Le début du mandat de Jair Bolsonaro menace l’engagement du Brésil à l’égard de l’Agenda 2030

Le gouvernement de Jair Bolsonaro, démocratiquement élu en 2018, est en proie à une crise interne après quatre mois de mandat et fait l’objet d’un rejet sans précédent suite à une série de mesures polémiques.

Avec son équipe disparate d’économistes, de technocrates et d’idéologues ultralibéraux, en plus des militaires et des évangélistes, il est encore difficile de savoir quelle direction suivra ce gouvernement. En revanche, en ce qui concerne les droits humains et le développement durable, il semble tout à fait évident que les mesures adoptées jusqu’à présent compromettent l’engagement pris par le Brésil à l’égard des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies.

Pendant la campagne présidentielle, Jair Bolsonaro a affirmé que, s’il était élu, le Brésil sortirait du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies car, selon lui, cela ne servait à rien. Bien qu’il soit revenu sur ses propos par la suite, la position du candidat à la présidentielle qu’il était alors révélait déjà son manque d’engagement vis-à-vis du multilatéralisme.

Des faits concrets n’ont d’ailleurs pas tardé à apparaître : dès le huitième jour du mandat exécutif de Jair Bolsonaro, le Brésil a signalé son retrait du Pacte mondial sur les migrations, invoquant que, étant un pays souverain, il lui appartenait d’accepter ou de refuser l’entrée de migrants.

D’après le président lui-même, ce Pacte avait été adopté par des « tiers », comme si le Brésil n’avait pas participé aux débats. Négocié depuis 2017 en réponse à la crise mondiale de la migration, le Pacte mondial a été approuvé en décembre 2018 par plus de 160 pays lors de la Conférence intergouvernementale des Nations Unies, à Marrakech.

Prenant ses distances par rapport au travail diplomatique effectué par les gouvernements de Lula et de Dilma Rousseff, aussi bien au niveau régional que mondial, le nouveau gouvernement promet un nettoyage idéologique des relations internationales. Si les deux premiers responsables politiques ont contribué à renforcer les échnages avec les pays de l’hémisphère sud et s’ils ont gagné le respect des États-Unis et de l’Union européenne; Jair Bolsonaro a choisi dès ses premières visites internationales, notamment en Argentine, aux États-Unis et, plus récemment, au Chili et en Israël, de suivre un programme servile et d’adopter une attitude de subordination envers ces partenaires.

Le développement relégué au deuxième plan

Les mesures prises par ce gouvernement, au cours de ses premiers mois d’existence, laissent déjà entrevoir quatre ans de désengagement vis-à-vis des textes en faveur du développement durable au niveau mondial, dont le Brésil est signataire. Par ailleurs, compte tenu des indicateurs actuels, le pays n’atteindra sans doute aucun des 17 objectifs de développement durable, ce qui contraste fortement avec les avancées enregistrées il y a quelques années à peine, lorsque le Brésil était le premier pays du monde à atteindre des objectifs d’éradication de la faim et de l’extrême pauvreté.

Selon l’étude intitulée Synthèse des indicateurs sociaux, une analyse des conditions de vie de la population brésilienne, publiée en décembre 2018 par l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), en une année, le Brésil a vu augmenter de presque deux millions le nombre de personnes vivant en situation de pauvreté.

Les indicateurs montrent que le Brésil comptait 52,8 millions de personnes en situation de pauvreté en 2016. Ce chiffre est passé à 54,8 millions en 2017, soit une hausse de près de 4 %, ce qui représente 26,5 % de la population totale du Brésil, estimée à 207 millions.

En outre, il ne faut pas oublier que l’approbation de l’amendement constitutionnel 95 de décembre 2016 – qui plafonne pour 20 ans le budget public fédéral, dont les dépenses sociales telles que la santé et l’éducation – et la Loi 13.467 de juillet 2017 – instituant la réforme du travail la plus régressive de l’histoire du pays, sous la présidence de Michel Temer –, peuvent être considérées comme les mesures les plus graves que le Brésil avait déjà commencé à adopter, car elles allaient déjà à l’encontre des promesses de combattre la pauvreté et les inégalités et de garantir le travail décent pour l’ensemble des travailleurs.

