La quête de vérité sur le conflit colombien : un chemin pavé de risques et de difficultés

La quête de vérité sur le conflit colombien : un chemin pavé de risques et de difficultés

Teresita Gaviria is looking for her son Cristian Camilo, who disappeared in 1998, aged 15, after being detained by an armed group whilst on his way to Bogotá. In the picture, she shows a portrait of one of the hundreds of disappeared persons, like her son, that she and her association have been trying to find for years.

(Danilo Arias)

Teresita Gaviria, 73 ans, est l’un des visages les plus reconnaissables du combat que mènent les victimes du conflit armé colombien en quête d’une vérité qui les aidera à guérir leurs blessures et à apaiser la douleur que la guerre a laissée en eux. Récompensée du Prix national de la paix, son histoire est un exemple de persévérance et de courage, mais aussi du risque mortel auquel on s’expose lorsqu’on tente de faire la lumière sur les événements violents et les responsabilités historiques s’y rapportant.

Il y a plus de deux décennies – le 19 mars 1999 – Teresita Gaviria fondait l’association Caminos de Esperanza Madres de la Candelaria, en réponse à la multiplication des disparitions forcées à l’un des moments les plus difficiles de la guerre, qui coïncidait avec le déploiement des paramilitaires dans tout le pays. « Une hirondelle ne fait pas le printemps », dit Teresita, « et c’est pourquoi nous avons ressenti le besoin de nous unir autour d’une cause. La mienne a été la recherche de mon fils Cristian Camilo Quiroz Gaviria, disparu à l’âge de 15 ans. Le 5 janvier 1998, il s’était mis en route pour Bogota, en compagnie d’un ingénieur. À Doradal, il a été interpellé par un groupe armé. D’après ce que j’ai pu apprendre ces dernières années, il aurait été embrigadé par les paramilitaires. »

À l’instar des mères de la Plaza de Mayo, en Argentine, Teresita Gaviria et un groupe de femmes victimes se sont rassemblées sur le parvis de l’église de la Candelaria, dans le centre de Medellin, au cri de « rendez-nous nos enfants ». Leur message ne semblait pourtant pas trouver écho auprès du reste de la population : « Vieilles folles, sorcières, … on s’est fait traiter de tous les noms », confie Mme Gaviria. « Mais la douleur qui nous tenaillait était plus forte que les injures. En nous mobilisant, nous recherchions le respect et la reconnaissance. Nous étions cinq femmes au début, et aujourd’hui nous sommes 896. »

Être un acteur social ou un défenseur des droits humains est une position à haut risque en Colombie. Ils sont assassinés parce qu’ils protègent une forêt, parce qu’ils s’opposent à la construction d’un port, qu’ils déposent les armes ou qu’ils cherchent à faire la lumière sur un crime infame.

Selon les chiffres de l’Institut d’études pour le développement et la paix (INDEPAZ), l’année dernière, 310 dirigeants syndicaux et défenseurs des droits humains (indigènes, afro-colombiens, paysans) et 64 ex-combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) qui avaient signé l’accord de paix final en 2016 ont été assassinés. Au total, près de mille syndicalistes et 258 signataires des accords de paix auraient été assassinés depuis la signature des accords.

Après quatre ans de mise en œuvre, les spectres de l’échec et d’une possible redescente aux enfers dans ce qui constitue l’un des conflits armés les plus vieux du monde menacent la tâche à la fois fragile et colossale que représente la construction d’une cohabitation pacifique dans un pays meurtri par les blessures et les haines accumulées au cours de plus de 50 ans d’affrontements fratricides.

Si les chiffres donnent rarement la pleine mesure de la tragédie et de l’horreur qu’a laissées la guerre en Colombie, ils n’en restent pas moins choquants par leur énormité : entre 1958 et 2020, le Centre national de la mémoire historique (CNMH) a documenté 357.304 actes violents, avec un bilan de 266.988 victimes mortelles et 120.000 personnes disparues. Selon le registre national de l’Unité des victimes, au cours des trois dernières décennies (de 1985 à 2019), 8.553.416 personnes auraient été affectées par ce conflit sans fin. Soit l’équivalent de la population d’une métropole, voire d’un pays, dégradée et convertie en victime. Comment réparer un préjudice d’une telle ampleur ?

