La fin des privatisations de l’eau approche-t-elle ?

À travers le monde, une vague de remunicipalisations a remis les services de distribution d’eau entre les mains du secteur public, bien souvent après des décennies de mauvaise gestion par le secteur privé.

Pourtant, l’Organisation des Nations unies et de nombreux gouvernements semblent toujours convaincus que nous avons besoin de partenariats public-privé (PPP) et de financements privés pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD). Ils se laissent toujours séduire par les fausses promesses des PPP, alors même que les preuves de la crise entraînée par la privatisation se multiplient.

Prenons l’exemple de la débâcle de nombreuses privatisations au Royaume-Uni : même le ministre conservateur de l’Environnement, Michael Gove, a critiqué l’attitude des services privatisés de distribution d’eau. Il a récemment souligné que les tarifs sont trop élevés, que les manipulations financières et l’évasion fiscale sont endémiques, que les dividendes des actionnaires engloutissent la plupart des bénéfices et que les PDG se versent des salaires exorbitants. Et c’est le parti de Margaret Thatcher qui le dit !

Un rapport publié récemment par l’Internationale des services publics et l’Institut transnational montre que depuis l’année 2000, on a dénombré pas moins de 235 cas de remunicipalisation de l’eau dans 37 pays, affectant plus de 100 millions de personnes. Comment expliquer cette tendance ?

Les motifs pour mettre fin à la privatisation dans le secteur de l’eau ne manquent pas ; notamment les économies de coûts, l’amélioration de la qualité des services, la transparence financière et le recouvrement de la capacité opérationnelle et du contrôle social. Les objectifs environnementaux, tels que l’accélération du développement des énergies renouvelables ou la réduction des déchets, constituent également des facteurs clés. Naturellement, le fait de fournir des tarifs sociaux pour les ménages à faibles revenus (de nombreuses familles n’ayant pas les moyens de s’acquitter des factures élevées des services publics) est une autre raison clé.

En outre, de plus en plus de preuves empiriques démontrent que la remunicipalisation de tout le secteur public est économiquement justifiée. À Londres, la fin des PPP dans le secteur des transports a entraîné une réduction de 1 milliard de livres sterling des coûts, essentiellement grâce à l’élimination des dividendes des actionnaires et des frais d’avocat. Au Canada, lorsque le gouvernement a décidé de construire quatre écoles en faisant appel à des services publics plutôt que des PPP, les économies réalisées ont permis la construction d’une cinquième école.

Pourtant, la triste réalité est que plus d’un milliard de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable. En 2015, l’ONU faisait de l’accès universel à l’eau à l’horizon 2030 l’un de ses ODD. Comment pouvons-nous nous assurer que nos gestionnaires publics de l’eau sont en mesure de relever ce défi ?

Nous nous devons d’exiger un régime fiscal mondial plus équitable, de manière à pouvoir investir dans les infrastructures essentielles telles que des services d’eau modernes. Faute de quoi, les conséquences peuvent être dévastatrices, comme dans la ville de Flint, au Michigan (États-Unis), où la réduction des coûts, conjuguée à une forte réduction de la fiscalité des entreprises, a provoqué l’empoisonnement de milliers de personnes (principalement pauvres).

Une autre étape clé consiste à retirer les services publics des accords commerciaux qui, souvent, dissuadent ou pénalisent les gouvernements qui agissent dans l’intérêt du public. Pour terminer, les partenariats public-public entre les services de distribution d’eau peuvent faciliter le partage aussi bien des meilleures pratiques que des ressources.

Le revirement qui s’opère dans le débat sur la privatisation est une bonne nouvelle pour les travailleurs des services publics, les syndicats et le grand public. Nous devons maintenant convaincre nos dirigeants mondiaux de suivre le mouvement.