Combien de morts encore ? Entreprises et défenseurs des droits humains : Quelques réflexions depuis l’Amérique latine

La semaine dernière fut commémoré l’anniversaire du tragique assassinat de la militante des droits indigènes Berta Cáceres. Plusieurs fois lauréate, l’illustre dirigeante hondurienne œuvrait en défense des droits du peuple Lenca, dans sa lutte contre le projet hydroélectrique de l’entreprise DESA (financé par FMO et Finnfund). En cause, l’impact négatif que celui-ci aurait sur le mode de vie des communautés indigènes mais aussi le déni du droit de consultation.

Dans une interview récente, Laura Zúñiga, la fille de Berta Cáceres, a souligné que les bailleurs de fonds dans ce type de projets se devaient d’agir dans le respect des principes éthiques, « en se gardant de financer des entreprises ayant des antécédents de violations des droits humains… en se tenant toujours à l’écoute des populations ; en veillant à comprendre les contextes et à connaître les États dans lesquels ils investissent…».

« Peut-être », opine Laura, « que des mesures fermes [de ce type]… pourront sauver l’une ou l’autre vie. »

Or, force est de constater que loin de constituer un cas unique ou isolé, l’assassinat de Berta Cáceres est, au contraire, symptomatique de comment les communautés qui défendent leurs droits à la terre et à un environnement sain s’affrontent aux agressions.

Notre nouvelle base de données documente plus de 400 cas d’attaques contre des défenseurs de droits qui prônent la responsabilisation des entreprises au niveau mondial. Plus de 52% de toutes ces attaques surviennent en Amérique latine : Guatemala (10%), Colombie (10%), Mexique (9%), Brésil (9%), Pérou (8%) et Honduras (6%).

C’est précisément dans ce contexte d’urgence, face au nombre alarmant d’attaques contre des défenseurs qui s’opposent à des projets comme l’extraction d’hydrocarbures, les projets miniers, l’agro-industrie, les barrages et les parcs éoliens, que le Groupe de travail sur les entreprises et les droits humains et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme proposent que les bailleurs et les entreprises prennent des mesures fermes en vue de la reconnaissance du rôle important joué par les défenseurs des droits humains, condamnent les agressions et passent à l’action.

Cependant, d’importants efforts devront encore être consentis pour y parvenir. En 2016, la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) a publié un rapport basé sur 156 appels à information adressés à des entreprises concernant des attaques présumées contre des défenseurs des droits en Amérique latine.

Les réponses des entreprises varient. Dans certains cas, elles nient toute implication, alors que dans d’autres, elles condamnent les faits. Nonobstant, elles se gardent, d’une manière générale, de mentionner quelles mesures elles envisagent de prendre pour éviter d’être impliquées dans les exactions ou pour empêcher que de tels faits ne se répètent.

C’est ce qui nous conduit à réfléchir aux voies d’actions possibles pouvant être empruntées par les entreprises. Voici quelques idées qui pourraient contribuer à alimenter le débat :

-  Que les entreprises et bailleurs de fonds réalisent des évaluations de l’impact sur les droits humains et la diligence raisonnable et soient disposés à suspendre, voire annuler des projets en cas de forte opposition à ces derniers et d’attaques contre les défenseurs.
-  Que les entreprises ne perdent jamais de vue le contexte. La majorité des attaques surviennent dans un contexte de haute conflictualité sociale quant à la distribution inéquitable du revenu et aux compétences en matière d’utilisation ou de conservation des ressources.
-  Enfin, que les entreprises et les bailleurs de fonds soient proactifs et mettent en œuvre une politique d’engagement à respecter et à soutenir la société civile, les libertés civiles et les défenseurs des droits humains.

De cette façon, à travers des mesures concrètes, parviendra-t-on, peut-être, à ce que les attaques diminuent et à éviter que ne se réitère à l’infini le cas de Berta Cáceres.

This article has been translated from Spanish.