La Bolivie doit suivre le chemin de la sagesse…dans un bus scolaire

 

Le congrès bolivien discute actuellement d’une proposition de loi qui abaisserait l’âge minimum d’admission au travail à 12 ans, voire à 10 ans. Cela a suscité de vives réactions de la part des syndicats et des groupes de défense des droits humains, à juste titre.

La CSA, notre organisation syndicale régionale pour les Amériques, a écrit au président Evo Morales pour protester contre ce projet de loi et pour lui rappeler l’obligation de la Bolivie de respecter les Conventions n°138 et 182 de l’OIT, qui définissent l’âge minimum d’admission à l’emploi et demandent aux gouvernements de veiller à ce que les jeunes de moins de 15 ans (ou 14 ans, dans certains cas exceptionnels) aillent à l’école, et non au travail.

La Marche mondiale contre le travail des enfants, Anti-Slavery International et Human Rights Watch ont lancé un appel semblable au président bolivien et ont soulevé le débat au Sénat de Bolivie.

« Je suis conscient qu’il existe certaines forces régressives dans la société civile et les gouvernements qui cherchent encore à annuler les efforts visant à mettre fin au fléau du travail des enfants » a écrit Kailash Satyarhi, le président de la Marche mondiale contre le travail des enfants, dans une récente déclaration.

« Ce sont toujours les mêmes arguments qui sont mis en avant, à savoir la sensibilité culturelle, les traditions, la pauvreté, les obligations familiales, etc…contre des principes, des normes, des réglementations et des engagements qui ont été acceptés mondialement. C’est exactement ce qui se produit en Bolivie et ce n’est pas négociable.

« Par conséquent, la Marche mondiale et ses partenaires condamnent non seulement la proposition de faire passer l’âge minimum d’admission au travail à 12 ans, mais exhortent en outre le président et le peuple bolivien à empêcher que cette mesure injustifiée et inacceptable voie le jour. »

Bien entendu, chaque pays doit garantir que sa législation et ses pratiques, notamment au niveau de l’inspection du travail, respectent les normes établies par l’OIT, y compris le droit fondamental de tous les enfants à être protégés de toute forme d’exploitation.

Mais la voie qu’emprunte la Bolivie va à l’encontre d’une économie et d’un marché du travail régis par l’état de droit.

Lorsque l’État accepte le travail des jeunes enfants, ces derniers en paieront le prix toute leur vie – d’une part, en raison de la difficulté d’exercer un travail physique depuis l’enfance et, d’autre part, parce que leur avenir est compromis du fait d’avoir perdu toute chance de recevoir une bonne éducation.

Il apparaît clairement que, plus les enfants passent de temps au travail - même s’ils vont à l’école - plus leurs résultats scolaires sont faibles.

Le travail des enfants est un problème grave en Bolivie. De nombreux enfants travaillent dans l’agriculture et dans les conditions désespérantes de l’économie informelle.

Mais le maintien du statu quo ne ferait qu’aggraver la situation.

Tout au long de l’histoire, les gouvernements se sont heurtés à ce problème et de nombreux gouvernements y sont encore confrontés aujourd’hui. Et ceux qui se sont efforcés de réglementer à la fois l’âge d’admission au travail et d’investir dans l’éducation savent que, dans leur pays, le développement économique et le progrès social reposent sur ces fondations.

Jamais aucun pays ne s’est développé de manière satisfaisante et durable en laissant ses enfants travailler au lieu d’aller à l’école. C’est un fait reconnu aujourd’hui dans l’ensemble de l’Amérique latine, où les autorités mettent en place des réglementations et des programmes pour garantir la présence des enfants à l’école et offrir des emplois décents aux adultes, qui permettent aux familles de se construire un futur.

Sans aucun doute, la communauté internationale porte sa part de responsabilité.

L’économie mondiale n’a jamais été aussi mal en point depuis des décennies pour les familles qui travaillent, et de nombreux problèmes sont imputables aux politiques des grands gouvernements et des institutions financières internationales.

Cela dit, on ne voit toujours pas comment la Bolivie réussira à bâtir un avenir serein en privant ses enfants des protections vitales et en mettant en péril son propre système éducatif – au lieu d’investir dans ce système.

Lorsque le mouvement syndical international a élaboré la Convention n°182 avec des gouvernements et des employeurs, à l’OIT, à la fin des années 90, nous avons travaillé en étroite collaboration pour associer nos connaissances sur le monde de travail et le développement social aux compétences et à l’expérience des ONG qui, depuis des décennies, aident les enfants à quitter le travail pour aller à l’école.

Bien souvent, il s’agit d’une tâche difficile, parfois même dangereuse, qui oppose les militants progressistes à des propriétaires d’esclaves et à des marchands de main-d’œuvre. Et pourtant, c’est non seulement possible, mais cela se produit chaque jour, dans chaque région du monde.

La Bolivie devrait s’inspirer de ces combats pour la justice et le développement, et refuser la proposition de loi qui abaisse l’âge de travailler des enfants, car cela compromet l’avenir de son peuple et empêche l’avancée du progrès à d’autres niveaux.