« Désirez-vous des frites avec vos salaires de faim ? » La grève mondial des travailleurs de fast-food

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Lorsqu’en septembre dernier, Gauyhun Lee, employée d’un restaurant McDonald à Yeokgok, Corée du Sud, a rejoint une marche en soutien aux travailleurs de fast-food du monde entier, elle espérait attirer l’attention sur la manipulation salariale et l’insécurité liée aux conditions de travail dans l’entreprise.

Elle ne s’attendait certainement pas à ce que son contrat soit résilié peu après.

La direction de la franchise McDonald où elle travaillait a refusé de fournir la moindre explication concernant le motif de la résiliation du contrat de Gayhun et s’est contentée de lui dire de présenter une nouvelle demande d’emploi. Sa demande a été rejetée.

Gayhun avait auparavant reçu des avertissements du management concernant ses activités syndicales. Elle cite, notamment, un coup de fil du siège social suite à sa participation à un rassemblement en soutien aux travailleurs de fast-food, en mai 2014.

À présent, dans le cadre de la toute dernière action mondiale des travailleurs de fast-food, ce 15 avril, l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA) appelle McDonald à réintégrer Gayhun et à mettre un terme aux actions antisyndicales en Corée.

Ce mercredi, les travailleurs de fast-food se mobiliseront dans plus de 30 pays pour protester contre la précarité des conditions de travail et des salaires : Le recours aux contrats « zéro-heure » en Nouvelle-Zélande et en Grande-Bretagne ; les pratiques déloyales des employeurs au Brésil ; le travail non rémunéré ou « caritatif » pour des chaînes de fast-food en Indonésie et aux Philippines ; et aux États-Unis, où est né le mouvement protestataire, les travailleurs manifesteront en faveur d’un salaire minimum de branche de 15 USD de l’heure.

Les affiliés de l’UITA prendront part à des manifestations à travers cinq continents pour marquer la Journée internationale des travailleurs de fast-food, informe Massimo Frattini, coordinateur pour le secteur de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme au secrétariat de l’UITA, à Genève.

Des événements et des photos seront postés sur les réseaux sociaux sous le hashtag #FastFoodGlobal

« L’industrie du fast-food dépend du travail de millions de personnes à travers le monde, qui sont employées par des enseignes contrôlées par une poignée de grandes multinationales », a expliqué M. Frattini lors d’un entretien avec Equal Times.

« Bien que beaucoup de leurs travailleurs soient jeunes, souvent des étudiants en quête d’un job à temps partiel pour payer leurs études, on trouve aussi de plus en plus de travailleurs plus âgés, avec des personnes à charge, qui dépendent de ces emploi pour subvenir à leurs familles. »

« Malheureusement, les faibles salaires, la précarité des emplois, l’absence de prestations sociales et de sécurité sociale et le non-respect des droits syndicaux sont pratiques courantes dans cette industrie globalisée. »

 

Fight For $15

Cette action est la toute dernière en son genre. Les travailleurs de fast-foods avaient déjà pris part à un mouvement de grève mondial en mai dernier et en décembre, ils ont été rejoints par des travailleurs de nombreux autres secteurs également payés au salaire minimum.

Les manifestations incluaient au nombre de leurs revendications la Lutte pour 15 USD de l’heure (en anglais, Fight For $15), une campagne initiée par les travailleurs américains avec le soutien du Service Employees International Union (SEIU), à New York, en 2012, et qui s’est rapidement étendue au reste du pays avant de se propager aux quatre coins du monde.

Bien que McDonald ait récemment annoncé une légère augmentation salariale pour ses employés, les militants de la campagne Fight For $15 sont restés sur leur faim et ont déclaré qu’ils ne rendraient les armes jusqu’à ce que les travailleurs obtiennent un salaire vital.

D’après le communiqué de presse qui annonçait l’augmentation salariale, « McDonald prévoit que le taux horaire moyen pour les employés de McDonald dans les restaurants appartenant à la société dépasse 10 USD d’ici fin 2016 ».

Mais selon un porte-parole de la campagne Fight For $15 : « L’augmentation ne concerne que les employés de restaurants en gestion propre, autrement dit seulement 10% des travailleurs de l’entreprise aux États-Unis verront leur revenu augmenter. »

« En attendant, quelque 1,6 million d’employés travaillant pour l’enseigne à travers le monde recevront une augmentation de zéro dollar. »

Le problème des bas salaires ne se limite pas à McDonald. De fait, les employés de nombreuses autres enseignes de fast-food se préparent à monter aux créneaux.

« Tous les employés de notre restaurant se mettront en grève le 15 avril parce que nous devons travailler trop dur pour tout juste pouvoir payer nos factures et avoir à manger », proclame un groupe de travailleurs de la chaîne de pizzerias Litte Caesars, à New York.

L’augmentation salariale annoncée par McDonald intervient suite à la décision des géants américains de la grande distribution Walmart et Target d’augmenter leur salaire minimum à 9 USD de l’heure qui, selon les militants de la campagne Fight For $15, concernera un demi-million d’employés de Walmart, soit « 456% de plus que les employés concernés par l’annonce de McDonald ».

Selon l’Administration de la sécurité sociale des États-Unis, le salaire annuel moyen aux États-Unis s’élevait à environ 44.000 USD en 2013, soit près de trois fois le revenu annuel moyen d’un employé de fast-food rémunéré au taux de 8 ou 9 USD de l’heure.

Les modèles commerciaux à faible coût de main d’œuvre aux États-Unis et à travers le monde sont cités au nombre des principales causes de l’inégalité et de la pauvreté, forçant un grand nombre d’employés à temps complet à s’échiner à leur tâche pour tout juste joindre les deux bouts.

Une étude réalisée par des économistes de l’Université de Californie, à Berkeley, montre que plus de 52% des travailleurs de fast-foods dépendent de programmes d’assistance financés par le contribuable, comme les coupons alimentaires ou MedicAid.

Ce qui signifie, selon les chercheurs, que le gouvernement subventionne de fait les bénéfices des grandes entreprises, dès lors que les employés ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins sans l’aide de l’État.

« Le coût supporté par les contribuables est sidérant », indique Ken Jacobs du Center for Labor Research and Education, de l’Université de Californie, à Berkeley.

« Les personnes qui exercent des emplois de fast-food sont si mal payées que leur dépendance à l’assistance publique constitue la règle plutôt que l’exception, même pour celles qui font 40 heures semaine ou davantage. »

Quoi qu’il en soit, il semblerait, pour le moins, que McDonald ait commencé à prêter attention aux manifestations.

Selon un rapport de la SEC paru en janvier, les risques aux actionnaires pour l’année qui commençait incluaient les manifestations de travailleurs des catégories salariales inférieures, de même que la sensibilisation publique accrue aux inégalités de revenu.