout le pays, ces quatre câbles auraient dû être coupés simultanément, ce qui semble être un scénario improbable.

En outre, selon les ingénieurs du réseau de CloudFlare, « la manière systématique dont les routes ont été retirées suggère que la coupure a été effectuée moyennant des mises à jour des configurations des routeurs, et non pas une défaillance physique ni coupure de câble ».

 

Accès libre et équitable

Dans son blog, Matthew Prince a signalé que son entreprise ne pense pas que son rôle consiste à prendre parti dans les conflits politiques.

« Toutefois, nous pensons qu’il est de notre devoir de développer un meilleur système d’internet où tout le monde puisse avoir son mot à dire et accéder aux informations », a-t-il écrit.

« L’équipe de CloudFlare est dès lors fortement préoccupée en constatant que toute une nation est privée de la capacité d’accéder aux informations et de les transmettre ».

« Nous pensons tous au peuple syrien et espérons que la connectivité et la paix seront rapidement rétablies ».

La secrétaire générale de la CSI, Sharan Burrow, a déclaré qu’aucun des gouvernements promouvant actuellement une réforme de la réglementation d’internet lors de la conférence n’est un régime « qu’on souhaiterait voir contrôler le réseau ».

« De grandes entreprises de télécommunications se sont jointes à plusieurs pays, notamment la Chine, l’Égypte et l’Arabie saoudite - des pays qui imposent déjà de lourdes restrictions aux libertés sur l’internet - afin de présenter des propositions d’un nouveau traité lors de la Conférence mondiale sur les télécommunications internationales », a-t-elle indiqué.

« La proposition est passée inaperçue jusqu’à présent, grâce au caractère secret de l’UIT, un organisme peu connu des Nations unies. Toutefois, son incidence – comme le démontrent les événements en Syrie – est si grave que nous devons agir rapidement afin de montrer à l’UIT et à ses pays membres que les citoyens ne resteront pas les bras croisés alors que notre droit de communiquer librement est bafoué ».

Pour adhérer à la campagne d’Equal Times « Halte à la mainmise sur l’internet », veuillez consulter :

www.change.org/haltealamainmisesurlinternet

Allemagne http://www.dgb.de/themen/++co++8457ba98-388c-11e2-ac40-00188b4dc422

Royaume-Uni action.goingtowork.org.uk/page/s/stop-the-net-grab

 

Cet article a été traduit de l'anglais.