Équateur : Chevron condamnée à 9,5 milliards de dollars de dommages-intérêts pour pollution environnementale

 

Suite au recours en cassation déposé par la multinationale contre la sentence qui la condamnait à verser 19 milliards de dollars en dommages-intérêts, la chambre civile et commerciale de la Cour nationale de justice (Corte Nacional de Justicia, CNJ) a ratifié, ce mercredi 13 novembre, la sentence rendue contre la société pétrolière Chevron-Texaco pour la dégradation environnementale causée en Amazonie au cours de ses 26 années d’activités en Équateur.

Pablo Fajardo, l’avocat des victimes, était en déplacement à Rome, en Italie, dans le cadre d’une campagne d’information sur le contentieux lorsqu’il a reçu la nouvelle par courrier électronique.

« C’est un précédent important du point de vue juridique, car il démontre que la justice en Équateur opère de manière indépendante et transparente. Avec cette sentence, Chevron se voit condamnée par trois instances pour des dommages environnementaux causés en Amazonie équatorienne mais je tiens à insister sur le fait qu’il est regrettable qu’il n’y ait pas eu de sanction pour la conduite irresponsable qu’elle a maintenu tout au long des vingt années qu’a duré ce litige », a-t-il affirmé.

Fajardo faisait allusion au fait que l’arrêt de la CNJ avait réduit le montant des dommages-intérêts à un peu plus de 8 milliards de dollars, montant majoré de 10% en vertu de la loi relative à la réglementation environnementale à titre de réparation au bénéfice du Frente de Defensa de la Amazonia. Cela laisse par-là même sans effet la sanction pour dommages punitifs prononcée aux termes de la sentence du Tribunal provincial de Sucumbios, le 3 janvier 2012, qui condamnait le géant pétrolier à payer le double du montant initial pour ne pas avoir présenté d’excuses publiques aux victimes.

Les plaignants ont d’ores et déjà engagé des procédures en vue de l’exécution de la sentence au Brésil, au Canada et en Argentine.

La sentence stipule que « dès lors que les dommages-intérêts punitifs ne sont pas réglementés par le cadre juridique national, des excuses publiques et, partant, la condamnation à une amende à ce titre ne sont pas applicables ».

Le montant des dommages-intérêts s’élèverait à quelque 9,5 milliards de dollars, d’après Fajardo.

Au cours de ses 26 années d’exploitation dans les provinces de Sucumbios et Orellana, Texaco (rachetée par Chevron en 2001) a foré 342 puits et 549 piscines, et enregistré 9 fuites de pétrole brut.

Les opérations de nettoyage qui auraient dû couvrir 225 piscines au total se sont limitées à 158.

Les personnes et communautés affectées par la transnationale Texaco-Chevron ont accueilli favorablement la décision de la CNJ.

Luis Yanza, porte-parole de l’association des victimes de Texaco (Unión de Afectados de Texaco), a indiqué qu’il n’a pas encore terminé d’examiner le document de 222 pages, cependant, il estime « qu’il ne s’agit ni d’une victoire totale ni d’une défaite ; à tout le moins, un montant a été arrêté en ce qui concerne le paiement de dommages et intérêts », a-t-il conclu.

Toujours est-il que « ce jugement nous procure l’aval nécessaire pour passer à la phase d’exécution de la sentence dans d’autres juridictions hors Équateur », a insisté Fajardo, après avoir rappelé que des procédures de ce type ont d’ores et déjà été démarrées au Canada, au Brésil et en Argentine, où se trouve une partie du patrimoine de Chevron.

« Nous nous félicitons du fait qu’au bout de 30 années d’une lutte qui paraissait sans fin et dans laquelle beaucoup avaient cessé de croire, nous montrons aujourd’hui au reste du monde que nous sommes capables de bien faire les choses en Équateur et que nous avons la dignité pour défendre la souveraineté et les droits humains de notre peuple », a-t-il souligné.

José Medrado Shingre, qui est parmi les milliers de personnes affectées par la dégradation environnementale et dont le témoignage a réduit au silence les délégués de l’ONU en septembre dernier, a salué la nouvelle : « En rendant ce verdict en faveur des victimes, la justice appelle à ce qu’un terme soit mis à la contamination des populations.

J’invite l’Équateur et toutes les personnes de bonne foi à mettre sur pied un réseau social aux fins de faire payer ses erreurs à Chevron », a affirmé M. Shingre.

«  Nous voulons créer un précédent afin que les sociétés pétrolières fassent très attention dans l’extraction des ressources naturelles.

Nous ne sommes pas opposés à l’extraction mais nous voulons qu’ils le fassent en toute bonne foi et qu’ils ne jouent pas avec des vies humaines. Je remercie Dieu pour ce verdict.

Mais rien ne nous rendra les vies humaines qui ont été perdues à cause de la pollution. Il y a quelques jours, une femme répondant au nom de famille de Lapo est décédée d’un cancer », regrette Shingre.

D’après le site web vénézuélien Aporrea.org, lors d’une visite au siège de la centrale syndicale espagnole UGT (Unión General de Trabajadores), à Madrid, au début du mois de novembre, Ricardo Patiño, ministre de l’Extérieur de l’Équateur, a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle ne laisse pas le pays andin seul dans sa lutte contre la campagne de diffamation menée par la transnationale Chevron.

« Nous devons nous appuyer sur la communauté internationale, nos amis dans le monde, pour ne pas affronter seuls cette situation », a-t-il indiqué en soulignant qu’il existe, à l’heure actuelle, une vingtaine de comités de soutien à l’Équateur en Amérique latine et en Europe.

 

Cet article fut publié pour la première fois sur le site web http://www.telegrafo.com.ec/

 

Cet article a été traduit de l'espagnol.