« De nouvelles mesures pour soutenir les travailleurs indépendants sont nécessaires à travers le monde », selon la syndicaliste indienne Jyoti Macwan

« De nouvelles mesures pour soutenir les travailleurs indépendants sont nécessaires à travers le monde », selon la syndicaliste indienne Jyoti Macwan

Jyoti Macwan is a leading women’s activist and the general secretary of the Self-Employed Women’s Association (SEWA) in India.

(DGB/Simone M. Neumann)

La dernière réunion des ministres du Travail du G20 s’était engagée à faire des efforts supplémentaires pour promouvoir la croissance inclusive et le dialogue social, réduire les inégalités de revenus et améliorer la durabilité. Cependant, leur déclaration finale ne contenait aucune mention spécifique aux travailleurs indépendants, une importante population active dans de nombreux pays.

Dans la perspective de la réunion qui se déroulera les 18 et 19 mai en Allemagne, un sondage réalisé dans la plupart des pays du G20 et commandé par la Confédération syndicale internationale (CSI) a révélé que 73 % des gens craignent de perdre leur emploi et 80 % affirment que le salaire minimum ne suffit pas pour subsister.

Les ministres du Travail, représentant environ 85 % du PIB de la planète et les deux tiers de la population mondiale, ont appelé dans une annexe à « améliorer la qualité de la rémunération des femmes » et « accroître la sécurité du marché du travail des femmes ». La CSI appellent à ce que davantage de mesures soient prises.

Equal Times a parlé avec Jyoti Macwan, une prééminente défenseuse des droits des femmes, qui est aussi la Secrétaire générale de l’association des travailleuses indépendantes de l’Inde (SEWA).

Que doit faire le G20 maintenant pour obtenir la négociation collective, un salaire minimum vital, une protection sociale ainsi que des droits sociaux dans les chaînes d’approvisionnement ? Quels sont les progrès réalisés par la présidence allemande du G20 [du 1er décembre 2016 au 30 novembre 2017] ?

Le G20 peut aider à faire l’inventaire des chaînes de valeur et d’approvisionnement dans les pays, surtout dans les secteurs de l’agriculture, du textile, de la confection et de la construction. Par ailleurs, il peut aider à calculer le salaire minimum vital dans les pays en développement et les pays sous-développés et promouvoir la ratification des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail (OIT). De nombreux pays en développement et sous-développés n’ont pas encore ratifié ces conventions et recommandations fondamentales.

Pour répondre aux besoins des travailleurs et des collectivités d’Afrique, d’Inde ainsi que d’autres régions en développement, le gouvernement allemand et les gouvernements du G20 doivent conjointement veiller à ce que les politiques économiques et sociales procurent une plus grande égalité et formalisent l’économie informelle.

Les éléments fondamentaux de cette réponse sont un salaire minimum vital, l’accès à la sécurité alimentaire, l’accès à la sécurité sociale, et plus important encore, les droits des travailleurs axés sur les travailleuses, à travers toute la chaîne d’approvisionnement mondiale et s’étendant aux travailleurs à domicile.

Quel rôle les organisations internationales et les gouvernements doivent-ils jouer afin d’obtenir des droits et des avantages pour les travailleurs indépendants ?

Ils devraient chercher à faire ratifier les conventions et recommandations de l’OIT relatives au travail à domicile, aux travailleurs domestiques, ainsi qu’à la formalisation du travail informel, comme avec le programme « 12 ratifications en 2012 » par exemple. Des réunions régionales et nationales devraient être organisées à cet effet.

Les gouvernements devraient également œuvrer pour la reconnaissance des travailleurs de l’économie informelle, recueillir des statistiques sur ces travailleurs, leur assurer une couverture de sécurité sociale et promulguer des lois et mettre en œuvre des politiques en fonction des caractéristiques du secteur informel.

Quel rôle les ONG et les syndicats peuvent-ils jouer ?

 
Les ONG et les syndicats ont un rôle important à jouer dans une économie en mutation. Outre leur travail d’organisation et les manifestations pour leurs droits, les syndicats doivent également adopter une approche intégrale de développement pour améliorer la vie des travailleurs : par exemple, construire leurs institutions coopératives et économiques et aussi transmettre des compétences suivant les tendances actuelles du marché. Le champ d’action des syndicats doit à présent s’élargir afin d’englober la sécurité d’emploi, la sécurité du revenu, la sécurité alimentaire et la sécurité sociale pour les travailleurs, tout en luttant pour leurs droits.

Comment les travailleurs indépendants peuvent-ils se syndiquer alors qu’ils ne sont pas employés complets ?

