

Cela fait maintenant plus de deux ans que le Soudan est plongé dans le chaos. En un instant, une nation dont la jeunesse a lutté sans relâche depuis la révolution de 2019 pour la liberté, la justice et la fin du régime militaire a vu son avenir – et celui du pays tout entier – plonger dans les ténèbres. Le 15 avril 2023, la guerre a éclaté au cœur de la capitale, Khartoum, opposant les Forces armées soudanaises (FAS) aux Forces de soutien rapide (FSR), une milice paramilitaire issue des milices janjawid qui, entre 2003 et 2005, ont perpétré un génocide au Darfour contre les ethnies four, masalit et zaghawa.
Dans cette guerre qui vient d’entrer dans sa troisième année, les violents affrontements, accompagnés d’actes de torture, de viols et de massacres commis par les deux camps, ont déclenché ce que l’ONU a qualifié de « pire crise humanitaire de mémoire récente », faisant 150.000 morts et plus de 13 millions de déplacés. À cela s’ajoutent plus de 24,6 millions de personnes en proie à la famine résultant du conflit et qui ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence. La reprise de Khartoum par l’armée soudanaise en mars 2025 a marqué un tournant dans le conflit, cependant ailleurs, les combats continuent de faire rage. En avril 2025, plus de 480 civils ont été tués lors d’attaques dans l’État soudanais du Darfour du Nord, contraignant entre 400.000 et 450.000 déplacés internes du camp de réfugiés de Zamzam, déjà en situation de famine, à fuir l’escalade de la violence. Au Darfour, où les FSR et d’autres milices alliées ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, le spectre d’un nouveau génocide plane toujours sur les populations non arabes.
Malgré l’ampleur de la catastrophe, le Soudan n’a reçu que peu d’attention de la part de la communauté internationale et des médias. L’accès limité des journalistes à l’intérieur du pays a considérablement limité la couverture médiatique des crimes commis par les deux camps et des souffrances endurées par le peuple soudanais.
En plus de deux ans de conflit, la population soudanaise a vécu d’innombrables atrocités. Pourtant, cette guerre n’est pas la guerre du peuple, mais bien une lutte de pouvoir que se livrent entre eux les généraux. En 2021, le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, chef des FAS, et le général Mohammed Hamdan Dagalo, mieux connu sous son nom de guerre de « Hemetti », se sont alliés pour orchestrer un coup d’État militaire qui avait pour but de renverser le dictateur Omar Al-Bachir, qui a dirigé le Soudan de 1989 à 2019. À présent, les comploteurs d’hier se trouvent engagés dans une lutte mortelle pour le contrôle de cette nation de 50 millions d’habitants.
Autrefois une capitale animée, Khartoum est aujourd’hui une ville fantôme, dont une grande partie est en ruines. Des centaines de blessés et de malades sont entassés dans l’hôpital Al-Naw, l’un des derniers encore en activité dans la ville. Le directeur de l’établissement, le docteur Jamal, témoigne : « Avec les pénuries de personnel et de fournitures, les maladies font autant de morts que les balles ».
Le photojournaliste Arthur Larie et le reporter Bastien Massa travaillent tous deux au Soudan depuis 2021. Ils sont parmi les rares journalistes à avoir réussi à entrer au Soudan et à couvrir ce conflit alors même que les combats les plus violents faisaient rage.

Ahmed Bushra et ses amis faisaient partie des ghadiboon, un groupe de jeunes qui ont été en première ligne des manifestations contre le coup d’État militaire entre 2021 et 2023. Nombre de ces jeunes qui à l’époque scandaient des slogans antimilitaires, ont été blessés, et certains d’entre eux sont même tombés sous les balles des forces de sécurité soudanaises. Cependant, avec le déclenchement de la guerre et les atrocités commises par les Forces de soutien rapide, ils ont décidé de prendre les armes aux côtés de l’armée soudanaise.

Les deux tiers des civils soudanais ont perdu l’accès aux soins de santé vitaux, la majorité des hôpitaux et des cliniques ayant été fermés. Depuis le début du conflit en avril 2023, de nombreux médecins et infirmières ont été tués ou blessés, tandis que beaucoup d’établissements de santé ont été endommagés par les frappes aériennes de l’armée soudanaise et les bombardements. Selon le British Medical Journal, le Soudan est aux prises, avec « une crise sanitaire émergente, marquée par le passage d’une double à une quadruple charge de morbidité, comprenant les maladies transmissibles, les maladies non transmissibles, les blessures physiques et les traumatismes ».

Depuis le début de la guerre en avril 2023, plus de 13 millions de Soudanais ont été déplacés. Ce chiffre représente près d’un tiers de la population totale du pays. Selon le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, près de 8,6 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du Soudan, tandis que la guerre a fait plus de 3,8 millions de réfugiés, dont la majorité ont fui vers l’Égypte, le Soudan du Sud et le Tchad. Selon les estimations, près de 50 % des personnes déplacées de force en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique sont originaires du Soudan.

La guerre a ravagé de nombreux quartiers de la capitale soudanaise, dont le centre commercial, l’aéroport et le plus ancien marché de la ville : le souk d’Omdourman. Dans la ville, des musées ont été pillés, tout comme des maisons et des étals des marchés. Les combats ont contraint plus des trois quarts des habitants de Khartoum à fuir, même si beaucoup commencent à revenir depuis que les Forces armées soudanaises (FAS) ont récemment repris la ville des mains des Forces de soutien rapide (FSR), à l’issue d’une offensive de six mois.

Le quartier historique de Wad Nubawi figure parmi les zones les plus endommagées des trois villes qui composent l’agglomération de la capitale soudanaise, à savoir Bahri, Omdourman et Khartoum, situées le long des rives du Nil Blanc et du Nil Bleu. Une autre série de photos du jeune photographe soudanais Mosab Abushama, originaire de Wad Nubawi, montre l’impact des violences dévastatrices sur sa ville natale.

Les services hospitaliers dénombrent des dizaines d’enfants, y compris des bébés, blessés ou tués par des bombardements aveugles sur des zones résidentielles. S’il est pratiquement impossible de vérifier le nombre exact de personnes qui ont perdu la vie depuis le début de la guerre en avril 2023, les estimations vont de 20.000 à 150.000 selon des chercheurs de l’université de Yale.

Lorsque les combats ont éclaté, les FSR ont rapidement pris le contrôle d’une grande partie de la capitale, mais au cours des deux dernières années, les FAS ont reconquis de plus en plus de territoire. Fin mars de cette année, les Forces armées soudanaises ont annoncé avoir repris le contrôle total de la capitale Khartoum. Cependant, la ville a été complètement ravagée, avec des quartiers entiers rasés et des millions de personnes déplacées.

Depuis le début de la guerre, la ville côtière de Port-Soudan fait office de nouvelle capitale du pays, offrant une zone sûre aux Soudanais qui fuient la guerre. Récemment, toutefois, la ville a subi sa première attaque aux mains des milices FSR. Depuis le début de la guerre, quelque 240.000 personnes ont fui vers Port-Soudan, où elles tentent désormais de reconstruire leur vie.