À l’intérieur du plus grand bidonville de l’Inde

News

Dans le cadre de leur visite royale en Inde et au Bhoutan au début de ce mois, le duc et la duchesse de Cambridge, William et Kate, se sont arrêtés à Dharavi, un vaste bidonville de Mumbai rendu célèbre par le film oscarisé Slumdog Millionaire.

Quant aux conclusions à tirer de cette rencontre événement entre les « Slum Lords » et les « Slumdogs », cela reste ouvert à discussion.

Ce qui est certain c’est qu’un des couples les plus riches et les plus privilégiés du monde, les futurs Roi et Reine d’Angleterre, est allé à la rencontre des gens les plus pauvres de l’Inde.

Dharavi occupe le nombril de Mumbai, la ville la plus grande et la capitale commerciale de l’Inde.

Une population estimée à entre 800.000 et un million d’habitants vit dans ce bidonville décrit comme le plus grand d’Asie.

Ses 2,39 kilomètres carrés de superficie – enclavée dans l’embranchement entre les deux principales lignes ferroviaires métropolitaines de Mumbai, la Central Line et la Western Line – font de Dharavi l’une des zones les plus densément peuplées de la terre, avec une densité d’au moins 334.728 habitants par kilomètre carré.

La communauté s’affronte à de graves problèmes en matière de santé publique, notamment des toilettes publiques insalubres et défectueuses, des égouts à ciel ouvert ou « nullahs » et la proximité à Mahim Creek, un cours d’eau contaminé qui fait office de latrines publiques à ciel ouvert.

Au dernier recensement réalisé en Inde, plus de 65 millions de personnes dans ce pays de 1,2 milliards d’habitants vivaient dans des bidonvilles, ou « zones résidentielles dont les habitations sont impropres au logement d’êtres humains », selon la définition officielle.

La croissance de l’Inde au cours des deux dernières décennies a donné lieu à l’une des plus importantes migrations humaines de l’histoire – des campagnes vers les villes tentaculaires.

Il est estimé que 160 millions de personnes ont migré vers les villes au cours des deux dernières décennies. Et il est prévu que 300 millions de personnes supplémentaires migrent vers des zones urbaines au cours des 25 à 30 prochaines années.

Cette croissance exponentielle soumet les services publics comme l’assainissement, la santé publique, l’éducation et les services de maintien de l’ordre à une pression incommensurable.

La population de Mumbai a pratiquement doublé depuis 1991, franchissant le cap des 20 millions d’habitants. Il est estimé que plus de la moitié de la population de la ville vit dans des bidonvilles ou dans la rue.

 

Les habitants de Dharavi

La visite de Kate et William a été accueillie avec une réserve polie par les habitants de Dharavi.

« J’aimerais beaucoup leur montrer le vrai Dharavi, et en particulier l’art de la poterie. C’est un savoir faire ancien, très ancien », dit Abbas Galwani, un maître potier qui à l’âge de 36 ans se trouve aujourd’hui à la tête de l’entreprise familiale fondée il y a 90 ans.

« Mais quand des VIP viennent à Dharavi, ils présentent Dharavi comme un endroit propre, or ce n’est tout simplement pas vrai. »

En 2013, le gouvernement de l’État de Maharastra a proposé un projet de redéveloppement du bidonville, le Dharavi Redevelopment Project, d’une valeur de 2 milliards USD.

Mais jusqu’à ce jour, le développement s’est fait attendre.

« Si les membres de la famille royale viennent ici, ils devraient demander au gouvernement de donner un logement décent aux pauvres », dit Akram Muna, 46 ans, propriétaire d’une tannerie.

« Nous avons besoin de meilleures routes, d’espaces verts et d’écoles décentes. Dharavi est un endroit très sale. Les rues sont trop étroites et l’installation électrique est dangereuse, elle peut vous tuer à tout instant.

« Au cours des 10 dernières années il n’y a eu que 10% de changement. Qu’est-ce qui a changé ? Rien n’a changé », lâche-t-il sur un ton de résignation plutôt que de colère.

Fondé en 1882 sous le pouvoir colonial britannique, Dharavi voit le jour en partie dû à l’expulsion de résidents indiens et de fabriques locales du quartier du Fort, au sud de Bombay, ancien nom de la ville.

Dès les années 1920, des communautés de pêcheurs, les « Koliwadas » et de potiers, les « Khumbawalas », s’étaient fermement établies dans le bidonville.

À partir de là, Dharavi se convertit peu à peu en l’« atelier de production » de Bombay, avec une économie locale estimée à 500 millions USD par an.

Malgré sa litanie de problèmes, ce bidonville est une merveille d’ingéniosité, de créativité et d’habilité dans l’art de vivre et de survivre.

Potiers, travailleurs du cuir et petits ateliers de confection jouent des coudes avec des habitations d’une pièce pour un peu d’air et de lumière dans un dédale de ruelles, de passages et de rigoles étriquées et poussiéreuses.

Manajaty Rajah, un travailleur journalier de 45 ans, affirme : « Si les princes séjournent dans un palace, je suis sûr qu’ils seront contents.

« Mais dans un palace, on ne voit pas la réalité des bidonvilles.

« Il faut venir ici, dans cette ruelle, pour voir la réalité et la souffrance.

« Je suis ouvrier et s’ils viennent ils pourront voir comment je travaille.

« Si je pouvais leur parler, je partagerais mes problèmes et leur ferais visiter cette ruelle. »