En Israël, comme un air de déjà-vu

Présentées, à peu de choses près, comme les plus significatives dans l’histoire d’Israël, les élections législatives de ce 9 avril semblent pourtant loin de répondre à ce qualificatif, à en juger tant par le taux de participation que par les résultats. À part l’une ou l’autre nuance qu’il y aurait lieu de relever et l’incertitude qui entoure la formation d’un nouveau gouvernement, il est difficile de voir dans l’issue de ces législatives autre chose qu’un parfait déjà-vu : la poursuite de la stratégie du fait accompli de la part d’Israël et toujours plus de pénuries pour les Palestiniens.

Pour commencer, 68 % seulement des 6,3 millions de personnes ayant le droit de vote ont exercé ce droit, comparé à 72 % en 2015. En termes de baisse de la participation, la plus significative a été celle de la communauté « arabe israélienne » – approximativement 20 % de la population israélienne – face à des élections dont elle n’attendait rien de bon, ni de neuf.

À ce propos, il convient de rappeler que l’adoption, le 19 juillet 2018, de la Loi qui proclame Israël comme « l’État-nation du peuple juif », a coupé court aux espoirs des 1,8 million de Palestiniens qui y vivent d’accéder un jour au rang des citoyens de première catégorie. Ceci expliquerait pourquoi un quart d’entre eux seulement ont choisi d’exercer leur droit de vote.

Une issue qui parait encore plus évidente si l’on y ajoute que la Liste commune – que les Arabes israéliens avaient réussi à présenter en 2015 et dont les 13 députés constituaient la troisième force politique à la Knesset – n’est pas parvenue à maintenir son unité et s’est à nouveau scindée en deux candidatures séparées – Hadash-Taal (6 députés) et Raam-Balad (4) – affaiblissant encore son poids à l’heure de défendre ses intérêts.

Quant aux résultats enregistrés, le coude-à-coude en tête des suffrages entre le Likoud (parti de la Consolidation) – de Benyamin Nétanyahou – et l’alliance Bleu et blanc (Kahol Lavan) – conduite par l’ex-général Benny Gantz, chef du parti Résilience pour Israël (Hosen L’Yisrael), aux côtés de Yair Lapid, leader de Yesh Atid, et de Moshé Yaalon, leader de Telem – est conforme aux prévisions.

Chacun d’eux a obtenu 35 sièges – le Likoud en occupait 30 dans la vingtième législature, alors que parmi les membres de l’actuelle alliance Blanc et bleu, seul Yesh Atid y était représenté, avec 11 députés.

Le reste des 120 sièges que compte la Knesset (le parlement) ont été répartis sans grandes surprises, si ce n’est la disparition du parti d’extrême droite, Zehut, de Moshé Feiglin, et du parti HaYamin HeHadash (Nouvelle droite), de Naftali Bennett et Ayelet Shaked (tous deux d’anciens dirigeants du Likoud), qui n’ont pas réussi à franchir le seuil de 3,25 % des votes nécessaire pour rester au parlement. La débâcle historique du parti travailliste (HaAvoda), qui a tout juste remporté 6 sièges (contre 24 dans son alliance avec Hatnuah) vient, elle aussi, confirmer les prévisions.

Tout comme, bien entendu, les partis religieux juifs, qui ont, une fois de plus, mobilisé leurs partisans pour obtenir, comme toujours, une présence substantielle à la Knesset, qui leur assure du coup une place au sein d’un prochain cabinet ministériel. Le parti ashkénaze Yahadut Hatorah (Judaïsme unifié de la Torah) et le Shas (Gardiens séfarades de la Torah) ont ainsi obtenu 8 sièges, augmentant leur représentation de deux sièges et d’un siège respectivement.

Un gouvernement multicolore de Nétanyahou ou de Gantz ?

Au vu des chiffres qui confirment à nouveau l’impossibilité de former un gouvernement monocolore, différentes possibilités s’ouvrent en vue de la formation d’un nouveau cabinet ministériel. Sans vouloir écarter aucune éventualité, étant donné que tout dépendra des talents de négociateurs de Benyamin Nétanyahou et de Benny Gantz au cours des prochains jours pour atteindre le seuil de 61 députés nécessaire pour être nommé Premier ministre, c’est « Bibi » qui a les meilleures cartes en mains pour consolider sa position et battre, si son investiture se voit confirmée en juillet, le record de longévité de David Ben Gourion à la tête du gouvernement israélien.

