L’enseignement de haut niveau ne mérite pas le prix payé par les travailleurs migrants au Qatar

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Le 12 mars 2014, Equal Times a décrit le cauchemar des travailleurs migrants des universités haut de gamme du projet Education City au Qatar, vaste campus à Doha où certaines des universités les plus renommées au monde ont établi des antennes.

Bien sûr, personne ne s’oppose à ce que des universités offrent des parcours d’enseignement supérieur aux étudiants de la région du Golfe. Mais le problème vient du fait que ces universités associent leur réputation à un pays dans lequel, en vertu de la législation, aucun travailleur migrant n’a le droit d’exercer son droit à la liberté syndicale.

En d’autres termes, un pays où les syndicats ne peuvent pas exister et où la négociation collective (ou toute autre action collective) est inexistante.

En outre, les travailleurs migrants, y compris ceux qui sont employés dans le cadre d’Education City, sont soumis à un système au sujet duquel l’Organisation internationale du travail (OIT) a confirmé en mars cette année qu’il pouvait se traduire par du travail forcé ou obligatoire.

Les travailleurs affectés à des tâches administratives, de maintenance ou à d’autres services pour le compte d’Education City (c’est-à-dire ceux qui ne sont pas recrutés pour enseigner) doivent payer des frais exorbitants aux agences qui les recrutent et ils subissent une révision à la baisse de leur contrat tant au niveau salarial qu’en ce qui concerne les conditions de travail, ainsi que la confiscation de leur passeport.

Tous les travailleurs sont soumis au système du parrainage, ce qui signifie qu’ils dépendent entièrement de leur parrain s’ils veulent changer d’emploi ou quitter le pays.

Le 14 mars, la Confédération syndicale internationale (CSI) a écrit aux présidents des huit universités ou grandes écoles implantées à Education City.

La CSI les exhortait à mener à bien une étude indépendante concernant les effectifs travaillant pour leur institution implantée à Education City, notamment les travailleurs recrutés par des sous-traitants, puis, en fonction des résultats de cette étude, à s’engager à faire en sorte que l’ensemble des travailleurs soient en possession de leur passeport, qu’ils touchent le salaire prévu dans leur contrat d’emploi initial, et que tout frais de recrutement payé leur soit remboursé.

La CSI demandait en outre instamment aux présidents de faire pression sur le gouvernement qatari pour qu’il amende non seulement le système de kafala afin de s’aligner sur les normes internationales, mais aussi la législation du travail en vue de permettre aux travailleurs migrants de jouir de la liberté syndicale.

Jusqu’à présent, deux universités seulement ont répondu : University College London (UCL) et Georgetown University.

La réponse de l’UCL, très décevante, ne contenait aucun engagement concret. L’UCL y reconnaissait qu’aucun travailleur n’était en mesure d’adhérer à un syndicat, mais suggérait que cette lacune était comblée par la possibilité pour tout travailleur recruté directement par l’université de saisir son administration de tout grief.

Quant aux employés qui ne font pas partie du corps enseignant et ne sont pas recrutés directement par l’université, c’est-à-dire ceux qui effectuent un travail à l’UCL mais qui sont recrutés par des sous-traitants, l’UCL a décliné toute responsabilité. Elle s’est contentée de s’engager à « saisir les autorités compétentes, dès que l’occasion se présentera, de la question du personnel prestataire de services à Education City que nous n’employons pas directement ».

L’UCL a ensuite signalé le travail humanitaire qu’elle réalise auprès des « communautés marginalisées ».

La réponse de l’université de Georgetown était sensiblement différente et reflétait une perception plus réaliste des conditions affectant les travailleurs recrutés par des sous-traitants soit de Georgetown, soit de la Qatar Foundation.

Elle a informé la CSI qu’elle réalisait depuis janvier 2014 un examen de ces conditions de travail.

Il reste encore à voir si cet examen débouchera sur les mesures correctives et les réformes souhaitées par la CSI, mais il constitue toutefois un premier pas dans le bon sens.

La CSI poursuit son action auprès de Georgetown University afin que celle-ci agisse contre l’absence de liberté syndicale au Qatar et s’assure qu’aucun travailleur n’est soumis à des conditions qui favorisent le travail forcé.

 

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