Désormais, la réforme de la protection sociale tant attendue et demandée par le milieux des affaires, tentée par Michel Temer et promise par Jair Bolsonaro pendant la campagne électorale, a été présentée le 20 février 2019 au Congrès national. Pour les organisations de travailleurs, les propositions constituent une menace directe en tout point pour la réalisation de l’Agenda 2030. Pour quelles raisons ? Parce que, entre autres changements, elles visent à réduire les prestations versées aux retraités les plus pauvres, à augmenter l’âge minimum de travail de départ à la retraite (de 60 à 62 ans) et à accroître le nombre d’années de cotisation des travailleurs avant de pouvoir prétendre à la totalité de leur pension de retraite.

Il est également question de changer le modèle brésilien actuel de protection sociale, aujourd’hui solidaire et universel et reposant sur la « répartition simple », composée des cotisations des travailleurs en activité, des employeurs et de l’État. Pour sa part, l’équipe d’économistes de Jair Bolsonaro plaide en faveur du régime de capitalisation de la protection, dans le cadre duquel le travailleur doit constituer sa propre épargne à titre individuel, qu’il utilisera lorsqu’il prendra sa retraite. Ce modèle existe actuellement au Chili, où l’on constate que les travailleurs cotisent davantage mais sans avoir de garantie au moment de la retraite.

Obéissant aux préceptes néolibéraux, la réforme de la protection sociale actuellement en cours de discussion au Brésil pourrait porter préjudice aux principes de la sécurité sociale, caractérisés par des actions et des politiques sociales qui cherchent à bâtir une société plus juste et plus égalitaire, et à garantir la répartition des revenus.

Jair Bolsonaro, poursuivant le travail de sape contre les droits du travail commencé par Michel Temer, a aussi supprimé le ministère du Travail, qui a désormais seulement un statut de secrétariat au sein du « superministère de l’Économie » ainsi nommé, sous l’égide du néolibéral Paulo Guedes.

Environnement menacé ; conservatisme et religiosité

En ce qui concerne la protection de l’environnement et les mesures contre le réchauffement climatique, le gouvernement de Jair Bolsonaro n’a pas non plus agi de manière positive. La paralysie de la démarcation des terres indigènes et le fait que la responsabilité de cette démarcation territoriale jusqu’alors confiée à la Fondation nationale chargée des affaires indiennes (Funai) passe sous la coupe du ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Approvisionnement, au moyen d’une mesure provisoire (870/2019), ont choqué les organisations écologistes et les groupes de défense des droits humains du Brésil.

L’absence d’engagement face au changement climatique est également visible sur le plan international : Jair Bolsonaro a menacé de quitter l’Accord de Paris sur le climat et il a refusé que le Brésil accueille, comme convenu, la Conférence sur le climat des Nations Unies (COP25) à la fin de l’année.

La lutte contre la corruption et la violence, qui a occupé une place importante lors de la campagne électorale de Jair Bolsonaro, demeure effectivement parmi les principales préoccupations de son début de mandat. En dépit des buts figurant dans l’Objectif 16 de l’Agenda 2030 pour le développement durable sur la paix, la justice et les institutions efficaces, Jair Bolsonaro a signé le 15 janvier un décret qui facilite la possession d’armes à feu au Brésil.

Le ministre de la Justice du président Bolsonaro, l’ancien juge Sérgio Moro, a présenté un train de mesures connu sous le nom de « Paquet Anticrime », qui propose des modifications législatives destinées à combattre la corruption et les organisations criminelles, un projet vivement critiqué par les organisations de défense des droits humains.

Un autre aspect préoccupant de ce gouvernement réside dans son conservatisme et son moralisme religieux, qui s’insinuent dans les politiques d’inclusion et de droits humains. Le ministère des droits des femmes, de la Famille et des Droits humains a été attribué à Damares Alves, pasteure réputée pour son combat contre ce que les conservateurs appellent « l’idéologie de genre » (mesures relatives à l’homophobie, entre autres) et contre le féminisme politique. Par ailleurs, Damares Alves est l’une des deux seules femmes de l’équipe de 22 ministres de Jair Bolsonaro, qui s’illustre de son côté par de nombreuses poursuites pour manque de respect et menaces contre des femmes.

This article has been translated from Spanish.