Ce n’est pas pour rien que le texte de l’accord de paix final est le plus long au monde et le quatrième en termes du nombre de dispositions qu’il renferme – six points généraux et 578 dispositions –, selon le Kroc Institute (University of Notre Dame) qui en surveille la mise en œuvre à l’échelon international et l’a comparé à 34 autres accords de paix en vigueur dans le monde.

Dès sa conception, l’accord de paix final s’est attiré de nombreux détracteurs sociaux et politiques – y compris un plébiscite organisé à son encontre dans la foulée de son adoption. Le parti actuellement au pouvoir a tenté de le modifier et a même convoqué un référendum pour démanteler le système intégral de vérité, justice, réparation et non-répétition (SIVJRNR) – dont dépendent la Justice spéciale pour la paix (JEP), la Commission pour la clarification de la vérité, la coexistence et la non-répétition (CEV) et l’Unité pour la recherche des personnes disparues (UBPD).

« Ce dispositif normatif lié à la JEP a consacré l’impunité totale pour des atrocités telles que l’enlèvement et le viol de mineurs. La vérité est devenue un prétexte pour nier ou altérer les faits en fonction d’intérêts politiques », a martelé à maintes reprises et sur divers fronts l’ex-président et ex-sénateur Alvaro Uribe Vélez, principal partisan du Non au plébiscite et ennemi juré du Système intégral de vérité.

Le Système intégral de vérité découle du point 5 – accord sur les victimes du conflit – et sa mise en œuvre constitue l’un des principaux accomplissements institutionnels de l’accord de paix final à ce jour. Pierre angulaire du modèle de justice transitionnelle, il s’agit d’un organe fondamental pour assurer le degré minimum de réconciliation requis pour venir à bout de la violence politique comme solution aux différences sociales.

Selon le célèbre adage, la première victime de la guerre, c’est la vérité. On dit aussi que la construction de toute mémoire historique est un champ de bataille, une âpre lutte, toujours inégale, entre vainqueurs et vaincus.

La reconnaissance par les parties de l’absence d’un vainqueur absolu constitue précisément l’une des caractéristiques du processus de paix colombien. La résistance et les menaces qui pèsent sur le Système intégral de vérité découlent du fait qu’aucune des parties impliquées dans le conflit ne peut contrôler le jugement des responsabilités et le récit qui explique la violence et les atrocités commises.

Si l’on prend, par exemple, le cas de la société allemande, citée comme un modèle pour la manière dont elle a construit une mémoire historique du nazisme et de ses crimes contre l’humanité, il lui aura fallu des décennies avant qu’elle ne juge elle-même ses bourreaux. Les vaincus refusaient de se considérer comme les bourreaux. Ce n’est que dans les années 1960, grâce au juriste Fritz Bauer et au survivant Hermann Langbein, qu’a été ouvert le premier procès contre les collaborateurs du camp d’Auschwitz-Birkenau. Avant cela, très peu de gens en Allemagne et ailleurs savaient ce que représentait le nom d’« Auschwitz ».

En l’absence de vainqueurs, la clarification de la vérité en Colombie reste entre les mains des juges de la JEP et des instances du système de transition comme la CEV dont le mandat de trois ans touche à sa fin et dont le rapport final est attendu dans le courant de l’année, ou d’entités étatiques comme le CNMH, chargé, depuis 2011, de contribuer à déterminer et élucider les causes du conflit armé, d’apprendre la vérité et de faire en sorte que de tels faits ne se reproduisent plus à l’avenir.

Le rôle des victimes dans la recherche de la vérité

Le rôle central joué par les victimes est une autre des caractéristiques fondamentales de l’accord de paix final en Colombie. Ceci se doit, en partie, aux enseignements tirés de l’application de la loi « Justice et Paix » (Ley de Justicia y Paz) de 2005, qui a permis la démobilisation des groupes paramilitaires, mais qui, selon les rapports du CNMH, n’a pas accordé aux victimes « de garanties judiciaires ni une place prépondérante dans la construction du système judiciaire ».

