Le service civique: remède à tous les maux?

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Lorsque le 7 janvier dernier, les frères Kouachi déciment en quelques minutes la rédaction de Charlie Hebdo, la France est sous le choc.

Elle l’est encore plus lorsqu’au fil des heures, les médias dessinent le portrait des deux jeunes terroristes. Nés en France et scolarisés dans les écoles de la République, Chérif et Saïd Kouachi se sont pourtant radicalisés.

Depuis, pour renforcer la cohésion nationale et l’adhésion de tous aux valeurs républicaines, certains politiques souhaitent rendre le service civique obligatoire. Une idée qui semble séduire puisque selon un sondage Odoxa, publié le 31 janvier, huit Français sur dix se disent pour.

Lors d’une conférence de presse, organisée le jeudi 5 février, le président François Hollande a finalement tranché. Ce dispositif, présenté comme le chaînon manquant de la citoyenneté, sera bien élargi sans être rendu obligatoire.

Instauré par la loi du 10 mars 2010, le service civique permet à des jeunes âgés de 16 à 25 ans, sans condition de diplôme, d’effectuer des missions d’intérêt général.

À l’époque, il s’agit de combler le vide laissé par la suppression, en 1997, du service militaire obligatoire, longtemps considéré comme un outil d’intégration et de mixité sociale.

Sur la base du volontariat, le service civique est réalisé dans des collectivités publiques ou des associations agrées par l’État. Les missions durent en général entre six et dix mois. Le jeune n’est ni salarié ni bénévole mais volontaire. Il est indemnisé 573 euros par mois.

Selon une étude, réalisée par TNS Sofres en mars 2013, 86 % des anciens volontaires sont satisfaits de leur mission et 95 % recommandent l’expérience.

C’est le cas de Marie-Emmanuelle, 27 ans. En 2005, la jeune femme a passé un an au sein de l’association Secours catholique. « À l’époque, je venais de finir mon école d’éducateur. Je voulais faire un break et voir si ce métier était bien celui que je voulais faire. » Selon elle, le service civique lui a permis de « découvrir une réalité » qu’elle ne connaissait pas.

« J’ai touché du doigt la pauvreté matérielle et j’ai ouvert les yeux sur la réalité de certaines personnes aujourd’hui en France », dit-elle.

Dans un rapport de février 2014, la Cour des comptes précise que six mois après, 75 % des volontaires étudient, travaillent ou sont en stage, contre 63 % avant cette expérience.

 

Manque de mixité sociale

Le chef de l’État s’est engagé à ce que tous les candidats au service civique soient acceptés à compter du 1er juin.

Car aujourd’hui, seul un candidat sur cinq l’obtient.

Mais accueillir 170.000 à 180.000 jeunes (c’est l’estimation du gouvernement) demandera un effort budgétaire conséquent.

Et le dispositif séduit beaucoup. Dès sa création en 2010, le service civique a concerné 6000 jeunes. Deux ans plus tard, ils étaient 20.000 et 35.000 l’année dernière.

Fin 2014, l’Assemblée nationale a même dû voter une rallonge budgétaire pour permettre à 45.000 jeunes d’y avoir accès en 2015. Le coût pour l’État s’élèvera alors à 150 millions d’euros.

Mais outre la question financière, se pose également celle de la mixité sociale.

Car, si l’on regarde les chiffres, on constate que les bénéficiaires ne sont pas forcément ceux qui en ont le plus besoin.

Ainsi, la Cour des comptes constate que les « objectifs en termes de mixité sociale ne sont que partiellement atteints ».

En effet, moins de 25 % des engagés ont un niveau inférieur au bac, ce qui est bien loin du taux de 35 % fixé comme objectif en 2013.

Selon ce même rapport, la part des volontaires issus des quartiers de la politique de la Ville est de 17,7 % et les mineurs, très peu nombreux (2,5 % en 2012).

« Cela peut s’expliquer par le fait que les associations sont souvent réticentes à les accueillir en particulier lorsqu’ils sont déscolarisés », note la Cour des comptes.

Le ministre de la Ville Patrick Kanner est l’un des seuls à avoir soulevé cette insuffisance, dans une interview donnée au journal Le Figaro. Selon lui, « il faut que 100 % des demandes de services faites dans les banlieues soient honorées. (...) Donner plus à ces jeunes qui ont moins que les autres me semble être une démarche essentielle ».

This article has been translated from French.