La suppression du droit de grève ferait de nous des esclaves

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Le droit de grève compte parmi les droits les plus précieux et fondamentaux de tous.

Il constitue un ultime recours essentiel lorsqu’un employeur refuse de négocier des salaires et des conditions de travail dignes ou quand les travailleurs sont exposés à un risque d’accident, de maladie ou de mort au travail.

Les grèves se sont, par ailleurs, trouvées à la base d’un grand nombre de révolutions qui ont renversé des dictatures et ouvert la voie à la démocratie.

Le droit des travailleurs d’entreprendre une action de grève est reconnu dans pratiquement tous les pays du monde. Ce droit est même consacré par la constitution nationale de quelque 90 pays.

Le Sondage d’opinion mondial 2014 de la CSI montre que le soutien public suscité par le droit de grève place celui-ci pratiquement hors-concours.

Si des restrictions inacceptables existent dans beaucoup de pays, ce droit est largement reconnu en tant que droit fondamental à travers le monde, tant dans la loi que dans la pratique.

Seule une poignée de pays interdisent totalement aux travailleurs de se mettre en grève – la dictature hermétique de la Corée du Nord, bien entendu, et les pays qui appliquent le système tristement célèbre de visa par parrainage ou « kafala », à savoir les pays du Golfe persique, dont les Émirats arabes, le Qatar et l’Arabie Saoudite.

La kafala accorde à l’employeur un pouvoir quasi-absolu sur les employés.

Ce système subjugue des millions de travailleurs migrants issus majoritairement de pays plus pauvres. Ils ne peuvent changer d’emploi sans l’autorisation préalable de leur employeur et ne peuvent quitter le pays sans un visa de sortie signé par leur employeur. Par ailleurs, les syndicats et les grèves sont frappés d’une interdiction totale.

Ce qui laisse les travailleurs dépourvus de tout recours et ouvre la porte à l’exploitation la plus cruelle.

Salaires de famine, niveaux alarmants de morts et blessés au travail et traitements abusifs par les superviseurs et les gérants sont la réalité quotidienne pour une vaste majorité de travailleurs ; les ouvriers engagés dans la construction de l’infrastructure de la Coupe du monde 2022 au Qatar et tous les autres emplois générateurs de la richesse faramineuse détenue par une poignée de familles au pouvoir.

La vie sans droit de grève, la vie sans syndicats est pour eux une vie sans espoir.

On est loin de la réalité vécue par la majorité des travailleurs dans le monde, même si dans bien d’autres endroits, les droits fondamentaux des travailleurs ne sont pas toujours respectés, loin s’en faut.

Il y a de nombreux exemples d’employeurs qui respectent le droit de leurs employés de s’organiser en syndicats et de faire grève.

C’est notamment le cas de Carsten Spohr, PDG de Lufthansa, qui lors d’une récente grève des pilotes a défendu le droit de ses employés de recourir à l’action collective malgré les moqueries du patron de Qatar Airways, Akhbar Al-bakera,

 

De la frange vers le centre

Il y en a d’autres, cependant, qui veulent éliminer le droit de grève en tant que partie intégrante fondamentale du cadre juridique international.

La partie du patronat mondial qui naguère occupait une frange radicale de l’idéologie d’extrême-droite est désormais passée en première ligne et au centre.

Alors que l’Organisation internationale du travail (OIT) et son panel international d’experts composé de juges et d’académiciens reconnait depuis des décennies le droit de grève comme un droit fermement ancré dans le droit international, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) cherche à présent à changer les règles en remettant en cause des principes juridiques établis de longue date et en entravant le bon fonctionnement de la Commission d’application des normes de la Conférence internationale annuelle de l’OIT.

Pour d’aucuns, les rouages internes de l’OIT pourraient sembler bien éloignés de leurs préoccupations quotidiennes – difficile d’imaginer une conversation à ce sujet autour du petit-déjeuner.

Ce n’est pourtant pas qu’une simple manœuvre juridique à laquelle se livre l’OIE.

Son objectif est d’affaiblir l’OIT et de déconstruire, un à un, les acquis arrachés de dures luttes par les travailleurs, en remettant le monde du travail sur une trajectoire qui mène vers une destinée profondément inhospitalière.

Au bout de cette route se trouve la kafala pour tous. Lorsque les gens sont spoliés de leur droit de grève, ils se retrouvent dans une situation qui s’apparente à de l’esclavage, étant totalement tributaires des décisions de leurs patrons et dépourvus de tout moyen de défense.

En novembre, un choix difficile se posera aux gouvernements, aux employeurs et aux travailleurs représentés à l’OIT – celui de solliciter ou non un avis définitif de la Cour internationale de justice (CIJ) sur la présence du droit de grève dans le Droit international.

Nous, travailleurs, entendons régler cette question en faisant appel aux conseils de la Cour et comptons sur les gouvernements pour résister à la belligérance des employeurs et à se rallier à notre lutte pour la justice.

Dans mon pays, la Suède, le peuple a choisi de rompre sa liaison avec la doctrine conservatrice et tourne ses espoirs vers un avenir progressiste sous un nouveau gouvernement.

Un gouvernement qui se préoccupe pour le peuple et ses droits et qui défende un monde plus équitable et plus juste.

On ne peut laisser la Suède poursuivre ce chemin toute seule ; nous appelons tous les autres à nous rejoindre sur la route vers un avenir plus équitable et plus juste.

Un avenir où personne ne sera forcé de travailler contre son gré.

 

Cet article a été traduit de l'anglais.