Mexique : Les conventions collectives en voie de disparition

 

L’adoption du projet de réforme du travail présenté au début du mois par le président Felipe Calderon pourrait signaler la fin des conventions collectives au Mexique.

Les experts en matière de travail craignent que l’initiative n’entraîne une révision baissière des salaires, ne nuise à la stabilité de l’emploi et ne favorise le licenciement sans entrave.

Dans le projet soumis au Congrès, Calderon se justifie en invoquant la nécessité de créer plus d’emplois et de rendre les entreprises plus productives.

« Cette initiative de réforme du travail répond à la nécessité impérieuse de moderniser notre législation du travail, un thème qui a figuré à l’ordre du jour du débat public au cours des 15 dernières années », a-t-il expliqué.

 

[caption id="attachment_1897" align="alignnone" width="570"] Les contrats de protection sont pratique courante dans les entreprises maquiladoras (Photo/Alan Grinberg) 

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Des doutes surgissent, cependant, quant aux motivations réelles du gouvernement.

Pour Hector Barba Garcia, conseiller juridique auprès de l’Union nationale des travailleurs (UNT), derrière l’idée de modernisation se trouve une tentative de précarisation du travail, par laquelle on prétend réduire le coût opérationnel des entreprises.

« Les emplois ne se créent pas par décret. Ils exigent un soutien résolu au pouvoir d’achat des travailleurs et de la population, à savoir les consommateurs.

Nous pensons que si cette vision du gouvernement devait se réaliser et que de nouveaux emplois sont créés, ceux-ci seront plus précaires », a-t-il indiqué lors d’une entrevue avec Equal Times.

Pour stimuler la création de postes de travail, l’initiative propose de légaliser les différentes modalités de sous-traitance actuellement interdites en vertu de la législation et d’autoriser, en outre, le recours aux contrats à l’heure.

Une démarche qui, selon les critiques, vise à rejeter les responsabilités patronales sur les sous-traitants, supprimant du même coup les droits de stabilité et les prestations sociales.

« Le projet nuit à la négociation collective, a fortiori dans un pays où la négociation collective relève déjà d’un phénomène en voie de disparition.

De fait, la grande majorité des accords en place sont des accords de protection, c’est-à-dire qui sont signés en l’absence d’une représentation légitime des travailleurs, par des syndicats fantômes », indique Barba Garcia.

Au Mexique, à l’heure de se constituer, beaucoup d’entreprises souscrivent une « convention de protection » avec un syndicat jaune, empêchant ainsi les salariés d’élire l’organisation de leur choix.

Cette pratique bénéficie de l’aval des autorités et empêche la formation de syndicats indépendants.

L’emploi du concept de « protection » renvoie à la pratique maffieuse consistant à accorder une protection moyennant paiement aux commerces qui veulent éviter les problèmes.

Selon les estimations, neuf syndicats sur dix enregistrés au Mexique sont, en réalité, des syndicats de protection.

Ils se concentrent plus particulièrement dans le secteur automobile, les chaînes de supermarchés, les services de nettoyage, les compagnies aériennes low cost et les zones franches ou maquiladoras.

Pour Arturo Alcalde Justiniani, avocat spécialisé dans les questions syndicales, la réforme vise à blinder ces contrats factices par l’imposition de nouvelles conditions limitant les possibilités qu’ont les travailleurs de changer de syndicat.

Avant de pouvoir sortir du contrat de protection, ils devront, notamment, obtenir une autorisation du gouvernement, de l’employeur et même du syndicat fantôme.

« La réforme exige que les travailleurs qui souhaitent se désaffilier déposent auprès de la commission de conciliation et d’arbitrage une liste reprenant leurs signatures et coordonnées personnelles et obtiennent l’autorisation expresse de cette instance.

Lorsque nous parlons d’instance, nous nous référons, dans le cas des commissions, au représentant du patron lui-même, du gouvernement et du syndicat hégémonique de la zone », précise Alcalde dans un article pour le quotidien La Jornada.

Cette semaine, l’Organisation internationale du travail (OIT) a averti que l’affaiblissement des conventions collectives risque de compromettre les perspectives de sortie de crise.

« Loin d’entraîner le déclin des entreprises et de réduire leur productivité, des preuves abondantes montrent que les conventions collectives contribuent à réduire les inégalités de revenu et favorisent la productivité et la compétitivité », a affirmé Susan Hayter, spécialiste des relations professionnelles et des relations d’emploi à l’OIT.

Or force est de constater que la proposition du gouvernement ne contient pas la moindre référence à la ratification de la Convention 98 de l’OIT sur la liberté syndicale et la négociation collective.

Le Mexique est le seul pays de la région de l’Amérique latine et de la Caraïbe à ne pas l’avoir ratifiée.

Pour reprendre les termes du dernier rapport des violations des droits syndicaux publié par la Confédération syndicale internationale (CSI), au Mexique, « Les employeurs, de connivence avec le gouvernement, inventent et perfectionnent des mécanismes pour violer constamment les droits syndicaux.

Ces violations massives ont pour objectif d’empêcher l’organisation syndicale des travailleurs/euses et d’éliminer ou affaiblir leurs organisations.

C’est ainsi que prolifèrent les « contrats de protection », la répression, les menaces et le recours aux gros bras pour attaquer les travailleurs syndiqués », conclut le rapport.

 

 

This article has been translated from Spanish.