L’Éthiopie en route vers un nouveau système ferroviaire léger

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Partout à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, des groupes de jeunes ouvriers journaliers travaillent dur au projet d’infrastructure phare de la ville. Il s’agit en majorité d’hommes âgés d’une vingtaine d’années, portant des chapeaux et des foulards pour se protéger le visage de la poussière et du soleil.

Selon eux, la tâche est monotone, mais bien rémunérée. Petit à petit, ces jeunes travailleurs construisent le premier système ferroviaire léger urbain d’Afrique subsaharienne.

Partout dans la région, de Lagos à Nairobi, des projets de transport similaires sont examinés pour faciliter le déplacement des personnes dans une zone considérée la région du monde qui s’urbanise le plus rapidement.

Dans une ville animée comme Addis-Abeba, où des routes et des immeubles semblent perpétuellement sortir de terre, le projet ferroviaire presque terminé est stimulant.

Il y a à peine quelques mois, des routes et des carrefours ont été réduits en gravats par des équipes d’excavation. Aujourd’hui que la poussière est retombée, on voit apparaître des voies soigneusement posées sur les grands axes, surplombées câbles électriques.

Dereje Tefera, responsable de la communication des chemins de fer éthiopiens, l’Ethiopian Railways Corporation, en charge du projet, explique qu’il y a actuellement « un déficit de transport » dans la ville où les banlieusards sont souvent obligés de se déplacer en minibus hésitants et archibondés.

« Nous avons besoin de systèmes de transport modernes pour soutenir notre développement. »

Le système ferroviaire léger comprend près de 34 kilomètres de voies et devrait commencer à embarquer des passagers d’ici trois mois. Comme bon nombre de projets publics de développement dans le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, il s’appuie sur des financements étrangers.

La compagnie ferroviaire est détenue par le gouvernement central et le système léger, qui coûte 475 millions de dollars US et tire 85 % de son financement de l’Ex-Im Bank (Chine), a été sous-traité à la China Railway Engineering Corporation (CREC).

Le responsable du projet de système ferroviaire léger, Behailu Sintayehu explique que 4.800 travailleurs locaux ont été recrutés par l’entrepreneur, ce qui est important pour le transfert de connaissances.

« Pour tous les éléments repris dans le contrat, une disposition oblige l’entrepreneur à mettre en place un programme de formation et de renforcement des capacités », poursuit-il en ajoutant que plusieurs ingénieurs ont fait le déplacement en Chine pour se former sur certains des principaux composants du système léger.

L’un d’eux est Debebu Terefe. L’année dernière, ce jeune homme de 31 ans a passé un an en Chine pour en apprendre davantage sur l’installation des équipements de communication. « C’est tellement utile pour nous, car nous avons utilisé des technologies actuelles. Je peux maintenant appliquer ces connaissances à toutes sortes de projets dans mon pays », a-t-il expliqué aux journalistes d’Equal Times.

Mais tout le monde ne bénéficie pas de la même façon de la participation chinoise au projet. À Addis-Abeba, plusieurs travailleurs ont expliqué n’avoir reçu aucune formation officielle de la part de leurs supérieurs de la CREC avant d’effectuer le travail. Ils suspectent leur employeur de ne pas vouloir dépenser des fonds pour eux, même si certains reconnaissent que les salaires sont plutôt généreux pour un travail non qualifié.

Seid Hussein, 24 ans, pose des briques pour les quais des gares. Il apprécie sa paie de 100 birrs (4,91 dollars US), mais se plaint que son contrat l’empêche de travailler plus de deux mois.

« Si une personne travaille plus longtemps, elle demandera davantage d’argent. C’est pour cela que les Chinois engagent sans cesse de nouveaux travailleurs », déclare-t-il.

Mohammed Yesuf a 20 ans et est fier de travailler pour le principal projet de la ville. « Mais, nous n’avons reçu aucune formation et on communique difficilement avec nos supérieurs chinois », explique-t-il.

« Ils nous montrent seulement ce que nous devons faire avec leurs mains et nous faisons de notre mieux. »

 

Une menace pour les minibus ?

Certains habitants d’Addis-Abeba sont mitigés à propos des travaux que ces hommes effectuent. Les propriétaires de voitures se plaignent que les rails ont coupé des carrefours principaux et certains magasins situés du mauvais côté des voies subissent des pertes parce que leurs clients ne veulent pas marcher jusqu’au passage pour piétons le plus proche.

Melat Haile, 20 ans, est impatiente d’utiliser le train pour ses trajets quotidiens jusqu’à l’école. « Et pour le moment, la construction ne s’est pas si mal passée », dit-elle.

Les personnes qui conduisent des minibus bondés, le mode de transport en commun le plus courant dans la ville et dont le coût moyen par trajet est inférieur à 4 birrs (0,20 dollar US), sont probablement les plus inquiets.

Les tarifs du système ferroviaire léger n’ont pas encore été fixés, mais Dereje Tefera assure que la société est déterminée à les rendre abordables.

Negusse Girma a 23 ans et gagne 6000 birrs (295 dollars US) par mois en tant que chauffeur de minibus.

Selon lui, le système léger lui a déjà rendu la vie plus difficile : « Avec tous ces chantiers, le trafic est fou », explique-t-il. « Et une fois que le train aura démarré, nos bénéfices diminueront. Je devrais essayer de trouver un autre emploi. »

Pourtant, il partage l’enthousiasme général lié au prestige que ce projet apportera à sa ville natale. « C’est difficile pour nous, mais ce sera bien pour Addis-Abeba d’avoir un train », déclare-t-il. « Ce sera une bonne chose pour les passagers. »