En 2018, nous devons mettre fin à la violation des droits des travailleurs à l’aide de règles contraignantes sur les chaînes d’approvisionnement

En 2018, nous devons mettre fin à la violation des droits des travailleurs à l'aide de règles contraignantes sur les chaînes d'approvisionnement

About 94 per cent of workers producing goods and providing services to the largest global multinationals are not directly employed.

(ILO/OIT)

S’il y a une chose dont les gens aux quatre coins du monde sont conscients, c’est que faute de nouvelles règles internationales, on ne doit pas compter sur les multinationales pour qu’elles mettent fin à l’exploitation abusive des travailleurs dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Ce dont les gens sont aussi conscients c’est que pour être efficaces, les règles doivent avoir du mordant. Mais alors pourquoi les travailleurs des chaînes d’approvisionnement restent-ils dépourvus d’une telle protection ?

Selon le Sondage d’opinion mondial 2017 de la CSI, 71% de la population mondiale serait en faveur de règles qui empêcheraient les grandes entreprises d’externaliser leurs responsabilités à l’égard de leurs employés par l’intermédiaire de chaînes d’approvisionnement qu’elles sont, dans la plupart des cas, incapables d’identifier ou réticentes à le faire.

Approximativement 94% de la main-d’oeuvre travaillant dans la production de biens et la prestation de services pour les principales multinationales n’est pas directement employée par ces dernières. Au lieu de cela, les activités des multinationales reposent sur des relations contractuelles avec un réseau non transparent de fournisseurs.

Ce qui a pour effet de les immuniser contre toute responsabilité légale dès lors qu’il n’existe souvent pas de cause de poursuite légale lorsque des violations surviennent dans des entreprises sous-traitantes.

Dans le même temps, les travailleurs sont aussi fréquemment empêchés de recourir à la justice contre des entreprises locales, qui dans la plupart des cas manquent de ressources et se retrouvent, par-là même, à l’abri de la justice.

D’autre part, les multinationales tendent à préférer entretenir des relations commerciales dans des pays aux bas salaires, à la législation du travail faible et aux systèmes judiciaires défaillants. Les syndicats qui luttent pour améliorer les conditions de travail dans ces pays s’affrontent à des chambres de commerce étrangères qui bloquent l’instauration de salaires minima vitaux ou de réglementations garantissant des conditions de travail sûres et saines.

Cachées derrière leurs chaînes d’approvisionnement

Le mouvement syndical international exerce des pressions incessantes au niveau de l’Organisation internationale du travail (OIT) et des Nations Unies (ONU) en faveur de l’adoption de normes contraignantes qui mettraient fin à l’impunité des grandes entreprises à travers les chaînes d’approvisionnement.

Aussi, la Conférence internationale du travail en 2016 a-t-elle appelé l’OIT à envisager d’élaborer des orientations politiques et des normes pour s’attaquer au déficit de travail décent dans les chaînes d’approvisionnement.

En juin 2014, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté la Résolution 26/9 qui établissait un groupe de travail intergouvernemental.

Celui-ci était chargé d’élaborer un instrument international légalement contraignant pour réglementer, en vertu du droit international humanitaire, les activités des entreprises transnationales et autres entreprises commerciales.

Le groupe de travail s’est réuni pour la troisième fois en octobre, pour discuter des éléments d’un projet d’instrument légalement contraignant.

Malgré ces évolutions encourageantes et le soutien unanime émanant de la société civile aux quatre coins du globe, il continue d’y avoir une opposition massive à la résolution des obstacles juridiques qui empêchent une prise de responsabilité effective par les entreprises.

Comme on pouvait s’y attendre, les entreprises sont farouchement opposées à toutes règles contraignantes qui assureraient que leurs actions ne passent plus à travers les mailles de la justice.

Comble de l’ironie, elles font valoir que l’adoption d’instruments internationaux contraignants agirait au détriment des cadres non contraignants en place, tels que les Principes directeurs de l’ONU.

Chercheuse universitaire éminente et présidente du Groupe de travail de l’ONU sur le commerce et les droits de l’homme, Surya Deva a décrit cet argument comme « une fausse dichotomie ».

De fait, bien qu’il soit important qu’un futur instrument contraignant consolide et complète les normes existantes, y compris les Principes directeurs de l’ONU, il n’y a absolument pas de contradiction à soutenir des instruments contraignants, de même que des orientations concernant la mise en œuvre concrète de normes existantes.

Ces instruments répondent au même objectif : Assurer que les entreprises honorent leurs obligations en matière de droits humains. Les entreprises doivent, pour autant, arrêter de se cacher derrière leur prétendue préoccupation pour la mise en œuvre des Principes directeurs de l’ONU.

Objectifs 2018 : Mettre fin à l’impunité, combler la faille

Le statu quo n’est pas acceptable pour les millions de travailleuses et travailleurs qui subissent des abus au quotidien et sont de fait dépourvus de tout recours à la justice.

C’est pourquoi les gouvernements doivent agir dès à présent pour mettre en œuvre les Principes directeurs de l’ONU dans leur contexte national et soutenir le processus pour l’adoption d’un traité contraignant, tel que proposé par le président du groupe de travail intergouvernemental à l’issue de sa dernière session.

En 2018, nous espérons pouvoir disposer d’un avant-projet de traité, avec des contributions substantielles de tous les gouvernements, et ce par le biais du processus de consultation.

Les syndicats appelleront à l’inclusion des éléments suivants dans le projet de texte :
(1) Couverture du droit international humanitaire, y compris les normes internationales du travail.
(2) L’obligation pour les États d’adopter des mesures réglementaires :
-  Obligeant les entreprises à adopter et appliquer des politiques et procédures de diligence raisonnable en matière de droits humains ;
-  Garantissant l’accès à un recours effectif à la justice pour les victimes de violations des droits humains ; et
-  Prévoyant l’extraterritorialité de la juridiction de la société-mère.
(3) L’obligation pour l’entreprise de respecter les droits humains à tous les échelons de ses activités.
(4) Un mécanisme international robuste en matière d’application.

Le moment est venu désormais de combler cette faille énorme dans le droit international humanitaire et de mettre fin à l’impunité des entreprises qui violent les droits humains.

Comme le montre le Sondage d’opinion mondial de la CSI, un monde contrit a finalement pris conscience des excuses des multinationales et demande que des mesures soient prises en conséquence.