Quant à l’association Caminos de Esperanza Madres de la Candelaria, dirigée par Teresita Gaviria, celle-ci a réussi à retrouver 110 des 1.176 personnes disparues figurant dans sa base de données, malgré les intimidations et les atteintes à l’intégrité de ses membres. « Le principal obstacle que nous avons rencontré ont été les menaces », explique Teresita Gaviria. J’ai été maintes fois poursuivie, ils m’ont attrapée, ligotée, et menacée de mort. Un jour ils m’ont jetée dans un étang, les mains liées, sans que je puisse me défendre. Une autre fois, j’ai reçu une boîte à cendres contenant des menaces. Une autre fois encore, deux hommes armés m’ont approchée en m’intimant qu’ils avaient été engagés pour réduire au silence les organisations de Medellin et du reste du pays. » C’est en raison de ces intimidations que, depuis 2007, elle est protégée par des gardes du corps.

« La confrontation est aujourd’hui frontale, car récemment une autre lettre est arrivée, signée des Aigles noirs (Aguilas Negras), qui annonçait une récompense de 30 millions de pesos pour la tête de Mme Teresita. C’est à croire qu’en me la remettant, ils cherchaient à nous réduire au silence, à nous faire renoncer. Ils ne cessent de dresser des obstacles sur ma route, et je les franchis un à un. Rien ne peut m’arrêter dans mon combat car ma douleur est sans borne. »

Le processus de paix avec les FARC a redonné espoir aux femmes. « La seule chose qui nous reste est la JEP, malgré toutes les attaques et les tentatives de réforme dont elle a été la cible. C’est par le biais de ces institutions que notre histoire se fait connaître. Malgré l’âpre douleur qui nous tenaille, nous avons été les premières à parler de réconciliation dans ce pays. Sans vérité, nous sommes perdues, car c’est précisément elle que nous suivons et qui constitue le fil conducteur d’autres processus », insiste Mme Gaviria.

José Alexander Castro est membre du collectif Tejiendo Memoria. Depuis 2006, il demande justice pour les meurtres d’un frère et d’un oncle, exécutés extrajudiciairement par des membres de l’armée après avoir été faussement passés pour des guérilleros de l’ELN. Ils font partie des cas qualifiés en Colombie de « faux positifs ». À plusieurs reprises, il s’est senti observé et surveillé dans ses mouvements. « Après avoir enterré mes proches, des militaires en civil ont commencé à me poursuivre. Je me suis donc vu contraint de quitter mon domicile pendant près de quatre mois. »

Malgré les risques, il insiste sur le fait qu’il ne cessera pas de demander justice. « En Colombie, chercher la vérité, faire mémoire, dignifier l’histoire, la vie et le souvenir des êtres proches est une entreprise par trop dangereuse, mais que nous assumons néanmoins avec responsabilité et courage, et avec toute l’affection que nous portons à leur mémoire. »

Les messages intimidants, les pamphlets, la surveillance de leurs activités et les atteintes à leur vie et à leur intégrité sont les risques les plus visibles auxquels sont aujourd’hui confrontées les personnes qui s’expriment sur des questions telles que la vérité, la mémoire et la justice en Colombie. Toutefois, dans le contexte de l’application des accords de paix avec les FARC, au-delà des défenseurs de la vérité, c’est la vérité elle-même qui est menacée, la vérité en tant que catégorie sociale contestée par différents acteurs qui, dans un scénario post-conflit, cherchent à imposer leurs visions et leurs récits concernant la guerre.

La quête de vérité : un chemin pavé de risques et de difficultés

« Pour bien comprendre les risques et les dangers qui pèsent sur la vérité et la mémoire en Colombie, il convient de rappeler que le processus de paix a suscité dès le départ une forte opposition. Des enjeux comme le plébiscite montrent que nous ne sommes pas d’accord sur les moyens de construire la paix. Vous pouvez, dès lors, comprendre l’opposition que rencontre toute initiative ou institution qui tente de faire avancer le processus », souligne Patricia Nieto, journaliste et directrice de Hacemos Memoria.

