Chine : Pas de fin en vue pour les grévistes de Yue Yuen

News

Les travailleurs d’une usine du sud de la Chine qui produit des chaussures pour Nike et Adidas ont entamé une deuxième semaine de grève dans ce qui constitue l’un des plus importants conflits du travail à survenir au sein d’une même entreprise dans l’histoire récente du pays.

D’après l’ONG China Labor Watch (CLW) basée aux États-Unis, plus de 30.000 employés sont en grève depuis le 14 avril dans une usine de la société Yue Yuen Industrial (Holdings) Ltd. – le plus grand fabricant mondial de chaussures de sport – dans la ville de Dongguan.

Malgré les menaces de licenciement brandies par la direction en cas de non-reprise des activités, le personnel de l’usine a indiqué que la grève se poursuivrait tant que les demandes liées au paiement d’arriérés d’assurances sociales et au droit de choisir leur propre syndicat ne seraient pas satisfaites.

« La direction se montre trop intransigeante sur la reprise du travail en déclarant qu’à compter du 24 (avril) les travailleurs qui pointeront pour ensuite débrayer seront sanctionnés en vertu des règles relatives à l’absentéisme », a confié un travailleur à China Labour Watch (CLW).

« Si les travailleurs veulent débrayer pour protester et exiger une réponse raisonnable de la direction à leurs revendications, ils sont uniquement autorisés à le faire en restant à leurs postes dans l’usine. »

Dans un document officielpublié jeudi, le Syndicat de la ville de Dongguan s’est engagé à soutenir l’élection de représentants de travailleurs et des négociations entre la direction et les employés de Yue Yuen.

Le document contient aussi des réponses officielles aux demandes des travailleurs émanant du département des assurances sociales, du département des ressources humaines, du centre de gestion du fonds de logement et de la direction de l’usine Yue Yuen.

Dans sa déclaration, le département des assurances sociales explique que l’usine a l’obligation de s’acquitter des arriérés d’assurances sociales dus aux travailleurs.
Cependant, la direction de Yue Yuen affirme qu’elle se réserve le droit de licencier les travailleurs qui s’absentent de leur poste plus de trois jours.

 

Détentions

Le 22 avril, deux militants syndicaux – Zhang Zhiru et Lin Dong – qui s’étaient introduits dans l’usine pour prêter main forte aux travailleurs ont été détenus par les autorités locales. Ils n’ont toujours pas été relâchés.

Interviewé par Equal Times, Kevin Slater, coordinateur de programme du CLW, a indiqué que ce conflit reflétait un changement de donne au plan des droits des travailleurs dans un pays qui affronte un malaise social grandissant à mesure que la croissance économique ralentit :

« La grève chez Yue Yuen est symptomatique d’une confluence de facteurs qui influencent de plus en plus les politiques du travail en Chine. Suite aux changements politiques, des droits consacrés par la loi comme l’assurance sociale ont acquis plus d’importance aux yeux des travailleurs.

« Dans le même temps, les grandes enseignes imposent des conditions de plus en plus strictes en termes de prix et de délais de livraison aux usines de leurs fournisseurs, lesquels finissent par s’y plier en réduisant les coûts de main-d’œuvre, y compris les assurances sociales. La grève en cours chez Yue Yuen met aussi en exergue le besoin d’une organisation et d’une représentation efficaces des travailleurs dans les entreprises chinoises. »

Le China Labour Bulletin (CLB), groupe de défense des droits des travailleurs basé à Hong Kong, a recensé 202 conflits du travail dans le pays au cours du premier trimestre de 2014 – ce qui représente une progression de plus de 30% sur un an.

Geoff Crothall, directeur des communications du CLB, prévoit que les conflits sociaux continueront à s’intensifier à l’avenir à mesure que les travailleurs chinois prennent conscience de leurs droits.

« La grève chez Yue Yuen est importante pour deux raisons : Tout d’abord en raison de l’ampleur-même de l’action des travailleurs. Avec 40.000 travailleurs mobilisés, ce mouvement de grève est parmi les plus importants de mémoire récente à avoir vu le jour au sein d’une seule entreprise.

« La grève souligne l’importance accrue que revêt l’enjeu des prestations d’assurance sociale. Durant une bonne partie de l’ère de la réforme en Chine, les travailleurs migrants, en particulier, ne pouvaient prétendre à des pensions, ni au moindre filet de protection sociale.

« Ces dernières années ont vu les travailleurs devenir plus conscients de leurs droits à la sécurité sociale et plus déterminés à faire valoir ces droits, notamment à mesure qu’ils prennent conscience de leur âge et commencent à penser à la retraite. Le problème continuera à croître en importance à l’avenir. »