La Thaïlande progresse dans sa lutte contre le sida mais la stigmatisation persiste

La Thaïlande progresse dans sa lutte contre le sida mais la stigmatisation persiste

Some of the patients have been living in the Phra Baht Nam Phu temple for years and are very debilitated by the disease. Around 10,000 people have taken their last breath at the centre since it began receiving patients at the beginning of the 1990s.

(Antolín Avezuela)
News

Pon a vu le monde autour de lui basculer quand, lors d’une visite de routine chez son médecin traitant, il y a huit ans, celui-ci l’a informé qu’il était porteur du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et qu’il était atteint du sida. Bouleversé par la nouvelle, il décida d’abandonner son domicile à l’insu de ses proches. Depuis lors, il vit à Phra Bat Nam Pu, un monastère situé à environ 150 kilomètres de Bangkok, où un hospice a été aménagé pour accueillir les malades du sida.

« Ma famille ne sais pas où je suis, ni que j’ai le sida. J’ai divorcé de mon épouse et je suis parti », confie Pon dans un entretien avec Equal Times.

La stigmatisation associée à cette maladie mortelle reste très prononcée en Thaïlande et pousse un grand nombre de malades à entreprendre, de leur propre initiative, le voyage de n’importe quel point du pays jusqu’au monastère. Dans d’autres cas, des patients sont tout simplement abandonnés dans cet endroit par leurs proches.

« J’allais de temps à autre rendre visite aux malades à l’hôpital et en 1991, certains d’entre eux ont commencé à venir me voir ici ; c’était une alternative pour eux », affirme le docteur Alongkot Dikkapanya, moine à la tête de ce projet qui assiste aujourd’hui plus de 1500 malades, parmi eux des hommes et des femmes, mais aussi des enfants dont une majorité sont orphelins.

L’unité des soins intensifs du centre traite à l’heure actuelle 141 patients. Quand leur état de santé s’améliore, les patients peuvent, s’ils le souhaitent, s’installer dans des bungalows spécialement aménagés au sein du monastère où les employés, ainsi que les moines bénévoles, continuent à s’occuper d’eux.

La réponse de la Thaïlande face au sida a été largement applaudie comme l’une des plus grandes réussites au niveau international. Le nombre de nouveaux cas d’infection au VIH dans le pays est passé de 24.000 en 2001 à 6900 en 2015.

Le cas de la Thaïlande est d’autant plus significatif qu’elle fut parmi les premiers pays du monde, avec l’Afrique du Sud et le Cameroun, à introduire des traitements antirétroviraux gratuits contre le VIH. Le traitement antirétroviral (mieux connu sous son acronyme TAR) aide les personnes séropositives à vivre une vie plus longue et saine.

Une stigmatisation qui fait de nouvelles victimes

Mais malgré les progrès, les personnes diagnostiquées avec le sida en Thaïlande continuent d’être privées des possibilités d’emploi dont elles ont besoin pour pouvoir mener une vie normale et sont généralement ostracisées par leur entourage immédiat.

La société thaïlandaise est empreinte d’une perception négative du virus, de la maladie et des porteurs et malades, rendant d’autant plus difficile l’éradication du VIH dès lors que le virus est associé au commerce sexuel et à la consommation de drogues, des activités illégales qui, en Thaïlande comme ailleurs, sont vues d’un mauvais œil.

« Ce sont des attitudes qui mettront longtemps à changer », explique à Equal Times Tatiana Shoumilin, directrice du projet ONUsida en Thaïlande.

C’est comme un serpent qui se mord la queue car ce qui arrive généralement – et découle d’une telle perception – c’est que les personnes séropositives ont peur d’être confrontées à une preuve médicale de leur infection et donc tardent à entrer dans le système de santé et, par conséquent, leur traitement antirétroviral est, lui aussi, retardé.

De tels retards peuvent entraîner des conséquences extrêmement graves ; Quand une personne infectée au VIH prend des antirétroviraux, le risque de contracter la maladie du sida (phase finale et avancée de l’infection chronique par le VIH) diminue considérablement.

La majorité des malades qui vivent dans le monastère ont été abandonnées par leurs proches.

« Lorsque de nouveaux patients arrivent [dans le centre], nous leur faisons remplir un formulaire où ils doivent indiquer à l’aide d’une croix ce qu’ils veulent qu’on fasse de leur corps à leur mort, parce que les familles ne viennent pas les retirer », explique à Equal Times Thong, nom d’emprunt d’un des travailleurs du centre qui préfère conserver l’anonymat.

Parmi les options, il y a celle qui consiste à momifier les cadavres pour ensuite les exposer dans une salle à quelques pas de la clinique, une initiative imaginée par les victimes elles-mêmes comme une façon de conscientiser la population à la nature létale de la maladie.

« Quand c’est sur nous que retombe la décision de disposer des corps, nous les incinérons », indique Thong.

Le temple des malades du sida

Une visite au monastère de Phra Bat Nam Pu n’est pas conseillée aux âmes sensibles. Certains patients y vivent depuis des années et sont extrêmement affaiblis par la maladie ; ils n’arrivent plus à s’alimenter, ni à aller aux toilettes ou à changer leurs propres couches. D’autres gisent à moitié nus et recouverts de talc de la tête aux pieds, en guise de protection contre la chaleur tropicale ; ils n’ont même plus la force de recouvrir leur corps qu’ils reconnaissent à peine. Et tout ça dans la solitude la plus complète.

Rachen, un ex-héroïnomane qui vit au monastère a été expulsé par sa communauté après s’être fait infecter au VIH en partageant une aiguille avec un autre toxicomane. Cependant, les rapports sexuels sans protection restent l’une des causes les plus communes d’infection au VIH (et un facteur de contagion rapide).

Pon a contracté le sida en entretenant des relations sexuelles avec une prostituée.
Alia nous offre une histoire similaire mais sous un autre angle ; elle fut infectée par son mari avant d’être abandonnée dans le monastère.

« [Depuis que je suis arrivée au monastère] personne [dans ma famille] ne s’occupe de moi », confie-t-elle à Equal Times.

Près de 10.000 personnes ont rendu leur dernier souffle dans ce centre depuis que celui-ci a ouvert ses portes aux patients, au début des années 1990.

D’après les estimations de l’ONUsida en 2015, approximativement 440.000 personnes vivent avec le virus VIH en Thaïlande (180.000 femmes, 250.000 hommes – de plus de 15 ans – et 4100 enfants, de 0 à 14 ans), sur une population de 67 millions d’habitants.

En Thaïlande, les personnes infectées par le VIH ont accès aux médicaments sans devoir payer les frais hospitaliers prohibitifs. D’autre part, en juin 2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé que la Thaïlande était devenue le premier pays d’Asie à avoir éradiqué la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Son élimination se définit comme une réduction de la transmission à un niveau tellement bas qu’elle a cessé de constituer un problème de santé publique.

Le message du docteur Poonam Khetrapal Singh, directeur de l’OMS pour l’Asie du Sud-Est, est optimiste : « La Thaïlande a prouvé au monde que le VIH peut être vaincu », a-t-elle déclaré récemment dans un communiqué. Pour cela, a-t-elle affirmé, « il est crucial que personne ne soit exclu à l’heure d’éradiquer une épidémie qui a coûté des milliers de vies humaines ».

This article has been translated from Spanish.