Le droit à la terre des femmes est le fondement d’un avenir meilleur

Le droit à la terre des femmes est le fondement d'un avenir meilleur

La sécurité des droits fonciers des femmes et des filles est liée à l’augmentation des capacités de leadership et d’autonomie des femmes, à l’amélioration des opportunités économiques, à une meilleure sécurité sociale, à la sûreté et à une position sociétale plus digne.

(ILC/Jason Taylor)

La sécurité des droits fonciers des femmes et des filles est liée à l’augmentation des capacités de leadership et d’autonomie des femmes, à l’amélioration des opportunités économiques, à une meilleure sécurité sociale, à la sûreté et à une position sociétale plus digne. Cela contribue à créer des ménages et des communautés prospères et résilientes, avec de meilleurs revenus, une meilleure nutrition des enfants, de meilleurs résultats éducatifs pour les filles, un renforcement du pouvoir de décision des femmes et une utilisation plus durable des ressources naturelles.

Toutefois, dans de nombreux pays d’Asie, l’accès à la terre des femmes et leur pouvoir de décision sur celle-ci, en termes de propriété, d’utilisation et de sécurité des droits fonciers, sont limités et souvent entravés par les normes sociales existantes et les attitudes patriarcales. Cette situation est encore aggravée par des instruments politiques et des cadres juridiques restrictifs et/ou une faible application de la loi aux niveaux local et national.

L’intersection des identités des femmes — autochtones, jeunes, rurales et pauvres en milieu urbain, notamment — définit l’importance de leur accès à la terre et aux ressources naturelles. Les femmes autochtones, par exemple, s’appuient sur les connaissances traditionnelles transmises de génération en génération pour assurer leur vie quotidienne. Ces connaissances leur permettent également de conserver leurs terres et territoires ainsi que leur culture.

Le contexte des droits fonciers des femmes en Asie du Sud

Le Bangladesh, le Népal et l’Inde sont trois zones géographiques qui illustrent de manière exemplaire les inégalités climatiques et foncières. Selon une étude de la Coalition internationale pour l’accès à la terre (ILC), l’Asie du Sud et l’Amérique latine présentent les niveaux les plus élevés d’inégalité en matière de terres agricoles : les 10 % de propriétaires fonciers les plus importants accaparent jusqu’à 75 % des terres agricoles, tandis qu’au bas de l’échelle, les 50 % les plus pauvres n’en possèdent que moins de 2 %.

Au Bangladesh, par exemple, des lois successorales strictes basées sur des lois personnelles fondées sur la religion empêchent les femmes de posséder des terres et des biens. Les femmes célibataires, divorcées ou chefs de famille sont également privées d’héritage et, de surcroît, les ménages ont fortement tendance à ne pas inscrire le nom des femmes sur les titres de propriété foncière.

Le changement climatique a également affecté la vie des communautés vivant dans les zones côtières telles que les Sundarbans, une vaste forêt de mangroves qui s’étend sur environ 10.000 kilomètres carrés dans certaines parties du Bangladesh et de l’État indien du Bengale occidental. Les conditions météorologiques extrêmes et la montée du niveau de la mer ont un effet suffocant sur les terres agricoles des Sundarbans, ce qui rend les agricultrices plus vulnérables aux mauvaises récoltes et aux catastrophes naturelles.

En Inde, la propriété foncière est fortement biaisée en faveur des hommes, les femmes représentant à peine 14 % de l’ensemble des propriétaires fonciers du pays.

L’absence de droit de propriété et d’accès aux ressources naturelles légaux contribue à la vulnérabilité des femmes face au changement climatique, par exemple en leur rendant plus difficile l’accès aux compensations gouvernementales et aux mesures d’aide en cas de mauvaises récoltes.

Le Népal a adopté des réformes juridiques qui permettent aux femmes et aux filles de jouir des mêmes chances que les hommes d’être propriétaires ou héritières de terres. La Constitution de 2015 a notamment introduit l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe ainsi que l’égalité des droits de propriété et d’héritage pour les femmes et les hommes. Malgré ces politiques progressistes, les femmes et les jeunes des zones rurales sont socialement désavantagés. Cette marginalisation se manifeste sous de multiples formes, notamment en fonction de la caste, de la classe et de la culture, ce qui fait que les femmes se sentent moins en sécurité que les hommes en ce qui concerne la sécurité de leurs droits fonciers.