Aux différences politiques et idéologiques soulevées par l’accord et sa mise en œuvre vient s’ajouter un deuxième facteur qui entrave la vérité et la mémoire, à savoir la poursuite des affrontements. Le pays s’efforce de faire mémoire et de comprendre ce qui s’est passé alors que le conflit se poursuit. Selon les rapports de la fondation Ideas Para la Paz, sur 13.049 signataires accrédités, il y aurait actuellement environ 1.200 dissidents des FARC en armes, déployés dans l’est et le sud-ouest du pays (dans les départements de Nariño et Cauca principalement). À ceux-ci s’ajoutent des bandes criminelles (Bacrim), comme les Urabeños, les Rastrojos et les Aguilas Negras, qui se disputent les territoires laissés par les FARC et les narcotrafiquants. D’après les renseignements des forces armées, ces groupes sont présents dans 168 des 1.098 municipalités et dans 27 des 32 départements du pays.

« La situation actuelle est paradoxale, car le processus de paix est très intéressant du point de vue de son cadre théorique. Malgré ses imperfections, il s’agit d’un très bon accord. Il comporte des éléments de fond essentiels, comme la place centrale accordée aux victimes et des mécanismes de transition concrets. La situation conflictuelle rend, cependant, très difficile toute avancée dans des processus de transition susceptibles de conduire à la réconciliation », explique Adriana Arboleda, coordinatrice du programme d’aide aux victimes auprès de la Corporación Jurídica Libertad, entité qui, depuis plusieurs décennies, œuvre en défense des victimes de crimes d’État à Medellín et à Antioquia.

Un effet collatéral de l’influence et du contrôle des groupes armés dans les territoires est le fait que les victimes, et ceux qui sont en mesure de faire la lumière sur les vérités du conflit armé, s’abstiennent de parler, comme explique Marta Inés Villa, coordinatrice territoriale de la Commission vérité pour le département d’Antioquia :

« Dans de nombreuses régions du pays, comme le département d’Antioquia, où l’on assiste à une résurgence du conflit armé, les gens craignent de parler, parce qu’il y a une coercition de la population par ces acteurs armés, et des dirigeants sont assassinés. Parler d’événements violents impliquant des personnes investies d’une certaine autorité au niveau des territoires engendre la peur. Le silence découle de cette peur et c’est ce à quoi la Commission s’est trouvée confrontée. »

Ailleurs, le silence est engendré pour préserver d’autres intérêts. « Bien qu’il n’y ait pas une forte présence d’illégalité, des régions comme le sud-ouest et une partie de l’Ouest d’Antioquia [aujourd’hui considérée comme une zone touristique] dénotent une absence patente de reconnaissance des conflits armés qui ont eu lieu à d’autres époques. Cette apparente difficulté à reconnaître des faits survenus dans le passé s’explique par certains intérêts économiques ou touristiques soucieux de ne pas “noircir” leur image ou de préserver la réputation de la ville », indique Marta Villa.

Elle souligne, par ailleurs, des difficultés supplémentaires pour la bonne marche de la Commission ainsi que des obstacles et des risques pour la construction de la vérité : notamment, très souvent, l’incapacité des victimes à identifier les responsables de certains actes, en raison de la nature confuse du conflit, la réticence des tierces parties impliquées à reconnaître leur responsabilité et les difficultés que présentent les institutions étatiques sur le plan de l’accès à l’information.

Prêts à faire face à la vérité ?

Face à un processus de paix qui, dès le début, s’est heurté à des résistances et qui met en présence des dynamiques adverses, telles que l’opposition politique, les silences et les menaces contre la recherche de la vérité, sans parler des difficultés à garantir la sécurité des personnes qui y participent, il est légitime de se demander si le pays est effectivement prêt à faire face à sa vérité.

« Aucun pays qui a vécu ce que la Colombie a vécu ne sera préparé à affronter la vérité, c’est pourquoi il doit y avoir des processus pédagogiques et sociaux qui nous permettent d’approcher ces vérités et de les affronter par la voie du dialogue. Nous devons sortir de l’absolu ou de la notion qu’il n’y a qu’une seule vérité ou qu’une seule mémoire. Et si nous ne sommes pas préparés, alors il nous faudra créer les conditions pour pouvoir être à l’écoute les uns des autres », a déclaré Adriana Arboleda.

Bien que le pays ne soit pas prêt, et qu’aucune société ne le sera sans doute jamais, le moment que vit la Colombie sur le plan de la vérité et de la mémoire ne constitue pas une exception.