En attendant, sa route n’est pas sans obstacles et l’avenir qui s’ouvre à lui, si tant est qu’il parvienne à ses fins, n’augure pas que du bon, loin s’en faut. Tout d’abord, il convient de rappeler qu’à ce stade, Nétanyahou est déjà éprouvé par un exercice où les zones d’ombre ont été plus nombreuses que les zones de lumière. À titre personnel, il est mis en cause dans trois affaires judiciaires (qui sont susceptibles de passer au nombre de quatre dans un avenir proche). Si cette situation n’a manifestement pas eu de répercussion notable sur ses résultats aux urnes, elle risque en revanche d’hypothéquer sérieusement son avenir, en l’obligeant à consacrer beaucoup de temps et d’efforts pour se dépêtrer des poursuites pour corruption, fraude et abus de confiance intentées contre lui par le procureur général, Avichai Mendelblit.

Aussi, les cadeaux politiques successifs accordés par Donald Trump à son principal allié au Moyen-Orient, qui ont clairement pour finalité de consolider ses options politiques, ont-ils d’autant plus de pertinence dans ce contexte.

Le locataire de la Maison-Blanche a non seulement décidé de faire un pied de nez au droit international en désignant Jérusalem comme la capitale d’Israël et en y transférant son ambassade, mais est allé jusqu’à inclure dans sa magnanimité la suspension de tout contact avec l’Autorité palestinienne, l’annulation de tout transfert de fonds à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) et enfin, summum de la transgression du droit international, la reconnaissance de la pleine souveraineté d’Israël sur le Golan. Des cadeaux dont Nétanyahou a de toute évidence su tirer pleinement parti à ses fins électorales – en attendant celui qui est censé arriver avec le prétendu plan de paix que Donald Trump serait en ce moment-même en train d’ébaucher –, mais dont il lui reste à présent à assumer les conséquences au plan politique, d’autant que pas un seul d’entre eux ne sert les intérêts réels d’Israël.

Par ailleurs, Nétanyahou lui-même, dans son empressement à rallier son électorat, est allé jusqu’à faire des promesses qu’il pourra difficilement tenir sans engager, une nouvelle fois, les intérêts nationaux. Quelques jours avant le scrutin, M. Nétanyahou a, en effet, eu l’audace de promettre l’annexion définitive des colonies situées en Cisjordanie. Il s’agit d’au moins 400 colonies, toutes illégales en vertu du droit international, car se trouvant en violation de la loi relative à l’occupation. Au moins 400.000 colons y vivent, ceux-là mêmes dont le candidat au poste de Premier ministre a su gagner les votes par sa promesse qui, si elle venait à se réaliser, sonnerait définitivement le glas de l’idée d’une coexistence de deux États en Palestine (idée qui, du reste, n’est plus soutenue formellement que par un dixième des partis représentés au parlement israélien).

Il ne sera pas facile non plus pour lui, si tant est qu’il opte pour les mêmes compagnons de route que lors de la précédente législature, de composer avec des partenaires de coalition très susceptibles de surenchérir quant à leurs demandes.

La position des partis d’obédience religieuse suscite, en ce sens, une attention toute particulière en ce que non seulement ils ont réussi à bloquer jusqu’à présent la loi très controversée qui oblige les étudiants des yeshivas à accomplir leur service militaire, mais se préparent vraisemblablement aussi à revoir à la hausse les demandes de financement pour leurs propres activités et forcer la prééminence des normes religieuses sur les lois séculières, et ce dans une société majoritairement laïque.

Tout cela au milieu d’une conjoncture économique qui n’augure aucun espoir d’amélioration à court terme au plan du bien-être des 8,9 millions d’Israéliens, et ce alors même que les tensions au niveau régional s’intensifient, que ce soit en raison de la poursuite du conflit syrien ou de l’insistance de l’Iran à faire sentir sa présence.

Enfin, pour finir de brosser le portrait de celui qui sera vraisemblablement le nouveau Premier ministre, il ne serait pas, non plus, hors de propos de souligner les mauvaises fréquentations qu’il a entretenues ces derniers temps, qui tendent toutes clairement vers une extrême-droite que l’on finit inévitablement par identifier à Nétanyahou lui-même, malgré les positions antisémites qu’adoptent certaines de ces amitiés de convenance.

En définitive, le seul fait réellement nouveau et significatif est celui survenu ce 11 avril, lorsqu’Israël a tenté de devenir le quatrième pays après les États-Unis, la Russie et la Chine à poser un véhicule spatial (la sonde Bereshit – Genesis –) sur la surface de la lune.

Cet article a été traduit de l'espagnol.