Il existe un large fossé entre les politiques et les pratiques en raison de la nécessité d’une application plus efficace de la loi. Le régime de propriété foncière conjointe est en cours d’intégration dans les politiques et pratiques courantes qui obligent le gouvernement à délivrer des certificats fonciers au nom des deux époux et à fournir des terres aux communautés sans terre, y compris les Dalits et les colons informels.

L’impact du changement climatique frappe durement les communautés de ces trois pays et ce sont les femmes qui en font principalement les frais. Alors qu’elles s’occupent de leur famille, les femmes doivent souvent accomplir le travail physique consistant à aller chercher de l’eau et d’autres ressources à des sources éloignées, à travailler sur leur ferme pendant de longues périodes et, d’une manière générale, à redoubler d’efforts pour maintenir leur revenu. De plus, dans ces trois pays, l’agriculture repose essentiellement sur les eaux de pluie, ce qui la rend vulnérable aux conditions météorologiques extrêmes et à l’imprévisibilité des précipitations.

Pourquoi les gouvernements se doivent de parler des droits fonciers des femmes

Les femmes doivent être mieux formées aux droits fonciers et aux possibilités qu’offre la jouissance de ces droits. Les femmes issues de communautés marginalisées participent rarement à l’élaboration des politiques au niveau local ou national. Elles ont rarement accès aux services des bureaux fonciers locaux, ce qui contribue à leur faible niveau de connaissances en matière de droit foncier.

Les initiatives prises par la société civile ou les organisations à but non lucratif en vue de sensibiliser les femmes aux droits fonciers restent un premier pas vers un plaidoyer politique efficace. En développant la confiance en soi et les compétences en communication des femmes, on peut renforcer leurs capacités de leadership et amplifier leur voix, en particulier lorsqu’elles doivent s’adresser à des fonctionnaires locaux tels que les bureaux d’administration foncière, les bureaux d’aide sociale agricole, etc.

La 67e session de la Commission de la condition de la femme (CSW67), qui se tient à New York du 6 au 17 mars, et la Journée internationale de la femme, qui a eu lieu le 8 mars, sont l’occasion pour les gouvernements de faire avancer leurs engagements en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural.

Le vide laissé par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) en ce qui concerne la garantie des droits des femmes et des filles autochtones, y compris le droit à la terre et au territoire, a été comblé par la recommandation générale 39 récemment approuvée.

Ce nouvel instrument sert de ligne directrice aux gouvernements pour l’adoption de mesures législatives et de politiques conformes aux engagements qu’ils ont pris de lutter contre toute forme de discrimination à l’encontre des femmes et des filles autochtones. La CSW67 devrait offrir un espace sécurisé aux représentants des communautés afin qu’ils puissent exprimer leurs aspirations et bénéficier d’une participation significative dans les processus de prise de décision.

De même, au début du mois d’avril 2023, les membres de l’ILC au Népal, au Bangladesh et en Inde co-organiseront un dialogue de politique régional qui se concentrera sur les droits fonciers des femmes et leur pertinence dans le renforcement de la capacité des communautés locales à s’adapter au changement climatique. L’événement est organisé conjointement avec le ministère népalais de la Gestion foncière, des Coopératives et de la Lutte contre la pauvreté et soutenu par l’Institut de l’environnement de Stockholm (SEI).

L’événement vise à catalyser et à stimuler le dialogue entre la société civile, les organismes gouvernementaux et les personnes les plus touchées par le changement climatique et une faible sécurité des droits fonciers, afin de créer une participation qui a du sens pour la recherche de solutions climatiques partant du terrain.

Face à l’aggravation de la crise climatique, il est grand temps que les acteurs régionaux et, surtout, les gouvernements prennent conscience des avantages qu’il y a à ce que les femmes possèdent des terres et qu’ils reconnaissent leur rôle d’agricultrices et de productrices, ainsi que leur contribution à leur famille et à leur communauté.

Cet article a été traduit de l'anglais.