La Belgique amplifie les expulsions d’Européens

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Chaque année, des milliers de ressortissants européens en situation de précarité sont expulsés de Belgique. Ils sont accusés de représenter une charge trop importante pour les finances du pays, et ne seraient pas en mesure de trouver un emploi.

Une politique étonnante alors que l’Union européenne est censée garantir la libre circulation des biens et des personnes.

Au cours de l’année 2013, sous couvert d’une politique anti-crise, pas moins de 2712 européens résidant en Belgique ont reçu un avis d’expulsion. Un chiffre en constante augmentation. En 2010, seulement 343 personnes issues de l’Union européenne avaient été priées de quitter le pays.

La Belgique s’appuie sur une directive européenne datant de 2004 stipulant : « Il convient cependant d’éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant une première période de séjour.»

Les étrangers recevant des allocations de chômage ou une aide sociale distribuée par les Centres publics d’action sociale (CPAS) depuis plus de trois mois sont concernés, touchant ainsi des populations particulièrement précaires.

Les citoyens les plus touchés par ces mesures sont les Roumains, les Bulgares et les Espagnols.

Mais certains travailleurs sont également visés.

 

Article 60

Stéphanie Chauvin, une française de 37 ans mère de quatre enfants a reçu un avis d’expulsion en novembre dernier. Convoquée par l’administration de sa commune, La Louvière, sa carte d’identité lui est retirée et elle reçoit l’ordre de quitter le pays avec sa famille sous un délai de 30 jours.

« J’ai été très choquée, je ne pensais pas que c’était possible. Je me suis retrouvée sans revenus, sans couverture maladie. J’ai eu peur d’être mise à la rue avec ma famille, » explique-t-elle à Equal Times.

Stéphanie travaillait pourtant à temps plein dans une maison de retraite, via une loi communément appelé « article 60 », permettant aux bénéficiaires du CPAS de faire financer une partie de leur salaire par l’État belge.

Malgré les 38 heures de travail hebdomadaire de la jeune femme « ce n’est pas une réelle activité économique, c’est une subvention de l’État » se défend Dominique Ernould, porte-parole de l’Office des étrangers, l’administration chargée de gérer les populations immigrées.

Relativisant la portée de ces mesures, elle précise que « c’est un retrait du droit de séjour. Il n’y a jamais eu d’expulsions par la force. La Belgique possède l’un des systèmes social les plus performants. On devient une cible privilégiée pour les immigrés.»

À l’origine de cette politique de renforcement drastique, Maggie de Block, secrétaire d’état à l’Asile et la migration. Cette libérale nommée en 2011 au gouvernement fédéral est très appréciée en Belgique, figurant parmi les personnalités politiques préférées du royaume.

Sa porte-parole, Else Cleemput, affirme que « le ministère ne fait que respecter la loi européenne » et assure que « chaque dossier est étudié individuellement afin d’évaluer les chances de chacune de ces personnes à retrouver un emploi viable.»

« Ce sont des décisions électoralistes » dénonce Philip Cordery, le député des français vivant au Benelux. « Cette directive est beaucoup trop vague et est appliquée trop durement. On espère la faire modifier afin de clarifier la situation.»

 

Euroscepticisme

À quelques semaines des élections au parlement européen, cette mesure s’apparente à un bien mauvais signal dans la perspective d’une construction européenne. Outre un désintérêt des citoyens pour les institutions, une vague d’euroscepticisme pourrait s’étendre sur le vieux continent.

Zoé Genot, députée belge écologiste très active sur le sujet, constate pour Equal Times : « Il y a désormais une Europe à deux vitesses. On accueille à bras ouverts les personnes s’exilant pour des raisons fiscales et on rejette les plus précaires. La liberté de circulation n’est réservée qu’à certains européens, les plus fortunés.»

Silvia Guerra une musicienne italienne résidant à Bruxelles a été invitée à quitter le territoire en décembre dernier après avoir elle aussi été embauchée via l’article 60. L’avis d’expulsion qui lui a été remis précise que les trois années passées par Silvia en Belgique « ne suffisent pas à parler d’intégration

« Rien n’empêche » également son fils de sept ans « de poursuivre sa scolarité dans son pays d’origine » même si ce dernier est né en France et n’a jamais vécu en Italie.

« Je me pensais européenne, mais je ne suis pas protégée par l’UE. Les décisions sont économiques mais on ne fait rien pour le peuple.» Elle n’a maintenant plus le droit de travailler et ne dispose d’aucune ressource. Cette mère de famille a depuis entamé un recours. « Je vais attendre la fin de l’année scolaire de mon fils, si rien ne s’arrange, je partirai

Selon Genot, ces expulsés vivent très difficilement cette situation. « Certains tombent en dépression, ils ont honte et se cachent. D’autres vivent comme des sans-papiers. Faute de revenus, ils travaillent au noir pour deux euros par heure.»

L’initiative pourrait faire des émules au sein de l’Union européenne.

D’autres États membres comme les Pays-Bas se sont renseignés avec intérêt sur l’application de cette directive nous a précisé l’Office des étrangers.

Récemment, le Royaume-Uni a restreint les conditions d’accès aux aides sociales pour les ressortissants européens sur son territoire.