La nouvelle Commission de l’UE doit prendre les devants dans la lutte contre l’esclavage moderne

Le 18 octobre se célèbre annuellement la Journée européenne contre la traite d’êtres humains. Depuis 2007, cette occasion nous confronte à la réalité d’un nombre sans cesse croissant de travailleurs se trouvant en situation de travail forcé, souvent à la suite d’un trafic humain.

À l’heure actuelle en Europe, le nombre de travailleurs sous le joug de l’esclavagisme moderne est plus élevé que jamais.

L’OIT estime que 880.000 travailleurs sont actuellement victimes de travail forcé, y compris l’exploitation forcée à des fins sexuelles.

Autrement dit, un citoyen européen sur 500.

Les bénéfices annuels générés par l’exploitation de quelque 1,5 millions de travailleurs forcés dans l’Union européenne et les autres économies riches sont estimés à 46,9 milliards USD.

S’il y a un enjeu véritablement global qui requière une action urgente, c’est bien celui-ci.

En juin de cette année, le monde entier saluait l’adoption de nouvelles règles mondiales sur le travail forcé et la traite d’êtres humains, qui visaient à améliorer la prévention, la protection et l’accès aux réparations pour les victimes de la traite.

Le nouveau protocole reconnait certaines des obligations régionales de l’UE et des pays membres du Conseil de l’Europe en matière de lutte contre la traite d’êtres humains sous forme d’une norme globale en réponse à cette forme contemporaine de travail forcé.

L’harmonisation du cadre réglementaire international devrait faciliter la coopération internationale dans la lutte contre ce qui constitue, de plus en plus, un crime organisé à l’échelle transnationale.

Cette reconnaissance mondiale et ce nouvel élan politique ne sont toutefois pas une raison pour que l’UE se repose sur ses lauriers.

Au contraire, l’UE devrait à présent réfléchir et œuvrer à une amélioration substantielle de son cadre interne de lutte contre la traite et le travail forcé, y compris la Directive de l’UE sur la traite des êtres humains.

Ceci est particulièrement pertinent dans le cadre du processus d’évaluation du progrès concernant la transposition de la Directive au droit national, dont la date butoir est fixée à 2015.

Parmi les autres questions, la Commission de l’UE devrait accorder une attention spécifique à l’évaluation des dispositions nécessaires prises par les pays membres pour établir la responsabilité des personnes morales dans le domaine de la traite d’êtres humains (article 5 de la Directive sur la lutte contre la traite) et pénaliser le recours aux services de victimes de la traite (Article 18/4).

 

Mesures extérieures

Les nouveaux instruments de l’OIT sont une invitation ouverte pour l’UE à prendre les devants dans la lutte mondiale contre le travail forcé et la traite des êtres humains.

La promotion des droits humains au niveau international figure parmi les principaux objectifs de la politique étrangère de l’UE.

Depuis la ratification du Traité de Lisbonne, l’UE a l’obligation de promouvoir le respect des droits humains dans tous les aspects de sa politique extérieure et d’élaborer des politiques et mesures communes visant à consolider et soutenir la démocratie, l’État de droit, les droits humains et les principes du Droit international dans tous les domaines de ses relations internationales.

Or malgré une série de résolutions du Parlement européen, l’UE n’a pas toujours donné suite aux observations pertinentes des mécanismes de surveillance des droits humains de l’ONU.

Depuis la suspension pour travail forcé de la Birmanie de son Système des préférences généralisées à la fin des années 1990, l’UE n’a plus eu recours à une telle sanction, et ce même lorsqu’elle disposait de preuves évidentes de travail forcé, dans certains cas organisé par l’État. Malgré la condamnation internationale du travail forcé dans des pays comme la Corée du Nord, le Qatar et l’Ouzbékistan, l’UE continue d’autoriser les investissements et les importations depuis ces pays.

Les mesures extérieures dans un contexte européen incluent également la surveillance de la conduite des sociétés multinationales implantées dans l’UE et l’obligation qu’ont ces dernières d’identifier et de mitiger les risques de travail forcé et de traite d’êtres humains dans leurs filières d’approvisionnement.

En octobre 2013, le Parlement européen a unanimement adopté une résolution appelant instamment la Commission à instaurer un mécanisme de traçabilité qui permettrait de pister et de suivre les marchandises produites avec un recours au travail forcé et d’interdire leur importation dans les pays de l’UE.

Malheureusement, la Commission européenne n’a pas encore daigné répondre à cet appel. Le nouveau Protocole de l’OIT sur le travail forcé vient confirmer les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, qui énoncent la responsabilité du secteur privé. Aussi, les gouvernements devraient-ils encourager les entreprises à exercer une diligence raisonnable en matière de droits humains.

Fait encourageant, les anciens commissaires européens à l’Emploi et aux Affaires intérieures ont fait bon accueil au nouveau Protocole de l’OIT et à la Recommandation qui l’accompagne.

« Avec ces nouveaux instruments, nous serons mieux armés pour combattre les formes modernes du travail forcé », a affirmé László Andor, le commissaire sortant à l’Emploi, aux Affaires sociales et à l’Inclusion.

Pour sa part, la commissaire sortante en charge des Affaires intérieures, Cecilia Malmström, a dit : « Il nous incombe désormais de veiller à ce que ces normes soient appliquées à l’échelle internationale. »

C’est à présent à leurs successeurs, Marianne Thyssen et Dimitris Avramopoulos, qu’il reviendra d’aller au-delà des belles paroles et de traduire cet engagement dans les faits. Appeler les pays membres à ratifier le nouveau protocole de l’OIT serait un pas dans la bonne direction.

Car le bilan des victimes du travail forcé et de la traite d’êtres humains ne cesse de s’alourdir et nous ne pouvons permettre que cela continue pour une année de plus.

Cet article a été traduit de l'anglais.