L’association SEWA a syndiqué de nombreuses femmes qui travaillent dans des usines aux activités diverses comme le verre, les plastiques, le traitement du tabac, les diamants, le textile et les unités de prêt-à-porter, ainsi que dans les entreprises.

Dans l’approche adoptée par la SEWA, afin de contacter les travailleuses, des syndicalistes se sont placés à proximité de la voie d’accès de l’usine ou de l’entreprise et même aux portes de celles-ci. Ils se procuraient les adresses des travailleuses et organisaient des séances en soirée et même parfois lors de leurs périodes de repos.

Afin de syndiquer les travailleurs de la construction, la SEWA les a contactés et a organisé des réunions aux carrefours de construction où les travailleurs se rendent chaque matin à la recherche de travail. Des réunions ont également eu lieu en soirée, lorsque les travailleurs rentrent du travail.

Il est difficile d’organiser les travailleurs à domicile, de sorte que les syndicalistes et les responsables de la SEWA se tiennent près des magasins où les travailleuses viennent s’approvisionner en matières premières et livrer leurs produits finis.

Comment les syndicats peuvent-ils faire pression sur les entreprises pour que celles-ci permettent aux travailleurs indépendants de se syndiquer ?

Au fil du temps, la SEWA a établi de bonnes relations avec les employeurs des industries des cigarettes bidi et de la taille de diamants, les fabricants de bâtons d’encens et les entreprises de construction. Pour ce faire, elle les a rencontrés à de nombreuses reprises afin de mieux comprendre leurs problèmes et interrogations.

La SEWA a su résoudre la plupart de ces problèmes au moyen du lobbying et n’a eu recours aux manifestations qu’en cas d’extrême nécessité. Les négociations, une meilleure compréhension des problèmes et points de vue de chacun et des solutions obtenues par consentement mutuel ont aidé la SEWA à gagner la confiance et la fidélité des employeurs et des prestataires. Ce processus est long cependant et établir cette relation peut prendre de huit à neuf mois. En outre, les valeurs fortes de la SEWA et sa méthode de syndicalisation fondée sur les valeurs contribuent à forger cette relation.

Tant sur le plan local qu’international, quel rôle les consommateurs peuvent-ils jouer pour mettre un peu plus de pression et permettre aux travailleurs indépendants de se syndiquer ?

Pour les recycleurs de déchets, la SEWA a lancé une action d’écriture de lettres et demandé aux résidents d’écrire à la municipalité. En effet, le travail de collecte des déchets au porte-à-porte a été octroyé à des entreprises privées, de sorte que 466 recycleurs de déchets ont perdu leurs moyens de subsistance.

La SEWA a lancé une campagne de lettres où chaque recycleur de déchets a convaincu les résidents d’écrire au commissaire municipal et au président de la Commission municipale permanente [pour déclarer] que la collecte de déchets au porte-à-porte effectuée par les femmes recycleurs de déchets traditionnelles est très bonne et que leur travail doit se poursuivre.

Nous avons également réalisé une enquête auprès des consommateurs lorsque les vendeurs de rues ont été expulsés à grande échelle. On a demandé aux consommateurs s’ils préféraient disposer de fruits et de légumes dans leur quartier. La plupart des résidents ont déclaré qu’ils souhaitaient la présence de vendeurs. Les conclusions de l’enquête ont été présentées à la municipalité et l’expulsion des vendeurs de rues a été stoppée.

Qu’est-ce que le Fonds de subsistance des femmes et comment peut-il aider les travailleuses ?

Le Fonds de subsistance des femmes aidera les travailleuses à créer leurs propres entreprises ou institutions économiques comme des coopératives et des groupes d’entraide, ce qui, à son tour, les aidera à mieux s’organiser, avec une acquisition de compétences, des moyens de subsistance décents, une sécurité d’emploi et une sécurité du revenu. Ainsi, il les rendra autonomes et autosuffisantes. Il servira également de fonds de roulement pour améliorer leurs propres entreprises.

Dernière question, comment obtenir un salaire minimum vital pour les travailleurs du monde alors que l’on assiste si souvent à un nivellement par le bas dans l’économie mondiale ?

L’expérience de la SEWA démontre que le mécanisme tripartite, c’est-à-dire entre les représentants des travailleurs de l’économie informelle, les représentants des employeurs/prestataires appartenant à l’économie informelle et les représentants du gouvernement, est le meilleur moyen de garantir un salaire minimum pour les travailleurs. Deuxièmement, la SEWA a toujours utilisé le salaire minimum comme moyen de pression pour exiger une augmentation de salaire de l’employeur, ce qui a toujours été bénéfique pour les travailleurs.