Qu’est-ce qui a changé pour les travailleurs depuis la révolution en Égypte ?

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La révolution en Égypte a été une véritable bouffée d’oxygène pour les nombreux travailleuses et travailleurs qui, pendant plus de 30 ans, ont dû endurer un régime tyrannique et le déclin progressif des conditions économiques et sociales.

Les travailleuses et travailleurs égyptiens ont joué un rôle déterminant dans la révolution, tant par leur résistance face aux violations systématiques des droits du travail fondamentaux que par la recherche de solutions à une situation économique insoutenable résultant de la fermeture de nombreuses usines

En effet, à partir des années 1990, le gouvernement s’est adonné à des politiques économiques malavisées axées sur les privatisations, qui ont entraîné des milliers de pertes d’emplois dans l’industrie et les services.

Toutefois, avant-même que les premières émeutes n’éclatent en janvier 2011, les travailleurs avaient déjà organisé des grèves et des manifestations pour faire pression sur le gouvernement et les entreprises publiques en faveur d’augmentations salariales. Jusqu’à l’année dernière, le salaire minimum mensuel se situait autour de 25 dollars.

La décision du gouvernement de rehausser celui-ci à 67 dollars n’a fait qu’attiser les mouvements de protestation en faveur d’un salaire minimum de 200 dollars. Il a fallu neuf mois supplémentaires au gouvernement pour parvenir à un compromis de 115 dollars.

Au cours des 18 mois qui ont suivi la révolution, l’Égypte a été le théâtre de contestations massives et fréquentes, les plus intenses de l’histoire du mouvement ouvrier national.

Plus de 2000 grèves ont eu lieu, soit plus de quatre fois le nombre d’actions collectives organisées en 2010.

La majorité des manifestations étaient en rapport avec les bas salaires, l’absence de syndicats libres et l’absence de tout dialogue social. Ces mobilisations massives ont visé deux secteurs en particulier, à savoir l’industrie du textile et des vêtements et les transports publics.

 

Les revendications des travailleurs

« Les travailleurs des transports publics ont vu leurs droits bafoués depuis des décennies. C’est pourquoi nous avons organisé trois actions collectives massives entre septembre 2011 et mars 2012. Ces grèves portaient sur les bas salaires et le manque de sécurité sociale », a indiqué Tarek El Behiry, un salarié des transports publics affilié au Syndicat indépendant égyptien nouvellement établi.

D’après Tarek, ils n’ont pas pu obtenir le moindre soutien auprès du syndicat officiel, malgré l’engagement formidable dont a fait preuve le mouvement syndical durant la révolution. « Ces grèves et ces sit-in ont pour principal objectif la revendication de droits et de libertés, en particulier, la liberté syndicale », ajoute-t-il.

En réalité, c’est Ahmed El-Borai, ministre égyptien de la Main-d’œuvre et de la Migration au sein du premier gouvernement post-révolution qui s’était engagé à garantir les droits syndicaux pour les travailleurs égyptiens, conformément aux normes du travail fondamentales de l’OIT.

« La liberté d’association peut contribuer à créer un environnement propice à la négociation collective entre les employeurs et les travailleurs », a-t-il affirmé.

« Le véritable problème désormais réside dans l’absence de mécanismes démocratiques permettant aux travailleuses et travailleurs d’Égypte d’exprimer leurs revendications légitimes. »

Pour El-Borai, la mise en œuvre de la Convention 87 de l’OIT, ratifiée en 1957 mais jamais appliquée depuis, constitue une étape nécessaire pour améliorer les conditions des travailleurs égyptiens. L’année dernière, de nouveaux syndicats ont vu le jour dans plus de 800 entreprises. Toutefois, la dissolution du parlement a empêché l’adoption de la loi.

Aujourd’hui, les travailleurs comme Tarek El Behiry espèrent que l’élection d’un nouveau président marquera un retour à la stabilité, permettant à l’Égypte de s’engager dans une nouvelle voie.

 

Emplois et croissance

Le chômage figure parmi les répercussions les plus négatives de l’ancien régime. En juin 2012, il atteignait 12,6% d’après les statistiques nationales, et jusqu’à 18% selon l’OIT, cependant que certains experts internationaux l’estimaient à 24%.

Ces variations sont attribuables à l’absence d’un recensement fiable par le gouvernement égyptien du nombre de travailleurs présents sur le marché du travail.

Les rapports officiels du gouvernement confirment, néanmoins, que l’Égypte dispose du potentiel économique nécessaire pour créer de l’emploi en masse. Il n’en reste pas moins que le pays importe de la main-d’œuvre étrangère à faible coût, principalement depuis le sud-est asiatique.

Après la révolution, l’industrie du tourisme a été en proie à un chômage galopant, qui a atteint 30%. L’industrie textile a connu, elle aussi, un déclin spectaculaire résultant des politiques de privatisation. La production a chuté d’environ 60% et plus de 1500 usines ont fermé leurs portes dans le courant de l’année écoulée.

La Banque mondiale a demandé au nouveau gouvernement égyptien de créer des conditions favorables aux investissements en poursuivant les réformes structurelles et en réduisant les disparités de niveaux de vies, pour endiguer le ralentissement économique.

D’autre part, la Banque mondiale a invité l’Égypte à favoriser les perspectives d’emploi, à augmenter le taux de croissance, à améliorer le climat des affaires et à soutenir les flux d’investissements directs étrangers.

D’après certaines estimations, l’Égypte devrait atteindre un taux de croissance de 2,5% en 2012 et 3,5% en 2013. D’après les mêmes sources, les secteurs susceptibles de connaître une croissance plus rapide, moyennant un contexte politique plus stable et l’apport de nouveaux investissements, seraient l’industrie textile, le tourisme, les mines et la technologie.

En réponse aux demandes des travailleurs concernant la réforme de l’économie et l’amélioration de leurs conditions, Mohamed Morsi a affirmé disposer de deux plans d’action contre le chômage.

À court terme, un fonds national sera mis sur pied pour la distribution d’allocations aux sans emploi. D’autre part, des aides financières et des formations seront fournies aux petites et moyennes entreprises qui embaucheront de la main-d’œuvre dans les secteurs les plus stratégiques.

Pour ce qui est du long terme, l’ancienne politique de privatisation sera réexaminée, cependant que les initiatives publiques fructueuses seront maintenues.

Le nouvel exécutif national a, par ailleurs, affirmé qu’il mettrait tout en œuvre pour attirer de nouveaux investissements et éliminer les obstacles à la libre entreprise, tout en promouvant des initiatives dans le domaine des soins de santé et de l’enseignement public. En particulier, il pourrait être envisagé de privilégier l’embauche de diplômés au travers de nouveaux programmes de formation professionnelle.

 

Cet article a été traduit de l'anglais.