Le secteur portuaire espagnol gagne sa bataille contre le gouvernement, mais la lutte continue

Le secteur portuaire espagnol gagne sa bataille contre le gouvernement, mais la lutte continue

Employers and unions have agreed to find a way to save the 6,150 jobs in the country’s port sector in return for a pay cut of 10 per cent, together with other consensus-based measures.

(EC-Audiovisual Service)

Les dockers et les entreprises portuaires espagnols sont parvenus à un accord de principe qui écarte provisoirement la grève, et ce en dépit de l’attitude inflexible du gouvernement qui a eu recours à un décret-loi pour tenter de balayer les conditions de travail favorables dont bénéficient les travailleurs du secteur.

Malgré l’intransigeance de l’exécutif espagnol, qui a refusé toute négociation avec les interlocuteurs sociaux avant d’imposer unilatéralement un décret-loi qui régirait dorénavant le fonctionnement du secteur, les employeurs et les syndicats ont approuvé un plan pour le maintien de 6150 postes dans tout le pays, en échange d’une réduction salariale de 10%, entre autres dispositions approuvées par consensus.

L’entente a résulté dans la suspension de cinq des huit jours de grève prévus depuis le 24 mai, quand bien même l’appel aux arrêts de travail des 5, 7 et 9 juin prochains se maintient en attendant la conclusion possible d’un accord définitif entre les deux parties à l’issue de leur prochaine réunion, le jeudi 1er juin.

L’avenir du secteur plongé dans l’incertitude depuis 2014

L’origine du conflit est à trouver dans le cadre de réformes prônées par la Commission européenne (CE) visant à uniformiser la libéralisation du secteur portuaire à l’intérieur de l’espace communautaire.

Les dockers d’Espagne et de Belgique étaient régis en vertu d’un régime spécial, assorti de conditions d’emploi, d’embauche, de formation et de sécurité déterminées par les travailleurs portuaires eux-mêmes. Le système était consolidé au niveau des deux pays, cependant la CE a traduit ces derniers devant la Cour de justice de l’Union européenne, qui a ordonné sa révocation au motif qu’il contrevenait à la liberté d’entreprise.

Concrètement, dans un arrêt daté du 11 décembre 2014, le Luxembourg a ordonné la suppression de l’obligation en place en Espagne pour toute entreprise du secteur souhaitant accéder au marché espagnol de s’inscrire auprès d’une Société anonyme de gestion des manutentionnaires portuaires (SAGEP), de participer au capital de cette dernière et d’embaucher un nombre minimum de travailleurs fournis par elle.

Confrontés à une situation similaire en Belgique, le gouvernement, les employeurs et les syndicats sont parvenus à un compromis afin de mener à bien cette transition en garantissant en toute normalité la subrogation des employés existants.

Nonobstant, en Espagne, le gouvernement conservateur du Partido Popular (PP) a agi unilatéralement en essayant de légiférer avec une attitude que divers syndicats internationaux du transport ont décrit comme « autoritaire », « dépassant l’impensable », « contraire au bon sens, et potentiellement aussi contraire au droit international », et même comme une « trahison » des intérêts propres de l’industrie portuaire espagnole.

Vers le milieu de 2015, les syndicats ont proposé un plan d’action pour se conformer aux critères de Luxembourg. Ce plan a, toutefois, été rejeté par le gouvernement, qui a prolongé le problème jusqu’à la soumission, en février dernier, sans consultations préalables, d’un décret-loi qui poussait de fait à la suppression des SAGEP ainsi que de tous les postes de travail existants (de manière à ce que les entreprises embauchent librement et sous de nouvelles conditions d’emploi).

Cette première tentative fut freinée par le parlement, cependant le PP a négocié avec d’autres partis pour obtenir des soutiens en faveur d’une seconde version qui, elle, fut bien approuvée le 18 mai dernier. À présent, la loi laisse à tout le moins une marge permettant aux employeurs et aux travailleurs de convenir volontairement, s’ils le souhaitent, de la subrogation des postes de travail existants, ainsi que de la participation des deux parties dans des Centres d’emploi portuaire (CEP) qui, bien qu’ils ne soient pas obligatoires, assureront néanmoins une continuité aux fonctions des SAGEP de chaque port.

