La Russie doit respecter le droit international. Libérez les 30 de l’Arctique !

 

L’échéance fixée pour le dépôt d’un rapport de progrès qui ordonne la libération d’un navire de Greenpeace et de ses trente membres d’équipage, en vertu d’un arrêt du Tribunal International du Droit de la Mer, s’est jusqu’ici heurtée au silence de la Fédération russe.

À la suite d’une procédure engagée par les Pays-Bas, le Tribunal International du Droit de la Mer (ITLOS) a mis en demeure, le mois dernier, Moscou de rétablir la liberté de navigation de l’Arctic Sunrise, qui bat pavillon néerlandais, et de libérer tous les membres de son équipage. Le gouvernement des Pays-Bas a de son côté déposé une caution de 3,6 millions d’euros sous forme de garantie bancaire.

Lundi, le ministère néerlandais des Affaires étrangères informait l’ITLOS qu’il avait effectué le dépôt de la garantie bancaire, conformément à l’ordonnance du tribunal.

Tous les regards sont désormais rivés vers la Russie et la réponse que celle-ci donnera au tribunal basé à Hambourg.

À ce jour, la Russie a toutefois refusé de participer aux procédures du tribunal, invoquant une clause d’exonération introduite par Moscou en 1997 lors de la ratification de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS).

Aux audiences des 6 et 22 novembre présidées par 21 juges internationaux, les sièges réservés au gouvernement russe sont restés vides.

La Russie déclarerait par la suite, dans sa réponse initiale à l’ordonnance, qu’elle « présenterait ses conclusions après avoir examiné dans le détail l’arrêt du tribunal ».

Qu’elle n’ait pas assisté aux procédures de l’ITLOS n’exonère en rien la Russie de son obligation de se conformer aux sentences du tribunal qui, après un examen approfondi, a rejeté l’argument de réserve invoqué par la Russie.

Les décisions du tribunal sont contraignantes pour toutes les parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer - y compris la Russie.

En refusant de libérer le navire et les 30 de l’Arctique, la Fédération russe enfreint les obligations qui lui incombent en vertu du droit international et de sa propre constitution.

 

Sous la menace des armes

Au mois de septembre, des agents des services de sécurité russes sont montés illégalement à bord de l’Arctic Sunrise, dans les eaux internationales, et ont pris le contrôle du bateau sous la menace des armes. Les membres de l’équipage menaient une action de protestation pacifique à la plate-forme de forage Prirazlomnaya de la société Gazprom pour protester contre l’exploitation pétrolière de la région arctique.

Le navire a ensuite été remorqué jusqu’au port de Mourmansk où 28 activistes de Greenpeace International et deux pigistes ont été inculpés de piraterie, puis de hooliganisme.

Dans leur plaidoirie au tribunal de Hambourg, les Pays-Bas, en tant qu’État du pavillon de l’Arctic Sunrise, ont fait valoir que la Russie n’avait aucun droit d’arraisonner et de détenir le navire et que la détention constitue une atteinte grave au droit de liberté et de sécurité de la personne.

Les experts juridiques internationaux ont globalement admis que les chefs de piraterie étaient irrecevables, tant en vertu du droit international que du droit national russe. Leur position était partagée par les syndicats maritimes, comme l’International Organization of Masters, Mates & Pilots (MM&P) et Nautilus International qui ont chacun exprimé leurs inquiétudes concernant les chefs de piraterie et la détention des 30 de l’Arctique.

S’il est devenu clair que le Comité d’enquête russe n’entend plus poursuivre les chefs de piraterie, les 30 de l’Arctique restent néanmoins inculpés d’hooliganisme et risquent jusqu’à sept années de prison.

D’autre part, malgré leur mise en liberté sous caution par le tribunal de Saint-Pétersbourg, ils ne sont pas autorisés à quitter le pays et attendent que la Russie se conforme à l’ordonnance de l’ITLOS.

Cette affaire est suivie de près par les industries du transport maritime et de la pêche, d’autant plus qu’au plan des répercussions juridiques et politiques, l’éventuel non-respect de l’ordonnance ITLOS par Moscou est susceptible d’ébranler la confiance dans le système de règlement des différends en vertu d’UNCLOS et du droit maritime international.

 

Obligations

Par le passé, les procédures de l’ITLOS et de la Cour internationale de justice ont suscité une participation active de la Russie.

En 2002, la Russie a eu recours à l’ITLOS pour obtenir la levée immédiate de l’immobilisation d’un de ses navires (le Volga) qui était détenu par l’Australie.

Si la Russie ignore l’arrêt du Tribunal international ordonnant le rétablissement de la liberté de navigation de l’Arctic Sunrise, qu’arrivera-t-il à l’avenir si la Russie entend recourir à l’ITLOS pour intenter des procédures contre d’autres États?

Tout système international efficace de règlement des disputes suppose que les parties qui y ont souscrit respectent ses décisions.

Donald Rothwell, professeur en droit international à l’Australian National University, l’a d’ailleurs bien résumé dans un éditorial paru récemment sur le site internet d’ABC d’Australie :

« La Russie ne peut… décider quand elle veut et ne veut pas respecter le droit de la mer. En tant que citoyenne internationale de premier plan, elle a clairement pour obligation de respecter l’arrêt du tribunal, de libérer l’Arctic Sunrise et son équipage et de les autoriser à quitter la Russie. »

Chez Greenpeace, nous gardons espoir qu’après mûre délibération, la Russie se résoudra à pleinement respecter l’arrêt du tribunal en procédant le plus promptement possible à la libération de l’Arctic Sunrise et des 30 de l’Arctique.