Antérieurement aux accords avec les FARC, la plupart des tentatives d’élucidation des violences ont été liées à des périodes de calme relatif, rendant possible une approche basée sur une mise en perspective des faits survenus. Tel a notamment été le cas du rapport classique (et précurseur) sur la période dite de La Violencia, réalisé par Eduardo Umaña et Orlando Fals Borda (1962). Il n’en reste pas moins que de telles initiatives sont généralement intervenues à l’issue de processus de négociation avec des groupes armés.

Les exemples incluent la Commission pour l’étude de la violence, en 1987, fruit du processus de paix avec les FARC à La Uribe (département de Meta), qui a conduit à la transition politique de ce groupe de guérilleros sous le nom d’ « Union patriotique », la Commission pour le dépassement de la violence, en 1991, résultant des négociations de paix avec l’Armée populaire de libération (EPL), le Mouvement armé de Quintin Lame, ou encore la Commission pour l’établissement, la réparation et la sanction des violations graves des droits humains, en 1994.

Parmi les initiatives plus récentes figurent des rapports comme ¡Basta Ya! Colombia (2013), élaboré par le CNMH, et la Commission historique du conflit et ses victimes en Colombie (2012). Cette dernière se composait de douze universitaires qui ont regroupé leurs essais sur l’origine de la violence dans le pays et les ont présentés trois ans plus tard, dans le cadre des négociations de paix avec les FARC à La Havane.

Malgré ces avancées significatives, German Valencia, chercheur à l’Institut d’études politiques de l’Université d’Antioquia, avertit qu’il s’agit d’études académiques et que ce n’est qu’à partir de la Commission de la vérité que l’on commence à inclure, de manière significative et décisive, les victimes et les responsables, ce qui permet d’examiner les faits au travers d’un prisme différent.

« Bien que nous ayons été un peu mieux préparés à la vérité en tant que chercheurs universitaires, ce n’est pas le cas de la société colombienne, dans la mesure où nous découvrons tout juste les rapports et où il existe une grande peur de parler et de discuter. A fortiori parce que les rapports relatifs à d’autres périodes et situations portaient sur des confrontations moindres par rapport à l’ampleur et à la complexité des plus de 50 ans de guerre avec les FARC », ajoute le professeur Valencia.

Indépendamment du fait qu’il s’agisse d’une démarche inédite, l’implication de la société civile dans les processus en cours, tels que la Commission vérité est un pas décisif vers la réconciliation nationale. En attestent les 1.200 témoignages de victimes – et dans une moindre mesure d’auteurs de violences – que la Commission vérité a recueillis au cours de ses deux années de travaux rien qu’à Antioquia. À cela s’ajoutent les plus de 30 rapports soumis à cet organisme par des organisations sociales, des collectifs de défense des droits humains, des syndicats et des universités qui ont osé partager leurs histoires et leurs souvenirs comme autant d’éléments de base en vue de la construction de la vérité.

« Si le processus de paix ne parvient pas à établir la vérité, le risque est que les cycles de confrontation et de haine se renouvellent. En l’absence de vérité et de justice, les gens pourraient facilement se rabattre sur la vengeance. Certains groupes de victimes et d’auteurs pourraient basculer dans la haine et la confrontation. La vérité et la justice font en sorte que les gens sortent de ces cycles et commencent à penser différemment », souligne Patricia Nieto.

Entretemps, des milliers de victimes, dont les membres du collectif Mujeres caminando por la verdad (Femmes en marche pour la vérité) qui, au travers de leur lutte, ont obtenu des décisions récentes comme l’annonce par la JEP de mesures de précaution dans des lieux comme La Escombrera ou le Cementerio Universal à Medellin – soupçonnés de renfermer les restes de victimes de disparitions forcées –, continuent d’attendre la vérité comme un processus qui amorcera le dépassement définitif du conflit.

« Quand la vérité se fait jour, je comprends ce qui est arrivé, pourquoi c’est arrivé et la justice a, au moins, quelqu’un à juger ; et j’ai, pour ma part, quelqu’un à pardonner et avec qui me réconcilier. Grâce à la justice et à la réconciliation, nous aurons de meilleures chances d’obtenir des réparations et nous pourrons tous œuvrer de concert pour empêcher que de tels événements ne se reproduisent », déclare une adhérente du collectif Mujeres caminando por la verdad, qui préfère ne pas révéler son nom pour des raisons de sécurité.

This article has been translated from Spanish.