La démocratie en Bolivie sera-t-elle rétablie après les élections imminentes ?

La visite au Parlement européen de Karen Longaric, ministre des Affaires étrangères du gouvernement de facto de Bolivie, n’a pas fait couler beaucoup d’encre dans la presse. Les grands médias ont, en effet, fait peu de cas des critiques formulées à l’encontre de Mme Longaric par plusieurs députés européens pour avoir utilisé l’enceinte européenne comme plateforme de campagne électorale.

Lors de son intervention, le jeudi 1er octobre à Bruxelles, Mme Longaric a été durement questionnée, notamment par l’eurodéputé des Verts, Ernest Urtasun, qui a déclaré : « Ce qui nous préoccupe c’est le respect de la légalité constitutionnelle en Bolivie, or vous venez ici tenir une tribune électorale, au lieu de nous expliquer ce que vous comptez faire pour garantir des élections libres. Vous représentez une oligarchie qui n’a jamais pu tolérer que 30 % des pauvres accèdent à la classe moyenne, et c’est pourquoi vous avez organisé un coup d’État. »

Ce fut ensuite au tour de Javi Lopez, du Parti des socialistes de Catalogne (PSC), de condamner l’intervention de la ministre bolivienne, en déclarant : « La dernière chose que ce Parlement voudrait, c’est que nous invitions un gouvernement en période de campagne électorale et que celui-ci exploite cette tribune à des fins électorales. »

« Le gouvernement de transition a outrepassé ses prérogatives en se présentant comme arbitre dans une situation traumatique pour un pays poussé dans ses derniers retranchements. »

Autre réquisitoire, celui dressé par Idoia Villanueva, du parti espagnol Podemos, qui a déclaré : « En toute honnêteté, nous venons d’assister à un acte d’irrespect institutionnel. J’espérais, Madame la ministre, que vous évoqueriez la manière dont vous comptez garantir des élections libres et démocratiques. »

Izaskun Bilbao, du Parti nationaliste basque, s’est dite inquiète « que les forces armées invoquent le secret militaire pour se garder de faire la lumière sur les massacres de Sacaba et Senkata, les 15 et 18 novembre 2019 ». D’autres députés européens ont exprimé leur inquiétude quant au rôle de ces mêmes forces armées dans la formation d’un gouvernement non élu par la voie des urnes et l’exil d’Evo Morales.

Un défi démocratique, mais aussi économique

Après trois reports successifs de la date des élections et la tentative du gouvernement de facto de se maintenir au pouvoir, la lutte populaire, syndicale et sociale a contraint les autorités à fixer une date ferme pour les élections. Le 18 octobre prochain seront élus le président et le vice-président, ainsi que l’ensemble de l’Assemblée législative plurinationale. Plus qu’un simple calendrier électoral, il s’agit de restaurer l’État de droit et de rétablir la démocratie dans le pays andin-amazonien.

Dans son rapport intitulé Crisis de Estado, Violación de los Derechos Humanos en Bolivia, Octubre-Diciembre de 2019 (« Crise de l’État, violation des droits humains en Bolivie » ), le bureau du médiateur bolivien révèle comment, pour rompre l’ordre constitutionnel, des massacres, des tortures, des détentions arbitraires et des violations systématiques des garanties individuelles ont été perpétrés, entraînant la mort de 37 personnes. « Des crimes contre l’humanité ont été commis en Bolivie », lit-on dans ce rapport très détaillé de 313 pages.

Le samedi 3 octobre a eu lieu un débat présidentiel réunissant les sept candidats. En ces temps difficiles, seuls deux d’entre eux ont une réelle chance d’accéder à la magistrature suprême.

Il s’agit de Luis Arce, le candidat du Movimiento Al Socialismo (MAS), qui se trouve en tête de tous les sondages et qui est bien placé pour gagner au premier tour. Luis Arce dépasse en effet 40 % des intentions de vote exprimées dans la plupart des sondages et a plus de 10 % d’avance sur le second, Carlos Mesa, du parti Comunidad Ciudadana (CC).

Pour Luis Arce, qui a longtemps occupé le poste de ministre de l’Économie sous Evo Morales, « le mandat consistera à remettre sur pied le pays et à réengager celui-ci sur la voie du développement durable, de la croissance économique et de la certitude ». Il propose de relever les impôts sur les grandes fortunes. Le taux de chômage qui était de 4,2 % au moment du coup d’État contre Evo Morales atteint aujourd’hui 12 %.

Selon le candidat du MAS, « le problème du pays ne réside pas seulement dans le chômage, mais aussi dans le manque de revenus. Les bons d’aide jouent, en ce sens, un rôle fondamental ». Il a précisé que le diesel écologique permettra de créer 200.000 emplois directs et indirects, ainsi que 41 nouvelles industries qui généreront de nouveaux emplois pour la population.

Carlos Mesa, qui a occupé la présidence entre 2003 et 2005, a déclaré que s’il est élu, il instituera « un conseil économique et social permanent regroupant l’État, les entreprises et les travailleurs, avec des objectifs qui garantissent le maintien et la durabilité des emplois, la création de nouveaux emplois, ainsi que la mise en commun des efforts de chaque partie pour atteindre les objectifs fixés ».

Le principal problème que devra résoudre le prochain gouvernement est la situation économique du pays qui, à en croire un sondage d’opinion du Centre stratégique latino-américain de géopolitique (CELAG), figure au cœur des préoccupations pour 55,4 % de la population. Le défi du moment consiste à reconquérir la démocratie détournée.

This article has been translated from Spanish.