Vivre face à la mort en mer Méditerranée

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Depuis octobre 2013, quand 370 migrants, pour la plupart des réfugiés qui fuyaient la persécution en Érythrée, se sont noyés en mer à moins d’une mille nautique des côtes de Lampedusa, les choses ont changé en Italie.

Choqués par cette hécatombe survenue à moins d’une mille de leurs côtes, les Italiens lancèrent, dans le courant du même mois, l’Opération Mare Nostrum.

Selon la Garde côtière italienne, l’opération qui a pour objectif explicite de secourir les migrants en danger et qui fut lancée sans l’accord préalable des autres pays membres de l’Union européenne, a permis, en 2014, de sauver 166.370 personnes voyageant à bord d’embarcations surchargées interceptées dans les eaux territoriales italiennes.

Puis, en novembre 2014, l’Opération Triton, dont les effectifs provenaient de l’Agence européenne en charge des frontières extérieures (Frontex), a pris la relève avec un mandat qui visait davantage à protéger les frontières de l’UE qu’à porter secours aux migrants.

Frontex n’a, toutefois, pas tardé à reconnaître les limites de sa mission, lorsqu’elle a déclaré :

« L’on ne peut attendre de l’Opération Triton […] qu’elle réponde à la crise des migrants à elle seule. Elle dispose de deux avions et d’un hélicoptère, de deux bateaux patrouilleurs de haute mer et de quatre patrouilleurs côtiers : Une flotte à la mesure de son mandat, qui est d’assurer le contrôle des frontières extérieures de l’UE et non pas de surveiller les 2,5 millions de kilomètres carrés de la Méditerranée. »

Après la mort de plus de 1000 migrants en l’espace de quelques jours en avril 2015, les leaders européens ont convoqué un sommet d’urgence où ils se sont engagés à affecter des fonds supplémentaires aux opérations de recherche et de sauvetage et de revoir à la hausse le financement de Triton. Ils ont également décidé de lancer une opération militaire contre les passeurs en Méditerranée.

Mais tandis que les législateurs s’emploient à trouver de nouvelles stratégies pour empêcher les migrants d’entreprendre la périlleuse traversée de la Méditerranée, des milliers de personnes désespérées continuent d’emprunter cette voie au risque de leur vie.

Des Italiens de tous horizons se mobilisent, à leur tour, pour apporter leur aide face à l’une des pires crises humanitaires mondiales de notre temps, comme en témoigne ce reportage réalisé par Tim Baster et Isabelle Merminod.

 

Ces accidents tragiques qui se sont soldés par la mort de nombreux migrants ont eu un profond retentissement dans l’île italienne de Sicile. Suite au naufrage d’octobre 2013, les Siciliens ont tenté de trouver de l’espace dans leurs cimetières pour inhumer les dépouilles des victimes repêchées en mer. Aucun cimetière n’étant à même d’accueillir toutes les dépouilles, les cercueils ont dû être répartis entre différents cimetières situés aux quatre coins de l’île. Ici, à Castellammare, les autorités ont aménagé un espace spécial de recueillement à la mémoire des victimes de la tragédie à l’intérieur du cimetière municipal. Certaines tombes portent uniquement un numéro, la victime n’ayant pu être identifiée.

 

Pour le lieutenant Daniele Esibini de la Garde côtière italienne, basé dans la ville de Messina, dans le nord-est de la Sicile et commandant du patrouilleur Peluso, les migrants sont confrontés à deux principaux dangers en mer. Premièrement, la surcharge des embarcations qui peut entraîner le chavirement. Et deuxièmement – quand l’embarcation du passeur a deux ponts – le risque de mort par asphyxie pour les personnes occupant le pont inférieur, sous l’effet des émanations et de la chaleur intense dégagées par le moteur au diésel. « [En faisant ce travail] on peut réellement se rendre compte du désespoir de ces gens ; qui fuient la guerre ou la pauvreté. En mer, nous sommes leur unique espoir », dit-il. Lors de son entretien avec Equal Times, Esibini a insisté sur le fait que les garde-côtes continueraient à sauver des vies, soulignant que l’Italie en a l’obligation en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

 

Des jeunes migrants originaires d’Afrique de l’Ouest dansent et chantent sur un ferry qui les transporte de Lampedusa à Agrigento, le 18 octobre 2013. Ils ont été secourus en mer lors d’une opération de recherche et sauvetage de la Garde côtière italienne antérieure au lancement de l’Opération Mare Nostrum. Les garde-côtes sont souvent assistés par des navires marchands qui, en vertu du droit international, ont l’obligation de porter secours aux naufragés.

 

Le 2 mai 2014, le navire militaire San Georgio est arrivé au port d’Augusta, en Sicile, avec à son bord 1200 migrants sauvés en mer après avoir survécu trois jours en haute mer. La majorité d’entre eux provenaient de Syrie, d’Érythrée et de Somalie. D’après le commandant du bâtiment, l’opération Mare Nostrum a fourni cinq navires, ainsi que plusieurs hélicoptères et des avions. Si Triton disposait de moins d’équipements de patrouille à ses débuts, les pays membres de l’UE ont, néanmoins, accru leur soutien naval suite aux tragédies d’avril 2015.

 

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) accueille et assiste les quelque 1200 migrants débarqués du San Giorgio au port d’Augusta, Sicile, le 2 mai 2014, leur offrant à manger et à boire, ainsi qu’une assistance sanitaire. D’après un responsable du CICR, de plus en plus gens demandent à se porter volontaires à la Croix-Rouge pour venir en aide aux migrants qui arrivent à bord des bateaux.

 

Des policiers et des soldats de l’armée italienne se tiennent au garde-à-vous et saluent tandis qu’un cercueil contenant le corps d’un enfant victime de la tragédie du 3 octobre 2013 est transporté à bord d’un navire militaire italien, le Libra. Le cercueil est porté par des survivants et des membres des familles des survivants.

 

Au port d’Augusta, en Sicile, le 2 mai 2014, des migrants attendent d’être acheminés vers l’Italie. Interviewé par Equal Times, un migrant qui a souhaité garder l’anonymat affirme : « J’ai quitté l’Érythrée il y a un an et trois mois. Il n’y a pas de démocratie ni de liberté religieuse… Mon pays me manque et lorsqu’il y aura la liberté, je tiens à retourner… C’est triste… tous ces gens auraient pu être sauvés. Tout d’abord, je veux pouvoir exercer ma liberté. Je suis jeune et je veux un avenir prospère. »

 

Cet article a été traduit de l’anglais.

Cet article a été traduit de l'anglais.