Les CEP seront donc créés pour faciliter l’embauche et la formation de nouveaux professionnels sous des conditions sûres. Tous les membres actuels de l’Asociación Nacional de Empresas Estibadoras y Consignatarias de Buques (Anesco) se sont déclarés disposés à participer à leur capital, comme ils le faisaient déjà au sein des SAGEP. L’association des employeurs n’a pas souhaité faire de commentaire pour cet article.

En Espagne, « la proposition initiale du gouvernement visait à ce que tous les travailleurs se retrouvent au chômage et que les entreprises puissent engager qui elles veulent, sous les conditions qu’elles veulent, sans la moindre garantie de sécurité dans leur formation ni le moindre respect à l’égard des conventions de branche », a expliqué à Equal Times Miguel Rodríguez, responsable de communication et porte-parole de la Coordinadora Estatal de Trabajadores del Mar (CETM), qui regroupe les syndicats de dockers du pays.

En revanche, signale-t-il, « en Belgique le gouvernement a négocié d’entrée de jeu et, bien entendu, l’enregistrement des dockers et la subrogation de l’ensemble du personnel a été garanti de la part des entreprises et des formules ont été élaborées pour que la formation des travailleurs soit assortie de garanties de qualité, de sécurité et de productivité », précisément ce que les employeurs et les syndicats tentent à l’heure actuelle de garantir par leurs propres moyens, en marge de l’exécutif et dans l’espace que leur laisse le nouveau décret-loi.

Qui plus est, ils sont parvenus à un accord de principe sur un « thème très important pour nous et, je pense aussi pour le reste des travailleurs espagnols, à savoir que les conventions de branche aient le même poids que les conventions d’entreprise », créant par-là même un précédent puisque depuis la réforme du travail de 2012 en Espagne, la priorité était accordée à ces dernières.

« Privilèges » ou droits acquis ?

« Nous aurions souhaité que tout ceci fût inscrit dans la loi, mais ils nous ont imposé comme condition qu’il y ait un pacte entre les entreprises et les travailleurs », regrette Rodríguez, qui salue néanmoins la volonté d’une entente scellée la semaine dernière avec l’Anesco pour garantir la subrogation à 100% des employés existants, au lieu de seulement 75%, tel que le prévoyait la version du décret-loi qui a finalement été votée.

De cette manière, en dépit du fait qu’ils n’ont pu participer à l’élaboration de la loi, les syndicats négocient ces jours-ci la forme définitive d’un accord avec l’association patronale qui garantisse « la subrogation, la formation et la réglementation des CEP, mais cette fois sur notre terrain, selon nos règles du jeu, à savoir : La négociation avec les entreprises », a-t-il affirmé. « Nous parviendrons sans l’ombre d’un doute à un accord, nous y parvenons toujours ».

Ceci met fin aussi à la campagne de discrédit lancée par le gouvernement au parlement et dans les médias qui dépeignait les dockers comme un collectif « privilégié », susceptible d’occasionner des sanctions et des pertes économiques au pays pour vouloir maintenir des conditions présentées comme insoutenables.

« C’est le cas de figure habituel d’hostilité affichée par le gouvernement dans pareille situation et nous sommes désormais habitués à le voir procéder de la sorte avec toutes les collectivités qu’il tient à déréguler : Fonctionnaires, professeurs, contrôleurs aériens, chauffeurs de taxis… », a indiqué Rodríguez.

« C’est un discours obsolète, archaïque, infâme du ‘tu es un privilégié parce que tu as de bonnes conditions de travail, des périodes de repos et un salaire au-dessus de la moyenne’, mais heureusement je pense qu’il n’a pas pris, même si nous avons dû le souffrir une fois encore », a-t-il affirmé.

« Il semble que le gouvernement soit profondément incommodé par le fait de devoir négocier à conditions égales avec une collectivité », a-t-il conclu.

This article has been translated from Spanish.