Des ONG de femmes font pression pour libérer l’Europe de la prostitution

 

La semaine dernière, une coalition de 53 parlementaires européens s’est unie au Lobby européen des femmes (LEF) pour exiger la fin de ce qu’ils décrivent comme « une barrière à l’égalité entre les femmes et les hommes, et une violation des droits humains ».

Cette barrière, c’est la prostitution et la campagne du LEF, « Ensemble pour une Europe libérée de la prostitution », a jusqu’à présent obtenu le soutien d’environ 200 organisations de 32 pays depuis son lancement en décembre 2012.

Le Lobby européen des femmes insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de criminaliser les travailleuses et les travailleurs du sexe, mais plutôt d’exiger des États membres de l’Union européenne qu’ils prennent des mesures énergiques contre les personnes qui rendent la prostitution possible: les proxénètes, les trafiquants et les clients.

D’autres recommandations émises par le mouvement portent sur la recherche d’alternatives et de programmes de sortie de la prostitution pour les travailleurs du sexe, l’interdiction d’acheter un acte sexuel, la sensibilisation et l’éducation du public, des politiques de prévention dans les pays d’origine des victimes de la traite, et la promotion de l’égalité et de la sexualité positive.

« Nous pensons que la grande majorité des femmes ne choisissent pas de se prostituer, explique Pierrette Pape, coordinatrice de campagne chez LEF.

Sinon pourquoi faudrait-il prévoir, y compris dans les pays où la prostitution est légalisée, des stratégies pour en sortir ?

De telles approches ne sont prévues ni pour les banquiers, ni pour les enseignants, ni pour les policiers. [Alors] pourquoi en prévoir si le fait de se prostituer n’est qu’un métier comme les autres ? »

C’est pour cette raison, selon Pierrette Pape, qu’il n’existe pas de mesures intermédiaires lorsque l’on aborde ce que le LEF estime être un abus.

« Au sein de l’Union européenne, il existe deux approches opposées de la prostitution: la réglementation, comme en Allemagne et aux Pays-Bas où la prostitution est décriminalisée, et l’abolition, comme en Suède, en Norvège et en Islande où les proxénètes et les prostituées sont poursuivis en justice.

Nous sommes tous favorables à cette dernière option, car il est évident que la prostitution est, en fin de compte, une forme de violence contre les femmes. »

 

« Mépris absolu »

L’International Union of Sex Workers (Union des travailleurs du sexe - IUSW), un syndicat basé au Royaume-Uni et affilié à GMB (le syndicat général des travailleurs), rejette complètement cette position dure.

Dans une lettre ouverte au Lobby européen des femmes (LEF), publiée au début du mois d’octobre, l’IUSW accuse l’organisation de faire preuve d’un « mépris absolu pour les vies des femmes de l’industrie du sexe ».

« Ce n’est pas en poursuivant en justice les clients que l’on mettra un terme à la prostitution et ce n’est pas cela non plus qui arrêtera la criminalisation des femmes.

En revanche, une telle attitude mettra en péril et stigmatisera les personnes qui se prostituent. »

L’IUSW accuse le LEF de véhiculer de nombreuses fausses idées sur la prostitution sans tenir compte de l’avis des travailleurs et des travailleuses du sexe.

Mais, pour le LEF, son objectif est de démonter le double mythe de la « prostituée heureuse » et de l’idée que la légalisation de la prostitution est l’arme secrète qui va tout résoudre.

« S’il existe des prostituées heureuses, elles ne sont qu’une infime minorité, explique Pierrette Pape, et les lois doivent être bénéfiques à la société en général.

Quant à la décriminalisation, on a vu que le modèle néerlandais ne fonctionnait pas et n’a conduit qu’à davantage de délits et d’exploitation. »

Selon les chiffres cités par le LEF, 80 à 95 pour cent des femmes qui se prostituent ont préalablement souffert d’une forme ou l’autre de violence, comme un viol, un inceste ou un acte de pédophilie.

Toujours pour le Lobby européen des femmes, neuf prostituées sur dix voudraient arrêter, mais ne savent pas comme faire.

Mais l’IUSW réfute ces affirmations, accusant ces statistiques de ne pas avoir été vérifiées par des pairs et de provenir de sources peu fiables.

Quant au rôle de l’Union européenne, Pierrette Pape demande aux États membres « d’adopter une position commune pour en finir avec ce fléau ».

Pour elle, l’Article 83 du Traité de Lisbonne et la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui jettent les bases juridiques de toute action.

« Dix-huit États membres ont déjà ratifié la convention, mais la situation est bien différente lorsqu’on aborde la question de son application », conclut-elle.